Quand on se penche vraiment sur les annales des Beatles, on se rend compte qu’en dehors de la musique, John Lennon a eu un rôle vraiment particulier au sein du groupe. La star était le rêve d’un psychologue, et une chose qu’il avait manifestement du mal à gérer, c’était les louanges. D’une certaine manière, on a l’impression qu’il essayait constamment d’éviter l’adulation du grand public, en essayant d’obtenir une appréciation indie plus discordante de la part des masses.
Cependant, cela se heurtait simultanément à un ego considérable, et la solution évidente était donc de tourner en dérision le travail des autres membres du groupe à l’occasion, afin de susciter un sentiment d’indifférence froide. En revanche, il convient de noter qu’il est tout à fait naturel d’essayer de créer une certaine distance entre soi et l’hystérie qui nous entoure. Paul McCartney essayait même de faire la même chose d’un point de vue créatif.
Comme l’a expliqué Lennon : “Comme je l’ai lu l’autre jour, [McCartney] a dit dans l’une de ses interviews pour un fanzine qu’il essayait de mettre une certaine distance entre les Beatles et le public – et c’est ainsi qu’est née l’identité de Sgt. Pepper”. Ainsi, l’album conceptuel est né du désir des Beatles de s’évader dans une fantaisie fabriquée de toutes pièces.
Cependant, comme beaucoup de fantasmes, l’œuvre finale présentait des lacunes notables. Intellectuellement, c’est la même chose que ce qu’il a fait en écrivant “He loves you” au lieu de “I love you””, poursuit Lennon dans le livre All We Are Saying : The Last Major Interview with John Lennon and Yoko Ono. “C’est sa façon de travailler. Sgt. Pepper est considéré comme le premier album conceptuel, mais il ne va nulle part”.
Bien que le disque ait été considéré comme un chef-d’œuvre par presque tout le monde, il n’a pas hésité, dix ans plus tard, à dire ce qu’il en pensait. En fait, il a même laissé entendre, avec une pointe d’amertume, qu’ils s’en étaient tirés grâce au piédestal sur lequel ils avaient été placés. “Toutes mes contributions à l’album n’ont absolument rien à voir avec l’idée de Sgt. Pepper et de son groupe”, a-t-il expliqué, “mais ça marche parce que nous avons dit que ça marchait, et c’est comme ça que l’album est apparu”.
Il en conclut qu’au-delà de la pochette et de quelques petits détails narratifs, l’album ne constituait pas du tout un disque conceptuel. “Il n’était pas aussi bien ficelé qu’il n’y paraît, à l’exception de la présentation de Billy Shears par Sgt. Pepper et de la soi-disant reprise. Toutes les autres chansons auraient pu figurer sur n’importe quel autre album”.
Dans une certaine mesure, c’est vrai, mis à part le fait que le disque a mis la culture dans son ensemble sous la loupe. Cependant, le sens du concept n’était pas la seule raison pour laquelle il a été acclamé, et il convenait à Lennon de laisser ce fait de côté lors de sa rétrospective. Comme toujours, il a astucieusement joué avec la façon dont il est devenu le porte-parole qui a recadré son propre héritage en tant qu’artiste. Même si cela n’a pas toujours été crédible, c’était toujours intéressant.