J’ai lu ce roman pour mon cercle de lecture, Laurent Mauvignier est un écrivain que je ne connaissais pas du tout – même pas de nom, je l’avoue à ma grande honte ! – et que j’étais curieuse de découvrir.
Note Pratique sur le livre
Editeur : Minuit double
Année de parution : 2016
Nombre de Pages : 235
Quatrième de Couverture
Sibylle, à qui la jeunesse promettait un avenir brillant, a vu sa vie se défaire sous ses yeux. Comment en est-elle arrivée là ? Comment a-t-elle pu laisser passer sa vie sans elle ? Si elle pense avoir tout raté jusqu’à aujourd’hui, elle est décidée à empêcher son fils, Samuel, de sombrer sans rien tenter.
Elle a ce projet fou de partir plusieurs mois avec lui à cheval dans les montagnes du Kirghizistan, afin de sauver ce fils qu’elle perd chaque jour davantage, et pour retrouver, peut-être, le fil de sa propre histoire.
Résumé du début de l’histoire
Samuel est un adolescent en crise, révolté, à la limite de la délinquance. Sa mère, Sibylle, qui a divorcé depuis peu de temps, pense pouvoir le sortir de cette mauvaise pente en partant avec lui pendant plusieurs mois dans un tour du Kirghizistan à cheval. L’adolescent n’est pas très enthousiaste mais il laisse sa mère organiser les préparatifs sans s’y opposer. Parallèlement, le père de Samuel et ex-mari de Sibylle regarde cette aventure se décider (puis se dérouler) avec un œil sceptique et assez critique, persuadé que tout cela finira mal et qu’on en arrivera à l’appeler à la rescousse.
Mon Avis
C’est un roman doté d’une grande tension dramatique, grâce à quoi on ne s’ennuie pas. Depuis les premières pages et jusqu’aux toutes dernières, on quitte un drame pour se préparer rapidement à en vivre un nouveau, le suspense est donc toujours maintenu à un état élevé d’intensité. Mais, à un moment on se demande si ce n’est pas un petit peu trop quand même ! Attentats, viol, tentatives d’agression, accidents de la route, embourbement dans un marécage où les héros manquent mourir, fugue, tentative de suicide, préméditation d’un meurtre, héroïne sur le point de mourir de froid mais qui, ayant échappé au froid, se retrouve à dégringoler au fond d’une ravine de huit mètres de haut, et j’en passe ! Laurent Mauvignier a dû penser qu’il devait fournir à ses lecteurs des rebondissements, des frissons, des aventures, du sang, des larmes et des sueurs froides à tire-larigot et c’est vrai que là, on en est presque étourdi. Alors, oui, c’est très bien fait, l’écrivain maîtrise les ficelles de son métier et il sait mener son histoire tambour battant, en utilisant un style haletant, fortement rythmé, qui fait penser à la foulée précipitée et heurtée d’un coureur de fond hors d’haleine. Longues phrases tronçonnées par de nombreuses virgules, coulées verbales qui oppressent la respiration du lecteur avant qu’il soit parvenu jusqu’au bout de sa lancée.
Je n’ai trouvé qu’un seul personnage sympathique, la mère, qui est même attachante et touchante. La révolte du fils est très bien rendue et exprimée avec une grande vérité mais ce n’est pas un personnage attachant car il fait figure de brute épaisse et bornée avec, en plus, des sentiments vaguement incestueux pour sa mère, dans une sorte de complexe d’ Œdipe tardif.
Les considérations politiques qui agrémentent de-ci de-là la psychologie des personnages m’ont paru un peu superflues. On a déjà vu d’innombrables fois, dans des téléfilms ou des polars banals, le stéréotype de l’adolescent révolté, haineux, abruti, machiste et lepéniste, qui boit des bières en maudissant les filles, les gays et les musulmans.
Bref, j’ai modérément aimé ce roman, même si je reconnais qu’il est prenant, que l’héroïne est touchante, que les descriptions des paysages et des chevaux sont très soignées et qu’on a très envie de connaître la fin.
Il faut peut-être lire ce livre de la même façon qu’on regarde un film d’aventures ou un western classique : comme un divertissement éphémère et sans chercher beaucoup plus que ça.
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Un Extrait page 72
Pendant des semaines après ce mois de mars, tous l’avaient fait chier comme pas possible – un juge, un éducateur, un psychologue à l’école – , et tous avaient salué l’initiative de sa mère, la trouvant courageuse et généreuse et autres conneries qui le rendaient fou de rage – oui, souvent, le soir, au moment de s’endormir, il ressentait, brûlante, bouillante, dans sa poitrine, qui l’empêchait presque de respirer, une énorme boule de haine qui grossissait contre elle, la mère courage, la mère généreuse et son grand projet un peu fou pour sauver son fils de la délinquance. Oui, ce que tout le monde regardait d’un œil émerveillé, lui trouvait ça complètement narcissique et délirant. Elle fait ça pour se donner le beau rôle. Elle fait ça pour se trouver formidable et sortir de sa propre merde, se disait-il, et si elle veut corriger des erreurs qu’elle a faites, eh bien, c’est trop tard, lui, il ne pardonnerait pas. Et son père avait bien eu raison d’exiger d’elle qu’elle finance toute seule ce voyage. Son père avait eu raison de dire qu’il était contre, qu’elle n’en était pas capable, qu’il ne suffisait pas de savoir monter à cheval, de savoir dresser une tente, il faut un mental, une force dont Sibylle était bien incapable. (…)