Collabo notoire, traqueur de juifs et de communistes, pourvoyeurs d’internés à Drancy et d’otages à fusiller, agent de la Gestapo berlinoise, et même si c’est faux, milicien, tireur des toits, massacreur d’honnêtes gens et de patriotes. A tous les coups, il est bon pour le peloton d’exécution.
Pour l’heure, nous le retrouvons au Val de Grâce, quasiment lynché par la foule des résistants de la dernière heure, un œil crevé et la tête bandée. Il s’est débrouillé pour revêtir une tenue de nuit et a fait semblant de s’échapper des ruines d’un immeuble juste bombardé, mais ce subterfuge ne va pas durer longtemps.
Toute son énergie va être consacrée à se tirer de cette affreuse situation : échapper à la vindicte des nouveaux maîtres de la France, tenant d’une justice expéditive et des exécutions sommaires : les FTP communistes.
Romain Slocombe plonge dans la nuit de ces jours de colère, de vengeance et de retournements de vestes, de ces « résistants à la coque » (frais du jour) et de la toute puissance du petit père des peuples. A son crédit, une énorme documentation dont il fait bénéficier – parfois un peu trop – le lecteur, sur cette période sombre de l’épuration notamment dans la police, au lendemain de la marche triomphale du général de Gaulle.
Sadorski est l’anti-héros absolu, et cependant, on ne peut qu’admirer les mille et un tours qu’il a dans son sac pour échapper à ses poursuivants. Cette fois, il est vraiment en mauvaise posture, gardé de près par de jeunes excités maniant sans précaution leur mitraillette Sten, parqué avec des centaines de collabos – ou simplement dénoncés comme tels – à l’Institut dentaire George Eastman, dans le 13ème arrondissement. Un établissement qui, après avoir été réquisitionné par la Wehrmacht, est dédié à la répression contre les collaborateurs.
"un monumental, invraisemblable centre de séquestration, de tortures et d'assassinats, au coeur de Paris." Des communistes pires que les nazis.
Car Sadorski, pourtant jamais en peine de séduire toute jeune femme qui passe à sa portée, n’a qu’un objectif : retrouver son épouse Yvette, arrêtée sur dénonciation, ainsi que Julie, la jeune juive que le couple a cachée pendant deux ans, et qui a disparu.
La dernière phrase du roman laisse entrevoir un nouvel épisode !
J’étais le collaborateur Sadorski, polar historique de Romain Slocombe, édité chez Robert Laffont, collection Points, 600 p., 9,90€