"Le véritable objectif de l'éducation est de faire émerger de l'individu une âme capable de contribuer à la société, de l'aider à découvrir sa véritable identité, à comprendre son rôle essentiel dans le tissu social, et enfin, à devenir un agent du changement positif." - Sir Ken Robinson
Dans une époque où le naufrage de notre système éducatif est devenu une préoccupation grandissante, le livre de William Lafleur "L'Ex Plus Beau Métier du Monde", résonne comme une exploration des raisons qui ont poussé de nombreux enseignants à démissionner et du malaise profond qui imprègne les salles de classe. De la pression exercée par les réformes éducatives aux conditions de travail précaires en passant par l'impact sur les élèves, nous dévoilerons les nuances et les détails qui jalonnent cette discussion cruciale.
Tout en rendant hommage aux enseignants à travers leurs récits poignants et leurs témoignages vibrants, l'auteur esquisse un tableau saisissant de la réalité quotidienne et des enjeux majeurs auxquels sont confrontés ces acteurs essentiels de notre société. Mais, au-delà des statistiques et des analyses, l'ouvrage invite également à une réflexion plus profonde, à une plongée dans les arcanes de l'éducation, à une exploration des dynamiques sociales qui entourent cette profession. À travers une analyse anthropologique subtile, il dévoile comment l'éducation peut être perçue comme un miroir de notre société en constante évolution. Son style d'écriture, à la fois sarcastique et sérieux, avec une pointe d'humour caractéristique, donne vie à ces récits, les rendant d'autant plus captivants. De plus, nous aurons l'opportunité d'entendre directement l'auteur lui-même lors d'une interview exclusive, où il partagera son processus d'écriture, ses réflexions sur l'état actuel de l'éducation et ses espoirs pour l'avenir.
"L'Ex Plus Beau Métier du Monde", est un véritable voyage qui ne se contente pas d'effleurer la surface, mais qui plonge profondément dans les eaux troubles de l'éducation contemporaine. C'est un appel à l'action, un appel à la réflexion et un appel à réinventer un métier qui, malgré ses difficultés, reste indéniablement l'un des piliers les plus essentiels de notre futur. Interview.
Pourriez-vous vous présentez et nous parler de l'origine de votre livre "L'ex plus beau métier du monde" et de ce qui vous a poussé à aborder les défis du système éducatif en France ?
Je m’appelle William Lafleur, et suis connu sur Internet sous le pseudonyme de “Monsieur Le Prof”. Depuis 2011, je raconte sur les réseaux sociaux des petites anecdotes humoristiques du métier, ça va de perles d’élèves à des récits d’inspection. En somme, je fais découvrir à quoi ressemble l’école de l’autre côté du bureau du prof ! Mais petit à petit, alors que les dernières réformes s'accumulaient, j’avais moins envie de rire, et plus envie d’informer. C’est avec la réforme du lycée de 2019 que le ton de ma page a changé, jusqu’à mener à ce livre, dans lequel je détaille toutes les raisons qui font que le métier n’attire plus.
En plus de votre livre, vous êtes également devenu un influenceur grâce à vos bandes dessinées. Comment cette expérience d'influenceur a-t-elle influencé votre approche pour aborder les problèmes sérieux du système éducatif tout en conservant une touche d'humour ?
Desproges disait que l’humour était la politesse du désespoir. Je suis de cet avis également. Quel que soit la situation, une touche d’humour permet de mieux prendre les choses. Aborder des sujets difficiles très frontalement, de façon rigide, cela risque de faire fuir les lecteurs, l’humour a toujours été une manière pour moi de les tenir en haleine jusqu’au bout !
Vous avez lancé un "appel à témoignages" qui a suscité une réponse massive de milliers de collègues enseignants. Comment cette expérience a-t-elle influencé votre compréhension des problèmes éducatifs et quelles ont été certaines des découvertes les plus marquantes que vous avez faites à travers ces témoignages ?
J’avais une intuition des problèmes rencontrés, parce qu’ayant écumé les salles des profs depuis plus de 10 ans, et enseigné dans une quinzaine d’établissements, j’avais déjà ma petite idée de ce qui n’allait pas. Mais ces milliers de témoignages m’ont permis de constater que les problèmes étaient les même partout : manque de reconnaissance, manque de moyens, manque de soutien de la hiérarchie. Tout cela, c’est la norme. Je n’ai donc pas fait de grandes découvertes, mais cela m’a permis de me rendre compte de l’ampleur du problème.
