En amont de la traditionnelle saison des prédictions pour l'année prochaine, à laquelle sacrifient tous les analystes du monde entier, le cabinet Forrester partage dès à présent ses « anti-prédictions », à savoir les tendances importantes qui ne se concrétiseront pas dans les mois à venir. L'une d'elles me paraît particulièrement inspirante.
À vrai dire, il ne faut pas être grand mage pour considérer que, en dépit de la perception de plus en plus nette des bouleversements climatiques, 2024 ne verra pas de changements dans la répartition des populations sur l'échelle de la conscience environnementale : il suffit d'écouter la rumeur ambiante et de surveiller les statistiques de consommation pour s'apercevoir que la proportion d'individus engagés activement pour la planète stagne, oscillant entre 14 et 21% dans les pays occidentaux.
Si on laisse de côté la fraction de climato-sceptiques irréductibles (qui serait plutôt en croissance), la majorité se divise entre les « dormants » (qui excluent tout effort malgré leur reconnaissance des enjeux) et les « pragmatiques » (qui choisissent les options vertes quand elles s'alignent avec leurs autres exigences). La crise du pouvoir d'achat et la montée de l'inflation, tout comme la hausse des taux d'intérêts, à un degré moindre, constituent leurs priorités et prennent le pas sur les préoccupations écologiques.
Cependant, Forrester suggère de focaliser l'attention sur ces deux groupes, fréquemment sujets à des « frustrations et dissonances cognitives ». Concrètement, lorsque, faute de solutions adéquates, les personnes affectées doivent se résoudre à des comportements préjudiciables à leurs convictions, aussi peu affirmées soient ces dernières, elles accumulent une insatisfaction latente. Il existe donc là une opportunité consistant à injecter de manière transparente du sens dans leur quotidien.
La proposition du cabinet afin de l'exploiter est certainement efficace mais triviale : il s'agirait d'ajouter une valeur environnementale aux produits et services commercialisés sans en répercuter le coût sur l'acheteur (qui serait donc assumé par le fournisseur). Je suis toutefois persuadé qu'il est possible d'imaginer une myriade d'approches complémentaires susceptibles d'atteindre le même but, notamment dans le secteur financier. Tout est question de volonté et de créativité… et peut-être moins de budget .
Diverses initiatives ici et là esquissent déjà quelques pistes à explorer. Citons, par exemple, les outils destinés à rechercher et, dans les implémentations les plus complètes, solliciter les subventions et aides au verdissement de l’économie, en accompagnement d’un dossier de financement. Pour aller plus loin, des simulateurs de coûts à long terme pourraient aider à orienter les choix (et encore plus avec un coup de pouce basé sur les estimations réalisées). D’innombrables idées aussi simples restent à inventer.
Les raisons de mettre en œuvre de telles incitations ne manquent pas… et elles ne se réduisent pas à des enjeux de communication et de marketing. D’abord, dans de nombreux cas (entre autres autour de l’efficacité énergétique), elles contribuent à contenir la perte de pouvoir d’achat et représentent un soutien appréciable pour les clients. À plus long terme, elles établissent un socle pour une stratégie de responsabilité sociale et environnementale qui deviendra un jour indispensable et qu’il vaut mieux préparer.
En quelques lignes, je ne fais évidemment qu’effleurer un terrain de jeu immense et fertile, entre la période difficile que vivent aujourd’hui les consommateurs et les défis qu’ils auront à relever demain (pas seuls, heureusement). Le moment et les conditions sont idéaux pour restaurer ainsi une confiance qui se délite inéluctablement.