On avait pris l'habitude de se faire un souper, entre amis, dans un restaurant asiatique du Vieux-Québec, où on était assis presqu'au sol pour manger. C'était bon, mais l'intérêt résidait davantage dans ce qui se passait autour de la table. Goyette & Stegren nous concoctait des cadeaux absurdes qu'ils nous donnaient en fin de repas TOUJOURS bien arrosé. Je crois que c'était un apportez-votre-vin. C'est certain que c'était un apportez-votre-vin. Chaque sortie de cet endroit était d'une jovialité fort excentrique. Intoxiquée à l'alcool. Parmi les cadeaux offerts, Stegren & Goyette avaient donné à une Martine parmi nous, un livre pour enfants de la séries Martine, et avaient trafiqué le titre pour en faire "Martine fait caca". De par la position qu'elle avait sur la couverture, modifiée adéquatement aussi. C'était le premier noël de cette Martine avec nous et ces deux clowns l'accueillaient avec ça ! Ils avaient aussi donné à notre amie célibataire "quelque chose que tu n'a pas eu depuis longtemps"...une bonne botte. Lui donnant une botte toute seule, en caoutchouc. Aussi cruel qu'amusant. On a eu du fun fou à ce resto de la rue St-Jean où il y avait toujours si peu de gens à l'intérieur qu'on avait jamais besoin de réserver. On avait toujours la même table près de la fenêtre.
Un de ses soirs, à la sortie, Michaud était si saoûl qu'il a perdu pied sur le trottoir et voulant retrouver son équilibre en glissant avec ses espadrilles, a arraché de le genou de Jazzy Jace qui en avait souffert le martyre.Mais un autre soir, le désordre improvisé allait être autre.
Après notre repas à ce resto, on s'était rendu à pied sur la Grande-Allée, secteur que je connais comme le fond de ma poche, y ayant passé toute ma jeunesse. On faisait des stops ici et là, on croisait des gens qu'on connaissait, leur jasait un bout de temps. Et une dizaine de personnes chaque fois, il y avait toujours quelqu'un qui connaissait quelqu'un d'autre et on se ramassait à trainer vraiment partout. Bar, terrasse, rue.
Là où nous n'allions plus, c'était le bar le Dagobert. On l'avait d'ailleurs rebaptisé le drague-o-bert, avec un accent anglais quand un Ontarien nous avait demandé ainsi où se trouvait ce bar. Nous n'y allions plus car on trouvait de plus en plus loin de nos préoccupations. Personne ne dansait, on voulait se parler et là faudrait se crier après, les gens qui s'y trouvaient étaient souvent des incels-in-progress ou des gens de l'extérieur (l'Ontario justement) qui venaient explorer les bars ouverts à des heures plus tard que chez eux et tenter d'ensorceler les plus sottes des naturellement jolies Québécoises sans broches qu'on a chez nous.
Parenthèse nécessaire avant la suite.
Je n'ai pas eu de frères. Aurais aimé, je crois. Peu de gars dans ma rue (5 sur une vingtaine d'enfants) et peu de cousins, presque juste des cousines. La virilité, la testostérone, j'ai toujours trouvé un peu risible car j'en étais témoin ailleurs, mais pas tant issue de moi. J'ai joué au hockey longtemps et à des niveaux compétitifs toutefois et j'étais parmi les joueurs les plus agressifs. À la fois parce que je suis irlando-autochtone, ce qui fait que j'ai le sang très chaud, mais aussi parce qu'à 5'9, j'étais considéré "petit" dans mon niveau sportif, donc forcé de me distinguer par mon coup de patin, mon sens du jeu et mes habiletés manuelles, oui, toujours, mais également par mes coups d'épaules. Que je distribuais généreusement un peu partout. Et quand tu donnes beaucoup de mises en échec, tu dois t'attendre à en recevoir tout autant. J'étais donc souvent au coeur de brouhaha sur la patinoire. J'ai même arrêté de jouer parce que je détestais ce que je me sentais devenir. Une brute épaisse.Donc quand un coéquipier se faisait injustement agresser, que notre gardien se faisait toucher, j'étais un des premiers à aller lui faire sentir ma présence. Simplement parce que le gars qui subissait ses abus, portait le gilet de mon équipe.