Votre livre, vos bandes dessinées et votre rôle d'influenceur semblent avoir une portée qui va au-delà de la salle de classe, en s'adressant au grand public pour sensibiliser aux difficultés de la communauté éducative. Comment envisagez-vous que vos œuvres et votre influence puissent contribuer à ouvrir un dialogue plus large sur l'éducation en France ?
Ce que j’aimerais, avec ce livre, c’est ouvrir la porte des salles de classe de toute la France au grand public. Avec la centaine de témoignages de collègues sélectionnés, nous avons un panorama plutôt large de ce que le corps enseignant vit au quotidien. J’espère ainsi pouvoir déconstruire certains clichés, et faire comprendre au plus grand nombre que l’école est en péril et qu’il ne tient pas qu’aux enseignants de s’engager à ce sujet !
À travers vos publications sur Facebook et votre rôle d'influenceur, vous avez exprimé votre enthousiasme pour la tournée médiatique à venir. Comment percevez-vous l'impact de ces discussions médiatiques, ainsi que de vos bandes dessinées et de votre influence, sur la prise de conscience du public et sur les conversations sur l'éducation ?
Pour être honnête, je ne suis pas très enthousiaste, non ! Apparaître dans les médias, c’est un exercice très difficile et périlleux, d’autant plus pour quelqu’un d’introverti et timide comme moi. Je le fais parce que c’est nécessaire : comme le but de ce livre est d’essayer de montrer la réalité du terrain au plus grand nombre, je ne peux pas tourner le dos aux médias qui pourraient lui donner une visibilité. Mais je préférerais largement que quelqu’un d’autre que moi s’en charge ! J’espère être à la hauteur, mais cela me stresse toujours énormément.
Vos bandes dessinées sont connues pour leur touche humoristique passionnante. Comment avez-vous réussi à fusionner cet humour avec des thèmes sérieux dans vos œuvres et dans votre livre ?
J’ai tout simplement alterné ! Mes deux premiers livres “Monsieur le Prof” sont totalement humoristiques, là où le roman “Le Hussard Noir” était bien plus noir. Par la suite j’ai enchaîné avec le webtoon humoristique, et là je reviens sur un livre plus sérieux. J’aime bien varier les tons ! Mais ce dernier ouvrage comporte peu d’humour, le sujet n’est pas drôle en lui-même, mais je n’ai pas pu m’empêcher quelques remarques sarcastiques…
Pouvez-vous partager certains des moments forts de votre processus d'écriture et de recherche pour "L'ex plus beau métier du monde" ? Y a-t-il des témoignages ou des réflexions qui vous ont particulièrement marqué ?
La lecture des 2400 témoignages a été éprouvante. Voir tous ces collègues qui adorent le métier, mais qui sont épuisés, en plein burn-out, ou qui n’ont qu’une seule envie : démissionner, c’est assez pesant ! Je crois qu’une phrase qui m’a beaucoup marqué est celle d’une collègue parlant de son salaire qui augmente trop peu comparé à l’inflation, et qui dit “Je n’ai plus les moyens pour continuer d’enseigner”. C’est terrible !
En tant qu'enseignant, créateur de bandes dessinées et influenceur, quelles solutions ou changements concrets aimeriez-vous voir mis en œuvre pour relever les défis actuels de l'éducation en France, et comment votre travail artistique et votre influence peuvent-ils contribuer à cette réflexion ?
J’aimerais simplement que les personnes au pouvoir cessent de prendre des mesures économiques ou démagogiques et prennent en compte les réels besoins du corps enseignant. Tout est dans le livre, pas besoin de faire de grenelle ou d’observatoire, ou de faire appel à des cabinets de conseils comme McKinsey ! C’est très idéaliste de ma part, mais il faut bien l’être de temps en temps !
Au tournant du XXe siècle, les réformes de Jules Ferry ont jeté les bases de l'école publique obligatoire, gratuite et laïque. Cette avancée a ouvert la voie à une éducation plus accessible, contribuant à façonner une société instruite et socialement plus égalitaire. Cependant, à mesure que la société évoluait, de nouvelles attentes et contraintes sont apparues.
