Quatrième de couverture :
Colette créa trois mythes : Claudine, l’héroïne espiègle des premiers romans signés Willy; Sido, son personnage principal après la mort de sa mère ; et Gigi, immortalisée au cinéma par Leslie Caron. C’est beaucoup pour un écrivain. D’autant plus qu’elle-même, par sa langue sensuelle et sa vie libérée, devint très tôt une légende parisienne. Romancière et journaliste, mais aussi pantomime et comédienne, elle fut un monstre sacré.
Elle appartient à la génération des classiques français modernes, avec Claudel, Gide, Proust, Valéry et Péguy, mais, seule femme, elle fut la plus insolente et la plus populaire. Divorcée, elle vécut de sa plume, traversa le siècle et les guerres, parla de tout. Après avoir fait scandale, elle reçut des funérailles nationales.
Gourmande de la vie, Colette rechercha l’amour. Familière des plantes et des bêtes, des chats et des fleurs, elle caresse les mots, sent les choses, palpe la matière et observe les corps. Le bleu est sa couleur.
L’automne 2023 commence officiellement demain, le 23 septembre, aussi je vous présente in extremis la lecture qui m’a accompagnée ces dernières semaines. On fête en 2023 le 150è anniversaire de la naissance de Gabrielle-Sidonie Colette, née à Saint-Sauveur en Puisaye le 24 janvier 1873. Le 3 août 2024, on commémorera les 70 ans de sa mort.
Antoine Compagnon commence par l’écriture des Claudine, dans l’ombre de Willy : malgré la signature volée par son premier mari, il s’agit là d’un formidable atelier d’écriture pour celle qui ne cessera d’écrire articles, romans, essais autobiographiques, et qui pourtant, considérait l’écriture comme un ouvrage difficile, incessamment corrigé, raturé, retravaillé. Colette a créé des personnages inoubliables, de Claudine à Gigi en passant par Toby-Chien et Kiki-la-Doucette, sans oublier Chéri. Son amour des mots et de leur « exposition » l’a conduite au music-hall, au théâtre, à une magique co-écriture avec Maurice Ravel, et bien sûr dans d’innombrables collaborations plus ou moins réussies dans divers organes de presse.
Femme-scandale, femme amoureuse, Colette est aussi fille, dans une relation compliquée avec Sido ; elle ne deviendra mère que sur le tard, après la mort de sa propre mère. Pas tout à fait féministe mais surtout femme libre, elle gardera toute sa vie son accent provincial, tout en étant une merveilleuse défenseuse – puriste – de la langue française. Elle a parcouru la France, dans ses tournées théâtrales et dans ses diverses villégiatures. Elle en a agacé plus d’un mais a été admirée de Proust, de Gide, entre autres, et a fini gloire nationale dans son appartement du Palais-Royal. Merci à Antoine Compagnon de nous, de m’avoir fait découvrir ce portrait divers, généreux, si humain de cette grande dame de la littérature française. J’ai bien l’intention de lire l’un ou l’autre titre dans les mois à venir.
Cet été, la Villa des Roches-Brunes, propriété de la ville de Dinard, proposait une exposition de portraits d’Irving Penn. Je me suis longtemps attardée devant un portrait de Colette, dont j’avais l’impression que le sourire m’était adressé personnellement, avec bonté et humour. Et je suis ravie du dernier chapitre de ce livre, qui me donne un petit point commun avec Madame Colette : le bleu est notre couleur préférée.
« Colette choisit la littérature contre la maternité : « Mon brin de virilité me sauva du danger qui expose l’écrivain, promu parent heureux et tendre, à tourner auteur médiocre », à bêtifier sur « le culte des enfants, des plantes, des élevages sous leurs formes diverses ». Ce qui la sauva, ce fut « sa grossesse d’homme » : « Un vieux garçon de quarante ans, sous la femme encore jeune que j’étais, veilla au salut » de l’écrivain (IV, 876). Mais ses relations avec sa fille ne cessèrent jamais d’être difficiles. »
« Un grand écrivain, c’est un écrivain après qui la langue n’est plus tout à fait la même. »
Antoine COMPAGNON, Un été avec Colette, Equateurs France Inter, 2022
Irving PENN, Portrait de Colette, Paris, 1951