Grands Prix de la Création de Paris 2023 : Qui est la designeuse Juliette Berthonneau ? (1/2)

Par Vincent Espritdesign @espritdesign

Chaque année, le Bureau du Design, de la Mode et des Métiers d’Art met en lumière la jeune création française. Le 15 septembre dernier, au sein de l’Hôtel de ville de Paris, les sept lauréats des Grands Prix de la Création ont été dévoilés. L’occasion de revenir sur ce concours emblématique imaginé il y a trois décennies. 

Quand nous pensons aux Grands Prix de la Création de la ville de Paris, le visage des ancien.ne.s lauréat.e.s Matali Crasset, Ronan Bouroullec ou encore Amélie Pichard nous reviennent en tête. Depuis 2006, le BDMMA tient à valoriser la jeune création et le savoir-faire français. Véritable incubateur, il accompagne de jeunes professionnelles allant de la mode au design afin de donner naissance à leur projet et de ce fait, leur apporter une certaine stabilité. 

Présidé par la designer Inga Sempé, le jury design de cette 30e édition se composait de seize membres allant du journaliste Olivier Waché à Silvia Dore, présidente de l’Alliance Française des Designers. « Pour remettre ces prix, je me suis entourée de jurés issus du monde de l’entreprise […] Notre Grand Prix, Julie Richoz, s’est dans ce cadre, naturellement imposée. Pour le Talent émergent, nous avons choisi Juliette Berthonneau, designeuse textile très prometteuse à qui le Prix va permettre de développer son activité. » affirme la présidente du jury design. 

Juliette Berthonneau, orfèvre du tissage

? Gilles Piat.

Diplômée des Beaux-Arts de Lyon, Juliette Berthonneau pose ses valises durant deux ans en Suède pour apprendre l’impression textile au sein de la Swedish School of Textiles. Cette expérience lui permet de réaliser son premier projet de tissage en 3D nommé « Bouncing Patterns ». Telles des sculptures poétiques, la designeuse façonne des tissus autoportants, qui apportent des solutions aux problèmes d’isolation thermique et acoustique. Talent Émergent Design de cette nouvelle édition, elle nous en dit plus sur le procédé créatif de son innovation textile.

BED : Comment avez-vous mis au point ce tissage ? Sur quoi ce sont basées vos recherches ?

Juliette Berthonneau : Cette nouvelle méthodologie de production associe design textile, art et recherche pour ouvrir les portes à de nouvelles performances et usages. De formation artistique et non scientifique, j’expérimente sur le métier à tisser Jacquard industriel de façon empirique. Son utilisation est à la fois détournée et exploitée pour son haut potentiel technique. 

Mon innovation résulte de l’invention d’une recette simple issue de la combinaison de principes rudimentaires et de l’association d’éléments existants. Programmée numériquement et conçue directement sur la machine, la surface tissée passe du plat au volume. Le textile devient alors un objet prêt à l’emploi, sans assemblage, sans couture, sans colle, sans ajout de structure et n’a nullement besoin d’impression 3D.

La capacité des plis aide a structurer les surfaces planes. Il en résulte alors des tissus sculpturaux autoportants uniques. Les formes en creux accentuent l’ambiguïté entre volume et légèreté. Je souhaite proposer à travers mon innovation un produit résistant et adaptable, selon moi cela permet d’encourager à une consommation durable. Mes tissages tridimensionnels ouvrent une réflexion sur les qualités intrinsèques de la surface textile en elle-même, la notion de rebond, l’élasticité et l’adaptabilité d’une matière aux propriétés contradictoires.

Tantôt souple, tantôt rigide, un seul objet textile peut s’adapter à nos espaces de vie qui sont en perpétuelle évolution. Ils intensifient l’expérience émotionnelle et sensible de la matière. Les notions de solidité, résistance et durabilité se conjuguent donc avec la recherche de confort sensoriel, de souplesse et de douceur.

Pouvez-vous nous en dire plus sur sa conception ?

De nombreux prescripteurs, architectes, décorateurs et industriels recherchent des matériaux à la fois techniques et esthétiques, or la création de textiles techniques est rarement motivée par l‘expression artistique. Le développement d’un nouveau moyen d’exploration des technologies textiles m’a conduit à une expression plastique nouvelle et unique du tissage sculptural. Le minimalisme et la simplicité sont des choix visuels, certes, mais ils ont aussi des valeurs éthiques. Dans chacun de mes projets, je tiens à mettre en lumière les combinaisons colorées. Les surfaces, souvent monochromes, varient simplement selon les lumières et les reliefs.

Le procédé que j’ai mis en place me permet de tisser tous types de fibres. Pour le moment j’ai expérimenté principalement le coton, la laine et le mohair, qui sont choisis suivant l’effet visuel/ou tactile recherché, et suivant les propriétés. Le choix des fils utilisés va influencer la dureté/souplesse, la transparence/l’opacité, et est à définir selon l’application du textile.

Avez-vous travaillé avec des artisans pour la réalisation de vos prototypes ?

J’ai travaillé seule sur la conception de mon propre tissage. Cependant, je suis accompagnée par des techniciens spécialisés sur la mise en route des métiers à tisser industriels. Parallèlement à mes pièces tissées, je collabore régulièrement avec un artisan plisseur parisien. La technique du plissé me permet d’obtenir des propriétés structurelles qui se rapprochent de mes tissages tridimensionnels. 

J’aime autant travailler avec les outils industriels qu’avec les procédés artisanaux. Les techniques artisanales permettent d’avoir plus de contrôle sur les délais de fabrication et de produire en quantité réduite, voire unique. Elles donnent une certaine liberté par rapport aux contraintes de l’industrie.

Quelles sont leurs propriétés ?

Ces tissages tridimensionnels offrent des qualités d’isolation multiples : acoustique, isolant thermique, filtre lumineux et absorbent les chocs : ils ont donc des applications possibles diverses. Le développement d’un nouveau moyen d’exploration des technologies textiles m’a conduit à une expression plastique nouvelle et unique du tissage sculptural. 

En référence aux habitats nomades primitifs, les tissages sont présentés comme un paysage ludique aux formes architecturales fluides. Ils s’inspirent aussi bien de colonnes antiques, que de la microstructure des coquillages. Ces objets changeants proposent des solutions de design durables, capables de suivre et de s’adapter à notre société en mouvement permanent. Exploré comme un nouveau principe de construction de formes, chaque textile permet d’esquisser des produits complexes et versatiles.

Qu’est-ce que va vous apporter ce prix ?

Ce prix va me permettre de travailler sur des outils industriels, dont l’accès est coûteux, et les contraintes complexes. À plus long terme, j’espère pouvoir participer à la redynamisation des industries textiles françaises et européennes. Mon objectif est de pouvoir proposer une librairie de tissages tridimensionnels variés : la découverte sensorielle de tous les potentiels de cette recherche textile comme proposer de nouveaux motifs géométriques, des couleurs ou des textures. 

Plus d’information sur Juliette Berthonneau

Plus d’informations sur le prix : Grands prix ville de paris, BDMMA

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