Comme l'écrivain Victor Hugo l'a souligné, "Ouvrir une école, c'est fermer une prison." En 1882, la loi Ferry a instauré l'école primaire obligatoire, gratuite, et laïque, marquant un tournant majeur dans l'histoire éducative de la France. Cette loi a établi un système éducatif visant à donner à chaque enfant l'accès à l'instruction, indépendamment de sa classe sociale. Cette avancée a été saluée par de nombreux penseurs, dont Émile Durkheim, le célèbre sociologue français, qui a souligné le rôle de l'éducation dans la cohésion sociale.
L'expansion de l'accès à l'éducation au cours du XXe siècle a entraîné un accroissement de la demande, mais également des défis quant à la qualité de l'enseignement et des méthodes d'évaluation. La croissance démographique, notamment après la Seconde Guerre mondiale, a accentué la nécessité d'adapter les structures éducatives pour accueillir davantage d'élèves. Cependant, cette expansion n'a pas toujours été accompagnée d'une augmentation proportionnelle des ressources et des infrastructures. Les classes surchargées et le manque de matériel pédagogique ont commencé à se faire sentir, affectant la qualité de l'enseignement et le bien-être des enseignants. En 1967, la loi Berthoin a introduit l'enseignement secondaire obligatoire, élargissant encore davantage l'accès à l'éducation. Dans les années qui ont suivi, le nombre d'élèves inscrits dans le système éducatif a considérablement augmenté. À titre d'exemple, en 1950, la France comptait environ 6,5 millions d'élèves dans le système éducatif, tandis qu'en 2000, ce chiffre avait grimpé à près de 13 millions. Cependant, cette expansion rapide n'a pas été sans défis. Les enseignants ont dû faire face à des classes de plus en plus chargées, un manque de ressources, et parfois des conditions de travail difficiles.
L'avènement des années 2000 a également vu l'entrée en scène des technologies numériques, créant un paysage éducatif en constante évolution. Si ces technologies ont le potentiel d'enrichir l'enseignement, elles ont également introduit de nouvelles complexités. Les enseignants ont dû apprendre à naviguer et à s’adapter plus rapidement que possible dans ce nouvel environnement et à intégrer des outils technologiques dans leurs méthodes pédagogiques, ce qui a ajouté une couche de pression supplémentaire. En parallèle, les réformes éducatives successives ont engendré des transitions souvent brusques dans les programmes et les méthodes d'enseignement. Ces changements fréquents ont généré une instabilité pour les enseignants, qui ont dû s'adapter rapidement à de nouvelles directives, parfois sans le temps nécessaire pour une transition en douceur. La surcharge administrative liée à ces réformes a également détourné les enseignants de leur mission première : l'enseignement.
En 2020, le gouvernement français a répondu aux préoccupations croissantes des enseignants en lançant le Pacte de Carrière et de Rémunération (PCR), plus communément appelé le Pacte Enseignant. Comme l'a observé le philosophe Jean-Jacques Rousseau, "L'éducation doit s'adapter aux besoins de l'individu et de la société." Ce pacte visait à améliorer les conditions de travail et de rémunération des enseignants, tout en reconnaissant l'importance de leur mission. Comme le philosophe John Locke l'a écrit, "L'éducation commence à la naissance et ne devrait jamais s'arrêter." Le Pacte Enseignant comprenait un soutien accru à la formation continue des enseignants, afin de les aider à développer leurs compétences tout au long de leur carrière. Il cherchait également à réduire le nombre d'élèves par classe, à accorder plus d'autonomie pédagogique aux enseignants, et à encourager la collaboration entre pairs. Mais, le succès et l'impact à long terme de ces mesures dépendent de leur mise en œuvre effective et de leur adaptation aux besoins changeants du système éducatif français.
