Tout semble libéré

Par Vertuchou

Je regarde la nuit. Tout semble libéré,
L’esclavage du jour a détendu ses chaînes.
Au bas d’un noir coteau, par la lune nacré,
Un train lance des jets de sanglots effarés ;
Les parfums, emmêlés l’un à l’autre, s’entraînent.
Malgré l’infinité des temps incorporés,
Chaque nuit est intacte, hospitalière et neuve.
J’entends le sifflement d’un bateau sur le fleuve.
L’horloge d’un couvent, dans l’espace attentif,
Fait tinter douze coups insistants et plaintifs ;
Les parfums, dilatés, sur les brises tressaillent ;
D’un exaltant départ l’air est soudain empli.
De secrètes rumeurs circulent et m’assaillent…

— Hélas ! tendres appels, où voulez-vous que j’aille ?
Où mène le désir ? Quel rêve s’accomplit ?
Cessez de me héler, voix des divins minuits !
Je reste ; j’ai tout vu défaillir : je n’espère
Que la paix de ne plus rien vouloir sur la terre.
Je suis un compagnon harassé par le sort,
Et qui descend, courbé, la pente de la mort

Anna de Noailles

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