EFFET de SERRE : Pourquoi il faut éviter l'anesthésie inhalée

Publié le 25 septembre 2023 par Santelog @santelog

L’industrie de la santé est un contributeur majeur à la pollution, entraînant près de 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Les gaz anesthésiques en particulier, sont de puissants gaz à effet de serre, jusqu’à des milliers de fois plus puissants que le dioxyde de carbone. Pourtant, pour la plupart des interventions chirurgicales, il serait également possible de recourir à l’anesthésie intraveineuse ou locale, en toute sécurité. Plusieurs équipes de chercheurs, anesthésistes ou chirurgiens posent aujourd’hui la question de la légitimité de l’utilisation de l’anesthésie par inhalation dans la plupart des interventions. Certains chercheurs ont proposé de « revisiter » les protocoles, lors du dernier Congrès Euroanaesthesia, de l’European Society of Anaesthesiology and Intensive Care (ESAIC), soutenant que les pratiques médicales doivent prendre également leur part dans la réduction des émissions de gaz nocifs et de la consommation d’énergie.

 La pollution et le réchauffement climatique contribuent à un quart de tous les décès dans le monde. Les soins de santé mondiaux dans leur ensemble sont le 5è émetteur mondial de gaz à effet de serre, et les gaz anesthésiques, les agents intraveineux et les dispositifs médicaux contribuent de manière significative à ce fardeau global. C’est une obligation éthique pour tous les anesthésistes de participer à l’effort de réduction et de minimiser l’impact néfaste de la pratique de l’anesthésie sur la durabilité environnementale. 

De nombreux scientifiques rappellent plus largement que la mission de tous les professionnels de santé est bien de soutenir la santé et la guérison, et donc de prévenir la pollution de l’environnement, facteur de multiples maladies chroniques.

L’anesthésiologie a généré un grand nombre d’études ayant évalué les émissions de ces gaz. L’impact environnemental des agents anesthésiques inhalés n’est pas anodin et il est urgent de parvenir à un usage raisonné de ce mode d’anesthésie. Tous les anesthésiques volatils (gazeux) sont de puissants gaz à effet de serre, dont le potentiel de réchauffement est bien plus élevé que celui du dioxyde de carbone (CO2) : l’anesthésique sévoflurane a ainsi un GWP (Global Warming Potential) de 440, l’isoflurane de 1.800, et le desflurane de 6.810.

Pour repère, le méthane, émis par le bétail et d’autres processus, a un GWP de 86, et le protoxyde d’azote (émis par l’agriculture, mais également utilisé en anesthésie) un GWP de 289, et ce gaz a une durée de vie atmosphérique extrêmement longue (environ 120 ans).

L’effort de réduction des gaz à effets de serre vaut pour « tout » le médical

« La réduction des émissions de ces gaz pourrait marquer une victoire rapide dans la lutte contre le changement climatique. Après utilisation, ces substances sont émises dans l’atmosphère et des concentrations croissantes ont été enregistrées même dans des régions très reculées comme l’Antarctique et en altitude, dans les Alpes ».

Il existe des solutions d’atténuation qui ne compromettent pas la qualité ou la sécurité des patients. Cependant, compte tenu de leur application nécessairement généralisée au-delà de la salle d’opération, un engagement plus large est essentiel, notamment de la part des professionnels des soins de maternité, de la pédiatrie, de la cardiologie, de la médecine d’urgence et de la médecine vétérinaire, ainsi que des collègues de l’ingénierie des installations, de l’administration, de l’industrie et des organisations gouvernementales.

Mais comment réduire l’utilisation de ces gaz à GWP élevé en médecine ? Il existe plusieurs façons de réduire les émissions, notamment l’arrêt immédiat de l’utilisation du protoxyde d’azote, du desflurane et de l’isoflurane, en passant dans de nombreux cas à d’autres modes d’anesthésie tels que le TIVA (total anesthésie intraveineuse ou Total intravenous anesthesia) et/ou à l’anesthésie régionale. Il serait également possible de mieux capter les anesthésiques volatils.

Quelles stratégies de réduction de la pollution anesthésique inhalée ?

  • L’évitement des anesthésiques inhalés passe par leur remplacement par une anesthésie intraveineuse, régionale ou neuraxiale lorsque cela est cliniquement sûr ;
  • éviter le desflurane et le protoxyde d’azote (N2O) en cas d’utilisation d’anesthésiques inhalés ;
  • minimiser les débits de gaz frais, y compris lors des inductions ;
  • mettre hors service les anciens systèmes de canalisations centrales de N2O et plus généralement les éviter et les remplacer par des réservoirs mobiles qui restent fermés entre les utilisations ;
  • envisager des technologies permettant de traiter et de recycler les gaz anesthésiques uniquement après que toutes les autres stratégies de prévention des déchets aient été optimisées ;
  • éviter également l’utilisation de N2O comme réfrigérant en cryochirurgie…

Les chercheurs appellent les pouvoirs publics et notamment la Commission européenne à promulguer l’interdiction progressive du desflurane et espèrent une entrée en vigueur rapide- estimée pour le 1er janvier 2026. D’autant qu’il n’existe aucune preuve que cette anesthésie volatile permette des résultats plus favorables pour les patients.

Cela dit,

on ne peut pas se passer totalement de ces agents inhalés.

L’indication la plus courante étant sans doute le besoin d’induction de l’anesthésie au masque chez les enfants.

De premières expériences concluantes : à l’Amsterdam University Medical Center, l’utilisation de ce type d’anesthésie a pu être réduit de 70 %. De plus, l’hôpital se prépare à mettre en œuvre la technologie de capture et de recyclage : « Pour les 30 % restants, le captage et le recyclage seront la seule option ».

« Alors que le changement climatique est vraiment devenu une priorité, chaque secteur, dont la médecine, doit jouer son rôle dans la réduction des émissions de gaz nocifs et dans la réduction de la consommation d’énergie ».

Sources :

Équipe de rédaction SantélogSep 25, 2023Équipe de rédaction Santélog