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Un vivant est un être
qui est en même temps un existant. Je dirais qu'un existant vit de
façon aléatoire, soumis à l'incertitude et aux périls, aux
contingences, et, comme vivant, il dispose d'un certain nombre de
qualités et de propriétés qui tiennent à son organisation. Les
premières qualités concernent l'auto-éco-organisation, c'est-à-dire que
le vivant trouve en lui-même la capacité permanente de se réparer, de
se régénérer, ce qui suppose, à son tour, deux traits spécifiques.
D'abord, comme le vivant est toujours en activité, il doit puiser de
l'énergie dans son environnement. C'est pour cela que je parle
d'auto-éco-organisation, car il n'y a pas d' autonomie sans dépendance.
L'auto-organisation signifie alors une relative autonomie qui dépend
cependant de l'environnement. Ceci, et c'est le second trait, donne des
qualités émergentes qui n'existeraient pas sans cette organisation, ce
sont les qualités qu'on appelle vie (métaboliser, se reproduire, âtre
en relation active avec son environnement)
l'organisation vivante produit et est produite par un certain mode de
connaissance organisatrice que j'appelle computation. Ce mode de
connaissance est fondé sur un computo capable de traiter objectivement
à la fois les éléments dont il est constitué et le monde extérieur en
fonction de son propre intérêt de " vivant". Celui-ci concerne au
premier chef sa capacité à se reproduire, soit tout seul, soit de façon
sexuelle - les premiers vivants se reproduisaient par dédoublement - et
il se développe avec l'évolution des végétaux et des animaux une forme
de sensibilité à l'égard de ce qui arrive.
Maintenant, il faut poser une question préliminaire "qu'est-ce que la
vie?". Cette question est importante parce qu'elle a été l'objet de
débats séculaires entre deux écoles de pensée. L'école réductionniste,
d'un côté, qui affirme que pour comprendre la vie il faut se référer
aux constituants physico-chimiques qui la constituent ; l'école
vitaliste, de l'autre, pour qui la vie est faite d'une substance
spécifique, particulière, qu'on ne trouve pas dans la matière normale
ordinaire (1). Henri Bergson, par exemple, était un vitaliste.
S'appuyant sur de multiples "preuves ", il soutenait la thèse selon
laquelle les vivants ne subissent pas de façon immédiate et totale le
deuxième principe de la thermodynamique, le principe de dégradation. Ce
débat a été tranché dans les années soixante, avec les découvertes de
la structure du code génétique par Watson et Crick
(2). Le
code génétique étant chimiquement inscrit dans I'ADN, cette découverte
prouvait, de façon définitive, le fait que tous les constituants du
vivant se retrouvent dans sa nature physico-chimique. Mais cette
victoire du réductionnisme était en fait, sans qu'il le sache, sa
défaite, car elle démontrait qu'il y aune différence irréductible entre
le vivant et le non vivant qui est la complexité de l'organisation,
laquelle constitue une auto-organisation. Autrement dit, la différence
fondamentale entre le vivant et le non vivant n'est pas dans la matière
- l'un et l'autre sont des éléments matériels-, elle est dans le type
d'organisation, dans la complexité de l'organisation du vivant.
La suite...
Qu'est-ce qu'un vivant? 1
Dans ... La vie de la vie 2
Symbiose des êtres vivants? 3
Perspective holistique 4
Extraterrestres humanoïdes? 5
Vivants invisibles ? 6
Face au génome 7
Et la mystique dans tout cela? 8
http://www.philagora.net/philo-fac/edgar-morin/