La quête incessante d’innovation sonore a toujours été l’apanage des Beatles, ces artisans mélodiques venus de Liverpool. Sous leurs doigts habiles, les instruments traditionnels et les technologies d’enregistrement se métamorphosent, franchissant les frontières du connu pour accéder à l’inexploré. Dans cette cavalcade créative, chaque Beatle a apporté son trésor d’invention ; George Harrison avec son affection pour la sitar, créant des arabesques sonores hypnotiques, et bien sûr, Paul McCartney, dont la curiosité insatiable a souvent conduit le groupe vers des terrains musicaux inexplorés.
“Rain” : Lorsque les Beatles flirtent avec la dislocation temporelle
Dans le panthéon de créations audacieuses des Beatles, la chanson “Rain” occupe une place spéciale. Lancée en 1966 comme la face B du single “Paperback Writer”, elle est le fruit des sessions de l’album Revolver, bien qu’elle n’ait pas trouvé sa place sur ce disque. À l’origine, une création de John Lennon, cette chanson est souvent reléguée au rang des trésors méconnus du groupe.
La singularité de “Rain” réside dans son audace expérimentale. Le morceau exhibe un jeu de batterie trépidant de Ringo Starr, qui n’a pas hésité à couronner cette performance comme la plus mémorable de sa carrière. Dans les confins d’une discussion avec Conan O’Brien, Starr révèle l’unicité de cette expérience : “C’était la première et la dernière fois que je jouais ‘aussi occupé’”, confie-t-il.
Les Alchimistes du Son : McCartney et le magnétophone
Dans cette fresque sonore, Paul McCartney se distingue en tant qu’expérimentateur acharné. Sa romance avec le magnétophone dévoile un monde où le temps et le ton sont des variables malléables. McCartney, en accélérant et en ralentissant les enregistrements, a trouvé une nouvelle palette de textures sonores.
Lors de l’enregistrement de “Rain”, cette quête du son parfait a conduit les Beatles à une démarche quasi-alchimique. McCartney raconte : “Nous avons décidé de la tonalité et de la vitesse de ‘Rain’, puis nous l’avons enregistrée plus rapidement avant de la ralentir jusqu’à atteindre la tonalité voulue”. Une descente dans le labyrinthe du son qui a transmuté la matière musicale, donnant naissance à un rythme marécageux, lourd et envoûtant.
“Rain” et “Paperback Writer” : L’antinomie radiophonique
Les Beatles, toujours à l’écoute du pouls du public, ont préféré placer “Rain” en face B, craignant son côté trop “underground” pour l’auditeur moyen. “Paperback Writer”, avec sa mélodie accrocheuse, était le choix logique pour séduire les ondes radiophoniques. Et la stratégie s’est avérée payante, propulsant le single au sommet des hit-parades des deux côtés de l’Atlantique.
McCartney, revisitant ces décisions, admet l’affection du groupe pour “Rain”, mais reconnaît la nécessité de choisir des titres plus “immédiats” pour la radio. C’est ainsi que “Rain”, avec sa texture sonore audacieuse, a été reléguée à l’ombre, loin des feux de la rampe, tout en restant un témoignage vibrant de l’innovation technique et de l’audace artistique des Beatles.
Cette quête d’innovation a permis aux Beatles de transcender les conventions, de bousculer les normes et de continuer à résonner à travers les âges, un héritage sonore intemporel qui continue de fasciner et d’inspirer.