Mes amis, ma famille aujourd'hui, mon entourage, c'est aussi mon équipe.
Entre amis, un soir du temps des fêtes du début des années 90, nous avions erré un bout de temps sur la Grande-Allée, post resto de la rue St-Jean. Pour finalement entrer au "Dragobert", mais seulement le temps que quelques uns se rendent à la salle de bain et en resortent. Je ne crois plus que c'est comme ça maintenant, mais entrer dans un bar ne coûtait rien. On entrait et sortais à notre guise.
J'étais parmi ceux qui allaient faire un arrêt à la salle de bain. Jazzy Jazz, copine amoureuse du futur Docteur Brett, était aussi de celles qui se rendaient à la salle de bain. Au retour, Jazz & moi on s'est croisé par synchronisme involontaire et on est revenu ensemble pendant que les autres nous attendaient dans l'entrée ou autour. Je jasais avec Jazz, n'était pas attentif à cette entrée où nous nous dirigions avant d'y comprendre une agitation anormale. J'ai eu le temps de voir docteur Brett les bras croisés se faire monter le manteau par-dessus la tête, se faire pencher la tête par en bas et manger un violent coup de poing de la part de je-ne-savais-pas-qui. Me suis pas posé la question, j'ai sauté. Je n'ai pas réfléchi, j'ai réagi. Atterrissant d'un bond dans le dos de l'agresseur et y suis resté agrippé sévèrement. Le gorille est sorti dehors sur le perron, au haut des marches avec moi grimpé sur son dos, le retenant par le cou et par le bras qui frappait, il a arqué son dos hyper musclé par en arrière pour m'en faire décoller et j'ai rebondi sur mes pieds au sol, au bas d'une dizaine de marches. Directement sur mes pieds. J'ai mentalement enregistré ça, seulement après. En bas, des ami(e)s me retenaient car je hurlais une rage envers l'imbécile qui avait frappé notre ami, tout juste le temps de voir que c'était un portier et que deux autres portiers le prenait le poussait vers l'intérieur et lui ordonnait d'aller se cacher ailleurs, lui faisant comprendre qu'il avait merdé."C'EST ÇA CACHEZ VOTRE HOSTIE DE MAMOUTH ! IL SAIT QUE CE QU'IL A FAIT C'EST UNE CHRIST D'AGRESSION INUTILE DE CALISSE DE MACAQUE!!" J'ai gueulé, les pointant, fâché noir, mais constatant aussi froidement que ma manière de hurler ainsi en public était ridicule et que ma voix était étrangement haute perchée et plutôt du nez. Je me suis gardé silencieux par la suite parce que je n'avait pas aimé ma voix.
Des gens passant par là pouvait facilement penser que je m'obstinais avec mes vomissures.
Je ne savais rien de ce qui avait mené à ce coup de poing. Docteur Brett nous as dit que le portier lui avait demandé de ne pas trainer dans l'entrée et qu'il avait répondu d'un "PFF! j'attends mon monde, calme-toi" Ce que le portier n'avait visiblement pas envie de faire. Mais le docteur Brett n'avait pas eu trop de mal, son manteau épongeant l'uppercut tenté.
J'étais tendu, mais Docteur Brett, pour sa part, était ravi de ma réaction. Ne cessait de m'en remercier. Une réaction qui était le joueur de hockey que j'avais été. Il était tout sourire pour le reste de la soirée et se sentait protégé de sa garde rapprochée. S'excusait sans cesse de brouhaha mais dans le même souffle me remerciait d'avoir cassé le rythme que l'autre comptait prendre.
Dickheads family
J'ai repensé à ceci hier, en vous parlant de solidarité raciale. On se trompe toujours sur les races sur votre planète. Il n'y en a que trois. Humaine, animale, végétale.(Non, Jones, ce sont des espèces).
Je vous écrivais hier que j'admirais la solidarité entre humains à la peau noire. J'ai aussi dit que je me serais joint à eux pour battre le cul des idiots de blancs qui ont agressé le travailleur noir et brisé les côtes de son jeune adolescent de 16 ans d'assistant. 4 d'entre eux ont été arrêté par la police. J'en suis fort aise.
Ma chronique d'hier aurait aussi pu s'appeler Solidarité Fraternelle, Partie 1.