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Tropismes de Nathalie Sarraute

Par Etcetera

Tropismes de Nathalie Sarraute

Une amie - Ana-Cristina plus exactement - m'a conseillé ce livre et, comme je n'avais lu jusqu'à présent que très peu de choses de Nathalie Sarraute, j'ai suivi ce conseil avec plaisir.

Note Pratique sur le livre

Éditeur : Minuit
Date de publication : (initiale : 1939 chez Denoël) puis 1957 chez Éditions de Minuit.
Nombre de pages : 90

Quatrième de Couverture

" Les tropismes, a expliqué l'auteur, " ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir ". Vingt-quatre petits tableaux d'oscillations intérieures presque imperceptibles à travers clichés, lieux communs et banalités quotidiennes : vingt-quatre petits récits serrés, où il n'y a plus de trame alibi, plus de noms propres, plus de " personnages ", mais seulement des " elle " et " il ", des ils " et " elles ", qui échangent leur détresse ou leur vide au long de conversations innocemment cruelles ou savamment féroces. [...] Textes très courts où une conscience jamais nommée, simple référence impersonnelle, s'ouvre ou se rétracte à l'occasion d'une excitation extérieure, recevant la coloration qui permet de l'entrevoir. " (Gaëtan Picon)

" Mon premier livre contenait en germe tout ce que, dans mes ouvrages suivants, je n'ai cessé de développer. Les tropismes ont continué d'être la substance vivante de tous mes livres. " (Nathalie Sarraute, préface à L'Ère du soupçon)

Initialement publié par Denoël en 1939, le premier livre de Nathalie Sarraute (1900-1999) est paru aux Éditions de Minuit en 1957, dans une nouvelle version où l'auteur avait retranché un chapitre pour en ajouter six nouveaux.

Mon Avis

J'ai eu l'impression que Nathalie Sarraute mettait dans ce livre quelques uns de ses agacements par rapport à certaines personnes. Elle nous décrit par exemple un professeur au Collège de France qui se pique d'avoir tout compris à Proust et à Rimbaud et qui a l'air de l'exaspérer (à juste titre). Elle nous décrit aussi des conversations entre femmes, à l'heure du thé, quand elles croient tout savoir sur " la vie " et cet univers de petites bourgeoises coquettes et maniérées semble susciter chez l'écrivaine une certaine irritation, qu'elle parvient parfaitement à nous transmettre. J'ai admiré surtout dans ce livre le talent d'observation de Nathalie Sarraute, une acuité très aiguë et qui se montre impitoyable avec ceux qu'elle examine et dont elle dissèque les manies, les tics de langage, les petits jeux sociaux plus ou moins ambigus. Il m'a semblé à plusieurs reprises que j'avais déjà rencontré le type de personnes qu'elle décrit et ces textes ont pu m'évoquer des images très personnelles, des souvenirs précis ont pu ressurgir à la faveur de ces pages.
Dans ce livre assez inclassable, Nathalie Sarraute détricote les notions romanesques traditionnelles de " personnage " ou d' "intrigue " et on a l'impression que les caractères ici exposés sont plutôt des types humains génériques, d'ailleurs anonymes et décrits par des détails ou des caractéristiques qui peuvent se retrouver chez de nombreuses personnes, occasionnellement ou plus durablement. C'est peut-être pour cette raison que ces caractères nous donnent une impression familière, nous évoquent des personnes réelles, et nous allons en quelque sorte du général au particulier.
Du point de vue de l' "intrigue " (qui n'existe pas vraiment), il m'a paru dans un premier temps qu'on pouvait lire chaque Tropisme comme une petite nouvelle tout à fait indépendante des autres, et qu'on pouvait même éventuellement les lire dans le désordre, mais après réflexion j'ai eu l'impression qu'il y avait peut-être une progression logique très subtile de l'une à l'autre, et que l'ordre de lecture choisi par l'auteure n'était probablement pas dû au hasard et devait receler une certaine signification d'ensemble. Par exemple, j'ai eu l'impression que les premiers Tropismes étaient surtout des descriptions d'états d'âme et qu'on s'orientait ensuite vers l'observation d'autrui, de façon de plus en plus précise.
Un livre très intéressant sur le plan littéraire, dont le caractère expérimental n'est ni rébarbatif ni abscons (contrairement à d'autres représentants du Nouveau Roman), et que j'ai lu avec grand plaisir !

Un Extrait page 41

X

Dans l'après-midi elles sortaient ensemble, menaient la vie des femmes. Ah ! Cette vie était extraordinaire ! Elles allaient dans des " thés ", elles mangeaient des gâteaux qu'elles choisissaient délicatement, d'un petit air gourmand : éclairs au chocolat, babas et tartes.
Tout autour c'était une volière pépiante, chaude et gaîment éclairée et ornée. Elles restaient là, assises, serrées autour de leurs petites tables et parlaient.
Il y avait autour d'elles un courant d'excitation, d'animation, une légère inquiétude pleine de joie, le souvenir d'un choix difficile, dont on doutait encore un peu (se combinerait-il avec l'ensemble bleu et gris ? mais si pourtant, il serait admirable), la perspective de cette métamorphose, de ce rehaussement subit de leur personnalité, de cet éclat.
Elles, elles, elles, elles, toujours elles, voraces, pépiantes et délicates.
Leurs visages étaient comme raidis par une sorte de tension intérieure, leurs yeux indifférents glissaient sur l'aspect, sur le masque des choses, le soupesaient un seul instant (était-ce joli ou laid ?), puis le laissaient retomber. Et les fards leur donnaient un éclat dur, une fraîcheur sans vie.
(...)


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