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Rendez-vous poétique : Lucien Noullez

Publié le 04 octobre 2023 par Adtraviata

Lucien Noullez, né en 1957, était un professeur, un écrivain et un critique littéraire. Il est décédé le 9 août 2023. Voici l’article que lui a consacré Le Carnet et les Instants au lendemain de sa mort.

« Plus qu’une aimable manière de vivre, la poésie est progressivement devenue, pour Lucien Noullez, une façon générale de penser la vie, de lui chercher un sens, d’en débusquer les impasses, et surtout d’entrer en dialogue. » (Geneviève Bergé, Dossier L, 1994)

Je tenais à faire mémoire de cet homme chaleureux à travers ces quelques textes en ce rendez-vous poétique mensuel. J’avais déjà présenté deux de ses textes ici.

Souvent je note sur les papiers
ce que je dois acheter au vendeur,
et je me charge de lait
de petits beurriers, de fromage.
Quand le marchand me remercie
son souffle vient du Pakistan,
je me retourne, les
épices sont trop loin.
C’est dommage. Mais il pleut.
Il pleut depuis la nuit des temps.
On se regarde avant de se dire au revoir.
Il pleut parfois aussi
au Pakistan.

Je ne suis pas doué pour l’escalade
et quand j’essaye de parler plus haut que moi
les mots dévalent de mes poches
et cognent les rochers avec un bruit de gong,
le catch est infini.
Je ne suis pas doué pour combattre tout nu
et quand j’essaye, un adversaire
me tort le lexique d’un coup,
je deviens rouge et je sue des gouttes de plomb.
Je ne suis pas doué pour la carabine fantasque,
mais je tire partout.
Je ne suis pas doué pour le poème,
mais je grimpe parfois,
je lutte contre un ange
et je cherche à trouer.

(Deux extraits de Six cordages flottants)

Un enfant seul à la fenêtre

écoute l’oiseau décoiffé.

Plus tard il verra des chevreuils dans la mer grise.

Et qui pourrait empêcher nos espoirs

de se rouler dans des laines profondes ?

Quand une épaule nue accroche mon regard

je suis un garçonnet de quarante ans

qui lit de la musique dans les trains,

qui marche entre les rails et se refait la vie,

comme au collège on respire les émotions

d’un ennui pur.

Dans cette vie, le gros trou noir

je cherche à le combler.

L’aspirateur

veut le combler aussi.

Il faut s’entendre,

disent les simples

en oraison.

(Trois extraits de Un crayon pour des acrobates, L’Âge d’Homme, 2006)


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