Je l'ai largement consommé (le fais toujours) l'ai étudié, en fût plus d'une fois diplômé, y ai travaillé, en fût récompensé, puis en suis sorti.
Mais le cinéma ne sortira jamais de moi.
Je vous parles d'un film dont j'ai aimé l'histoire, l'interprétation, l'audace, la cinématographie, l'univers, les thèmes, la musique, la réalisation, le son, le ton, bref je vous parles d'un film dont j'ai aimé pas mal tous les choix.
Je vous parles, ce mois-ci, d'un réalisateur qui a connu des années 80 remarquables. Le réalisateur producteur Claude Berri, entre 1983 et 1993, a été une sorte d'artiste béni à qui on pouvait donner carte blanche, il savait livrer du parfait haut calibre de cinéma. Je vous ai déjà parlé de ses deux Pagnols, indissociables pour moi. Mais je ne peux résister de vous parler du film qu'il a tourné, quatre ans avant, tiré du livre d'Alain Page de 1982, un film que j'ai découvert par hasard, adolescent, sur les ondes de Radio-Québec, la nuit, au retour d'une soirée arossée entre ami(e)s, seul dans mon sous-sol. Je devais avoir entre 16 et 20 ans. La solitude du moment avait rejoint la solitude de Lambert, incarné par l'humoriste Coluche, qui fait tout ici, sauf faire rire.
Le film commence dans la nuit de Paris et dans la pluie. Je suis large partisan de Richard Bohringer qui dit que C'est Beau Une Ville, La Nuit. J'aime aussi la nuit de par ma nature de vampire (chuuut!) Je découvrais ce film, la nuit, seul. Il cochait toutes les cases du moment. Lambert veut sortir Benssoudan de sa vie. Benssoudan veut se trouver une pute qu'il sortira de cette vie. Il y a un ailleurs chez chaque personnage qui les rends moins utiles dans l'agitation du jour, et plein de projets quand tombe la nuit.
Depuis toujours, La Nouvelle Vague Française le soulignant davantage, les Français éclairent leurs films très souvent de la lumière naturelle. Ce qui donne un sentiment de vérité dans ce qu'on regarde. Quand Anconina fait un face à face inattendu avec ses souteneurs, on est aussi saisi qu'il peut l'être. On habite facilement ce film. Encore plus si on l'écoute la nuit, semi-intoxiqué.
Il est très ville, très nuit, très sale, mais aussi, très simple. On a un sentiment de proximité avec le coeur d'une France endolorie.
Et lourd en même temps. Coluche est si trash qu'il ne parait aucunement déplacé dans une foule punk qui se tire les uns sur les autres, face à un spectacle. Un personnage croise le visage d'Elvis sur un poster dans ce film. Il y a un peu de la tristesse autour du king dans ce film.
Ce film est une portion de solitude nocturne touchante, intense et bouleversante.
La pluie revient aussi vers la fin de manière épique. Laver la saleté de la nuit.
Ce film a 40 ans, cette année.