A.Tabucchi, Flick.fr
" Je préfère les gens qui doutent, qui écoutent, qui évoluent plutôt que ceux qui imposent leurs idées et leurs croyances. L'univers est rempli de gens sans peur, des gens sûrs d'eux, de leur bon droit et de leur manière de voir le monde. Ces individus me laissent perplexe. Il faut avoir peur, c'est salutaire. la peur aujourd'hui est bonne conseillère : elle fait voler en éclat les idées reçues, les conditionnements de masse, le culte du chef. On a suffisamment connu de gens pétris de convictions autoritaires au XX e siècle pour savoir qu'ils n'apportent que des désastres. c'est pour cela que je n'aime pas les héros. Ils donnent les ordres ou bien les exécutent sans discuter...
Si le doute m'est nécessaire pour des raisons philosophiques, j'aimerais bien me défaire de mon sentiment de culpabilité. Je ne désespère pas de le voir disparaître à brève échéance d'ailleurs... La culpabilité est un sentiment irrationnel, le sentiment d'être responsable de tout le mal du monde. Le remords, lui, exprime une nostalgie, le regret de ce qui aurait pu être et n'a pas été. Je suis quelqu'un pétri de regrets qui se résument, in fine, en un seul : celui de ne pas être un autre, n'importe lequel mais un autre...
La littérature donne une forme narrative au regret. Si je n'étais pas un écrivain, j'aurais une maladie de cœur ou des larmes plein les yeux..."
Antonio Tabucchi : extrait d'un entretien avec Catherine Argand, Magazine Lire n°237,été 1995, recueil "Les grands entretiens de Lire", par Pierre Assouline, Éditions Omnibus, 2000.
Du même auteur, dans Le Lecturamak :