C’est étonnant : nos dirigeants, quand ils ne sont pas à nous expliquer les bienfaits d’une attrition contrôlée et de préférence silencieuse, et quand ils ne sont pas occupés à nous couper les vivres, l’énergie, les moyens de nous déplacer ou nos moyens de subsistance, semblent particulièrement préoccupés par l’usage que nous avons de notre sexe.
Et en matière de sexe, il apparaît maintenant important, que dis-je, nécessaire que l’égalité entre les hommes et les femmes soit parfaitement respectée, de tous les points de vue et de toutes les façons possibles. Cette certitude, fermement ancrée dans les convictions républicaines de toute la classe politique, a conduit à la création d’un énième “Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes” dont l’indispensable mission l’a poussé à aller étudier de plus près quelques plateformes pornographiques.
Le but était d’y trouver tout ce qui confirmait son existence même, à savoir les preuves irréfutables de traitements différenciés en fonction des sexes ainsi que d’une inégalité flagrante entre les hommes et les femmes. Dans la pornographie. Voilà.
Sans surprise, ce fut chose faite et mieux, même, puisque selon les fines analyses du Haut Conseil, ces plateformes se vautrent dans la “pornocriminalité”.
Dans son rapport, le Comité Théodule Haut Conseil nous explique avoir découvert des pratiques violentes et des traitements “contraires à la dignité humaine et à la loi”.
Et il a en partie raison puisque plusieurs procédures judiciaires sont actuellement en cours avec des dizaines de producteurs mis en examen pour “viols en réunion”, “traite aggravée d’êtres humains”, “proxénétisme aggravé” ou même “viol avec acte de torture et de barbarie”… Mais en partie seulement car ce rapport comporte aussi d’intéressantes affirmations et quelques propositions qui peinent à masquer les pires penchants intrusifs et autoritaires de leurs auteurs.
Ainsi, s’il apparaît évident que toute production (pornographique ou non, du reste) réalisée sans accord explicite et complet des adultes impliqués doit être non seulement interdite mais aussi poursuivie et dûment sanctionnée en justice – ce qui, au passage, est donc déjà couvert par les lois existantes – il n’en va pas de même pour celles qui sont, justement, réalisée par des adultes consentants.
Or, la lecture du rapport laisse une impression persistante de gloubi-boulga dans lequel les auteurs auront commodément mélangé des pratiques clairement illégales et passibles de poursuites avec d’autres qui, bien qu’alternatives et pouvant clairement choquer, n’en sont pas moins réalisée dans un cadre légal. On peut ainsi lire quelques interprétations juridiques hardies permettant de déclarer des contrats de travail illégaux car – je cite – “on ne peut pas consentir à sa propre torture, à sa propre humiliation” (ce que niera normalement tout électeur de Macron)…
Pire encore, on découvre à la lecture des quelques articles de presse consacrés au sujet que les chercheurs spécialisés et les associations de professionnels concernés (actrices, par exemple) n’ont absolument pas été contactés ni interrogés.
Pourtant, leur avis est d’autant plus indispensable qu’à la lecture du rapport, il a été particulièrement tranché : dénonçant une étude réalisée à charge, ces professionnels estiment que “ce rapport est une honte à tous les niveaux” puisqu’il a surtout consisté à évincer les chercheurs et invisibiliser les travaux n’allant pas dans le sens du rapport, voire à détourner le sens des propos de certains, dans le but manifeste de ne présenter que les éléments favorables à l’abolitionnisme pur et simple de la pornographie. Ceci s’est d’ailleurs traduit dans une tribune qui détaille les problèmes de ce rapport.
À l’analyse, s’il apparaît nécessaire – et ce n’est pas nouveau – de s’assurer que le monde de la pornographie soit débarrassé et fermement puni pour ses pratiques illégales, il n’en reste pas moins que les dénonciations et les propositions de ce Haut Conseil offrent une autre forme de dérives parfaitement liberticides, à commencer par la censure, sorte de point de convergence de toutes les luttes gouvernementales en ce moment.
Ce n’est pas une exagération puisque, l’encre du rapport même pas encore sèche, se pointaient déjà Bérangère Couillard, la “ministre déléguée chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et des titres ronflants à rallonge pour occuper de la place sur les bristols républicains”, qui s’empresse déjà de lancer toute une batterie de propositions, dont la création d’une infraction générique d'”exploitation sexuelle” ratissant aussi large que possible.
Autrement dit et avec une surprise fort modérée, les dérives (pour certaines illégales) du monde de la pornographie deviennent les passe-plats de la censure, de l’interdiction et de la régulation aussi invasive que possible des pratiques intimes des citoyens qui ne sont plus considérés comme adultes que lorsqu’il s’agit de payer taxes et impôts.
Et encore une fois, il apparaît que les dirigeants actuels du pays sont obsédés par l’usage que nous avons de notre sexe et l’impérieuse nécessité pour eux de s’en mêler.
Ainsi, il est maintenant clairement affiché la nécessité de ne pas s’en servir pour se reproduire, car, voyez-vous, il y a trop de monde sur Terre. En revanche, il sera absolument indispensable de l’utiliser pour affirmer son identité, et notamment ouvrir les chakras de tous à commencer par celui des enfants, quitte à en montrer toute une panoplie dans des séances de “lecture” fort éducatives, en maternelle et hors du cadre familial par exemple.
Ces mêmes dirigeants semblent persuadés qu’il faut explicitement louanger à grands renforts médiatiques la façon dont les uns et les autres s’emboîtent ou pas, ainsi que l’opportunité donnée par la chirurgie et les traitements hormonaux de changer de sexe. De façon intéressante, il apparaît avec ce rapport qu’il est donc contractuellement illégal de se fouetter entre adultes consentants, mais que faire castrer son enfant est a contrario tout à fait envisageable et, moyennant le bon contexte, peut-être même courageux voire souhaitable.
Bref : tout ce qui a trait aux zizis et aux zézettes semble occuper une partie considérable du temps de cerveau trop disponible des dirigeants occidentaux. Peut-être persuadés que leurs habitudes et perversions personnelles infusent l’intégralité de la société, ils se sont convaincus, belles âmes charitables, qu’il fallait agir pour empêcher ces dérives aux autres.
Et dans tous les cas, le résultat se traduit toujours par une augmentation de leurs pouvoirs et de l’intrusion des administrations dans nos vies. Cela tombe bien, non ?
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