Le nombre d'élèves par classe est un critère régulièrement mentionné lorsqu'il s'agit des conditions de travail des enseignants. Les études montrent que moins le nombre d'élèves par enseignant est important, plus l'apprentissage est facilité. En effet, pour l'année 2018-2019, on comptait 1 enseignant pour 18,7 élèves en élémentaire, un chiffre supérieur à celui de pays voisins comme l'Allemagne (1 enseignant pour 15,1 élèves), la Belgique (12,7 élèves par enseignant), ou l'Espagne (13,6 élèves par enseignant). La moyenne des pays de l'OCDE se situait à 14,5 élèves par enseignant. Dans le secondaire, les effectifs par classe ont augmenté au cours de la dernière décennie. En 2021, on comptait 25,8 élèves par classe de collège, contre 24,4 en 2010, et 30,4 élèves par classe en lycée général et technologique, comparé à 27,7 en 2010. En février 2022, le Snes-FSU dénonçait l'évolution des effectifs au cours des dernières années dans le secondaire et réclamait un maximum de 24 élèves par classe en collège, 20 dans l'éducation prioritaire. Ce plafonnement à 24 élèves par classe existe déjà dans le premier degré, en grande section, CP et CE1, où il devait être mis en place entre 2020 et 2022. En septembre 2021, l'objectif avait été atteint pour 80% des classes. La promesse d'Emmanuel Macron de dédoubler les classes de CP et CE1 en REP et REP+ a quant à elle été tenue. La crise du recrutement des enseignants, avec environ 4 000 postes non pourvus cette année, amplifie ce phénomène.
Aussi, dans ce cercle vicieux qui parait sans fin, un rapport récent de la commission des finances du Sénat sur le budget 2022 met en évidence une crise des démissions dans l'éducation nationale, révélant ainsi des enjeux anthropologiques plus profonds. Les données alarmantes reflètent les défis majeurs auxquels est confronté notre système éducatif français, mettant en lumière la question de l'attrait du métier d'enseignant et les raisons sous-jacentes qui poussent de plus en plus d'enseignants à quitter leur poste. En 2022, pas moins de 14 204 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) sont restés vacants, représentant environ 1,4 % des emplois inscrits au budget. Si une partie de ces postes non pourvus est attribuable au manque d'attractivité du métier d'enseignant, la principale cause réside dans le nombre croissant d'enseignants qui quittent l'éducation nationale, dépassant ainsi les prévisions initiales : en 2020, 30 959 démissions ont été enregistrées, un chiffre qui a augmenté à 35 933 en 2021, puis à 39 270 en 2022. Entre 2020 et 2022, les démissions ont augmenté de 26%. Cette tendance inquiétante de départs massifs d'enseignants reflète une réalité préoccupante pour le système éducatif.
Il convient également de souligner que la crise ne se limite pas aux démissions, car plus de 20 000 enseignants partent également à la retraite chaque année. Ainsi, le nombre total de départs, combinant les démissions et les départs à la retraite, dépasse largement le nombre de nouveaux enseignants recrutés pour combler ces postes vacants. Cette situation déséquilibrée a un impact direct sur la qualité de l'éducation dispensée aux élèves et sur la charge de travail des enseignants restants. Parallèlement à cette tendance, les concours de recrutement des enseignants manquent de candidats, et de nombreux postes restent vacants à l'issue des résultats. Cette année, plus de 15% des postes n'ont pas été pourvus lors des concours. La conséquence immédiate de cette crise est l'obligation pour le ministère de l'Éducation nationale de faire appel à des contractuels non formés pour combler les postes vacants. Cependant, cette solution temporaire crée un cercle vicieux où les contractuels démissionnent à leur tour, aggravant ainsi la situation. Le manque de candidats qualifiés pour rejoindre le corps enseignant constitue un défi majeur à relever. Les élèves sont les premiers touchés par cette crise. Les classes surchargées et le manque de continuité dans l'enseignement peuvent entraver leur apprentissage et leur développement académique. Seul un engagement ferme envers l'éducation et ses acteurs permettra de surmonter ces défis et de garantir un avenir éducatif solide pour les générations futures.
C'est dans ce contexte que "L'ex plus beau métier du monde" de William Lafleur intervient.
L'auteur, offre en effet un regard perspicace sur les défis actuels du système éducatif français, tout en reconnaissant les efforts visant à améliorer la vie des enseignants. L'immersion totale de l'auteur dans les réalités de la salle de classe lui permet de mettre en lumière comment les problèmes actuels s'inscrivent dans un contexte historique complexe, tout en reconnaissant les efforts visant à améliorer la vie des enseignants.
Sarah | Fashion & Lifestyle Journalist | Cultural Observer "Wanderlust Chronicle : Anthropologie of... En savoir plus sur cet auteur
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