Au diable les chiffres, pour la rentrée littéraire de septembre 2008, parlons de mots.
Voilà donc quelques citations de mes coups de cœur de cette année. D'autres
suivront sans doute puisque les parutions sont échelonnées ...
Tous ces livres sont très différents. Si vous cherchiez des idées de lectures .... cela vous aidera peut-être ... Pour une critique plus complète,
rendez-vous dans les pages de Muze (septembre et octobre) et sur le
Buzz Littéraire dans les semaines à venir. Et en attendant, cliquez sur les noms des auteurs pour découvrir davantage l'histoire de son roman (quand cela est possible).
Bonne lecture de la rentrée à tous.
"On a tort de penser que la vie a raison de nos rêves. Nous
accomplissons ce que nous souhaitons profondément, sans nous en rendre
compte. Et lorsque nous avons obtenu satisfaction, nous nous plaignons.
Les rêves sont morts. Non, ils sont devenus réalité, laquelle est
forcément décevante."
Stéphanie Janicot - Dans la tête de Shéhérazade.
Ed. Albin Michel. Roman
"Je tâtai le pouls de l'individu et j'eus la confirmation de ce que je
savais. À quoi sait-on que quelqu'un est mort? Je ne suis pas médecin,
mais chaque fois que je me suis trouvé en présence d'un mort, j'ai
éprouvé une gêne très profonde, le sentiment d'une impudeur
insupportable. Toujours cette envie de dire: «Voyons, monsieur, quelle
tenue! Reprenez-vous! Si tout le monde se laissait aller comme vous!»
Quand on connaît le défunt, c'est encore pire: «Ça ne te ressemble pas
de te conduire ainsi.» Je n'évoque même pas le cas, troublant jusqu'à
l'obscène, où l'on aimait le cher disparu."
Amélie Nothomb - Le fait du Prince.
Ed. Albin Michel.
"Rocca haussa les épaules. Il pensait à Anna. Il n'avait pas l'habitude de se faire planter par une fille.
Dehors
la procession des chars avait repris. Il aperçut un vieux qui crachait
derrière, par habitude. Les Russes avaient annoncé qu'ils avaient
besoin de trente-six heures pour évacuer la ville. Tout serait bientôt
terminé.
Encore quelques heures et Budapest serait libre. Il fallait juste un peu de chance."
Danièle Georget - Une passion hongroise.
Ed. Plon.
"Quand je serai grand, je garderai la couleur du silence pour me défendre".
Fadéla Hebbadj - L'arbre ébène.
Ed. Buchet Chastel. Premier roman
"Mes mots ne supportent pas la visite, j'écoute un moment, je réponds, mais je garde mes mots qu'ils ne seront pas compris."
Claire Castillon - Dessous, c'est l'enfer.
Ed. Fayard.
"La vie n'est qu'une somme de hasards, pour ceux qui n'ont pas la chance de croire en un dieu, même simple horloger.
les coïncidences sont toutefois signifiantes.
On dit aussi qu'elles sont troublantes.
Naître
et grandir dans le Quartier latin ne prédispose pas forcément à
consacrer sa vie aux langues anciennes, mais constitue un terreau
fertile. "
Teodoro Gilbert - Les pages roses.
Ed. Buchet Chastel. Premier roman
"Un
pas devant l'autre. Quoi de plus simple. On pose un pied, le talon
d'abord, le déroule, l'autre pied se soulève alors, l'alternance est
naturelle, et la mécanique du corps, parfaitement rodée. Aucune
commande nerveuse complexe et aucun effort de notre volonté ne sont
nécessaires afin de nous porter en avant. C'est heureux : il existe des
buts que l'on n'a pas envie d'atteindre, et des chemins que l'on ne
veut pas parcourir."
Jean Mattern - Les bains de Kiraly.
Ed. Sabine Wespieser. Premier roman
"A partir d'aujourd'hui, je vais voir le visage qu'il aurait eu s'il lui
avait été donné de vieillir. Je porte mon père en moi. Ce matin, aux
aurores, je l'ai senti monter sur mes épaules comme un enfant. Il
compte sur moi dorénavant. Tout va avoir lieu aujourd'hui. J'y
travaille depuis si longtemps.Je bois doucement le café qui fume encore. Je n'ai pas peur. Je reviens
des Enfers. Qu'y a-t-il à craindre de plus que cela? La seule chose qui
puisse venir à bout de moi, ce sont mes propres cauchemars. La nuit,
tout se peuple à nouveau de cris de goules et de bruissements d'agonie.
Je sens l'odeur nauséeuse du soufre. La forêt des âmes m'encercle. La
nuit, je redeviens un enfant et je supplie le monde de ne pas m'avaler.
La nuit, je tremble de tout mon corps et j'en appelle à mon père. Je
crie, je renifle, je pleure. Les autres appellent cela cauchemar, mais
je sais, moi, qu'il n'en est rien. Je n'aurais rien à craindre de rêves
ou de visions. Je sais que tout cela est vrai. Je viens de là. Il n'y a
pas de peur autre que celle-là en moi. Tant que je ne dors pas, je ne
redoute rien."
Laurent Gaudé - La porte des Enfers.
Ed. Actes Sud.
"Muni de son sac, Eric, s'approcha de son camarade l'œil inquiet.
Il obliqua silencieusement vers la sortie de peur que Melle Colinot
n'amalgamât le comportement des compères, et ferma la porte le regard
bas, délicatement, emprisonnant à contrecoeur celui qui ne ressemblait
à personne, celui dont la différence tranchait sur l'ennui, celui dont
il ne souhait que du bien."
Ariel Kenig et Gaël Morel -New Wawe.
Ed. Flammarion.
"Il
n'eut pas le temps de résoudre ces difficiles questions qu'un fourgon,
de la taille d'une berline, sans chevaux pour le déplacer, vint
s'arrêter à sa hauteur. Une stridence, répétée sur trois notes aiguës,
s'arrêta sèchement quand le grondement du véhicule cessa. Une lanterne
bicolore, posée sur le toit, continuait de tourner sur elle-même telle
une girouette, alternant blanc et bleu. Sur le caisson - on ne sait
quel terme employer pour désigner un tel attelage -, les mots "samu
social" s'étalaient. Candide connaissait le terme "social" dont
l'utilisation devenait un peu plus ffréquente depuis les travaux de
l'encyclopédie.
Mais "samu" ? Est-ce du roumain ? s'interrogea-t-il.
Paul Melki - Au paradis de Candide.
Ed. Calmann-Lévy.
Et encore ...
Nicolas Texier - Pôle Sud. Ed Gallimard.
Colombe Schneck - Val de Grâce. Ed. Stock
A suivre, peut-être ...