Thierry Magnin : « Regarder la vieillesse comme une maladie bouscule une forme de dignité humaine ».
Les avancées scientifiques concernant la vieillesse soulèvent de nombreuses questions éthiques : ces bouleversements pourraient changer la manière dont l’humain se perçoit. Éclairage avec Thierry Magnin, prêtre et physicien.
« Vivre mille ans » : cela ressemble à un slogan. Les milieux dans lesquels on l’entend, que j’ai pu fréquenter, sont souvent porteurs des idées transhumanistes. Pour beaucoup de ceux qui les soutiennent, l’idéal humain serait la fusion homme-machine, un cyborg invulnérable qui apporterait une sorte d’immortalité. La machine serait alors parfaite. Les films de science-fiction nous montrent qu’il y a toujours un grain de sable dans ces machines, et c’est souvent cela qui fait le sel de la vie d’ailleurs !
Face à cet idéal, les sciences du vivant opposent une vérité montrée scientifiquement : l’homme doit être vulnérable pour vivre. Il doit être capable de se laisser transformer par son environnement, d’être perméable à celui-ci pour réellement vivre, c’est-à-dire progresser, grandir, s’adapter. L’homme-machine est imperméable à son environnement : on pourrait presque dire que, derrière ses fonctionnalités parfaites, il n’est plus vraiment « vivant ».
On ne deviendrait donc pleinement humain que si l’on accepte notre vulnérabilité ?
Je tiens à souligner la différence entre vulnérabilité et fragilité. La première, comme je viens de le dire, consiste en la possibilité pour les êtres humains d’être en lien avec leur environnement, d’être résilients, et c’est indispensable. Tout vivant est vulnérable. Pour qu’un être humain soit en pleine forme, j’irai jusqu’à dire qu’il doit allier robustesse et vulnérabilité : robustesse pour ne pas se déliter face à tout pépin mais vulnérabilité pour se laisser transformer de l’intérieur. Ensuite, on peut être fragilisée par un événement de la vie, un accident. Cette fragilisation-là nous affaiblit.
En même temps, on peut comprendre l’attrait continu de l’homme pour remédier à la souffrance, pour vivre plus longtemps et mieux !
Oui, et quand la recherche scientifique allie « bio-psy-spi », elle obtient de grands résultats dans la lutte contre les douleurs physiques ! Moi qui ai accompagné pendant une douzaine d’années des personnels de soins palliatifs, j’ai appris qu’en travaillant sur ces trois dimensions, quelque chose change pour la personne en fin de vie. À tout moment de la vie d’ailleurs, une personne peut ne pas avoir de douleurs physiques mais être minée par la souffrance psychique qui accélère alors la venue de la mort.
Extrait de l'nterview de Thierry Magnin dans la Vie
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