C’est en effet l’histoire d’un jeune homme discret, fils d’émigré juifs d’Europe centrale avec un père ancien Résistant fou amoureux de la France qui l’a accueilli en 1930, qui a inculqué à ses enfants les valeurs de la République et l’obligation d’un travail acharné. Une éducation qu’il a cependant « foirée » avec son aîné Pierre, né de sa première union, qui joue la vedette des prétoires après plusieurs braquages et une accusation de double assassinat et sera abattu en pleine rue quelques mois après sa libération.
Jean-Jacques, né en 1951, est un élève lisse, voire « transparent », ce qui ne l’empêche pas de réussir une classe préparatoire puis d’intégrer l’EDHEC de Lille, tout en suivant des cours de sociologie.
Il a découvert la musique et la guitare chez les scouts, mais n’a jamais envisagé de faire de la musique autre chose qu’un hobby. Le jour, il vend des articles de sport dans son magasin Sport 2000 de Montrouge, le soir et les week-ends, il joue dans les bals, avec ses amis, en groupe puis en solo. Ses premiers disques ne marchent pas tellement, on lui suggère de changer de nom mais il refuse. Le succès viendra au cours de la décennie 80 : libération des radios, les années Lang, la 5ème chaine de télévision, le Top50, les clips. Les années MItterrand, que Jean-Jacques Goldman n'apprécie pas du tout, bien plus proche des idées de Michel Rocard.
Je te donne, Quand la musique est bonne, Je marche seul, Envole-moi, Comme toi … Il faut avoir auprès de soi les clips disponibles sur Youtube pour comprendre.
JJG est un chanteur rock qui figure dans la variété et produit des tubes. Mais il faut aussi lire ses textes, et les thèmes qu’il aborde : l’enrichissement par les différences, la séparation, l’absence, la tentation de l’exil, la Shoah, la volonté de s’en sortir par le travail et pas par la violence, qui n’est pas sans générer, de la part des élites, un mépris de fer.
Grace à ce livre, j’ai approfondi quelques nouveaux concepts : le Klezmer, sorte de blues du Juif, la saga de l’exil toujours recommencé, l’idiosyncrasie ou le caractère individuel et le tempérament personnel qui explique en partie un retrait total de la scène en pleine gloire, la despicologie ou l’art d’ensevelir les gens sous une négativité entre dévalorisation, invisibilisation, moquerie et injure … Pourquoi, aussi, est-ce dans les milieux de gauche qu’on a le plus vomi Jean-Jacques Goldman ?
Me voilà donc, avec un temps de retard, une groupie de JJG, un artiste plébiscité par le public, dédaigné par les élites. Mais surtout le « Mensch » de toute une génération.
Goldman, essai par Yvon Jablonka, édité par La librairie du XXIème siècle (Le Seuil), 380 p., 21,90€