Planche N°III #Bulky
- Volumineux -
À Madagascar, sur le plateau calcaire de Mahafaly, il ne pleut que quelquefois par an. Il n’y a ni rivière ni lac, et toute l’eau consommée par les habitants est issue du stockage, de boissons produites à partir de végétaux, ou de transports longs et couteux. C’est à la suite d’une période de sécheresse dans les années 1920 que les ethnies locales ont commencé à creuser l’intérieur des plus gros baobabs (genre Adansonia) pour les transformer en citernes. Les plus grosses citernes-baobabs, dans des arbres avoisinant le millier d’années, peuvent contenir jusqu’à 14 000 litres d’eau, mais la moyenne se situe plutôt autour de 5000 litres, ce qui suffit pour faire vivre une famille pendant une saison sèche. Pour le contraste, il est bon de rappeler que la consommation d’eau moyenne d’une famille de 4 personnes en France est de 410 litres… par jour (dont 1 % pour la boisson et 20 % pour les WC !).Un Baobab citerne à Madagascar.
Sur l’année 2022-2023, Perpignan, comme une partie de l’arc méditerranéen français est passé sous le seuil de précipitation désertique de 200 mm par an, et les perspectives climatiques portent à croire que les sécheresses seront la règle dans les décennies à venir. Qu’à cela ne tienne, nous creuserons des platanes, me direz-vous ? Hé, bien non ! Le bois au centre de la plupart des arbres : le « duramen » est en effet constitué de tissus morts, contrairement à la périphérie : « l’aubier » bien vivant et conducteur de sève. Chaque année, le cambium, une couche génératrice dans l’aubier produit un nouveau « cerne » de bois, et contribue à faire grandir le tronc en largeur. Une fois endommagé, le duramen mort est donc incapable de se régénérer, et si vous observez le tronc de vieux arbres vous constaterez qu’ils sont souvent creux, car le duramen a été attaqué par des champignons ou d’autres mangeurs de bois… Donc creuser le duramen d’un platane pour y verser de l’eau fera inévitablement pourrir l’arbre de l’intérieur.
La promenade des platanes à Perpignan. (Carte postale ancienne)
Mais tout le monde n’est pas fait du même bois, c’est bien connu. Ainsi le baobab Andansonia za présente un bois tendre, facile à creuser, et bien vivant, c’est d’ailleurs probablement ce qui lui permet d’atteindre des tailles et une longévité aussi remarquable. Les cellules parenchymateuses dispersées dans le bois peuvent après le creusement se multiplier et se dédifférencier pour former un nouveau cambium. Une écorce se forme ainsi à l’intérieur de la citerne et l’arbre cicatrisé peut contenir de l’eau pendant de longues périodes. Il est toutefois évident que les baobabs centenaires sont fortement fragilisés par ce creusement et ils finissent après plusieurs années par s’effondrer sur eux même. S’il faut donc 300 ans pour obtenir un baobab mature, son utilisation est bien plus courte et ce système ne pourra perdurer à long terme. C’est pourtant le seul moyen de subsistance pour les 20 000 habitants du plateau de Mahafaly.
Creuseurs de Baobab !
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