Du côté de l'instructeur, épisode 4

Publié le 15 septembre 2023 par Eric Acouphene

 GERER LA RESISTANCE CONSTANTE 

A propos de la relation élève- instructeur en TDI (voir articles précédents sur ce sujet),  j’ai parlé de « mariage » dont les vœux seraient pris très au sérieux. 

De même que, dans le cadre d’une relation à long terme et au quotidien, les partenaires vont devoir gérer la friction de la durée, de la vie en commun avec ses hauts et ses bas, bien loin des escapades de week end ou des rendez vous amoureux comme autant de parenthèses magiques, l’ami spirituel et ses élèves vont inévitablement connaitre des pics et des creux, parfois des montagnes russes, au fil de leur relation.

 Inévitables, ces hauts et bas le sont d’autant plus que le travail s’intensifie et conduit à des moments de déstabilisation. Quand survient une telle phase, la relation ami spirituel élève peut prendre des allures de couple en crise. 

La négativité dans ses formes brutes ne pleut pas constamment , fort heureusement.

La résistance, par contre, est quasiment constante. 

C’est une force considérable avec laquelle il faut compter et vis à vis de laquelle il convient de se faire des muscles, ces fameux « circuits intérieurs », encore eux, si l’on se trouve distribué dans ce rôle improbable et insensé d’ « ami spirituel »

Comment se fait il que la résistance soit, comme je l’affirme ici, quasiment constante ?  Il peut être utile de s’attarder un peu sur cette question. 

Entendons nous : personne a priori n’a « envie » de résister. Les personnes qui s’investissent un peu sérieusement dans un travail auprès d’un instructeur sont toutes sincères et motivées, même si leur motivation est inégale et varie. 

Là encore, je ne fais pas allusion au public d’une conférence , ou même aux participants d’un séminaire de week-end , même si la résistance s’y manifestera aussi très vite dés lors que le propos ne correspondra pas à l’attente. Mais les enjeux ne peuvent pas y être comparables à ceux qui prennent place dans le cadre d’une relation d’investissement à long terme. 

Personne, donc, n’entreprend volontairement d’« entrer en résistance » sur la voie. Chacun est là parce que il ou elle a été touché dans sa profondeur par ce qu’il ou elle a pu plus ou moins consciemment pressentir à travers l’instructeur, l’enseignement, le climat de la transmission …

En vérité, tout serait fort simple si cette profondeur qui a été touchée menait seul le jeu tout au long du cheminement. Seulement voilà. Il y a un hic, comme on dit, et ce hic, c’est que la surface en chacun de nous s’emploie très tôt à contrecarrer l’impulsion lancée par la profondeur. Passé l’émerveillement des débuts, la surface vient à comprendre qu’elle se trouve menacée et à partir de là met tout en œuvre pour contrecarrer l’intention de la profondeur. 

Ce n’est pas une des moindres compétences de l’instructeur accompagnant que de se forger des circuits internes aptes à soutenir le constant flux de projections , aussi bien positives, d'ailleurs , que négatives. 

La tradition parle de l’ami spirituel comme devant être « indifférent à la louange et au blâme ». 

Je l’exprimerai plutôt pour ma part en termes de non appropriation. 

Si des élèves, pour un temps, me considèrent d’un regard énamouré et paraissent momentanément fascinés par ma personne à laquelle ils trouvent toutes les qualités, je n’envisage pas un instant, et fort heureusement , que cela ait grand chose à voir avec « moi », quelles que puissent être mes caractéristiques en tant qu’être humain. Il se trouve simplement que les élèves en question sont dans la phase « amoureuse » , laquelle est susceptible de durer plus ou moins longtemps. J’ajoute que je crois m’employer à autant que possible décourager cette phase dans ce qu’elle a d’excessif, même si, tout comme la sidération amoureuse des premiers temps dans le cadre d’une relation de couple, elle a une certaine nécessité pour poser certaines fondations. Sans chercher à imiter un Lee Lozowick ou un Monsieur Gurdjieff, je sais assez bien me montrer légèrement désagréable et irritant, exagérer mes travers et faire mon possible pour agacer celles et ceux qui risqueraient de m’idéaliser. 

La gestion des projections dites négatives relève essentiellement de la même non appropriation. Tant que je demeure intègre, si un élève vient à m’en vouloir , voire à être très en colère contre « moi », ce n’est parce que je suis un monstre ou même du fait des mes inévitables  défauts, mais parce qu’il ou elle se cogne contre le mur de ses propres mécanismes que ma fonction me contraint à dresser devant lui. Ce processus durera aussi longtemps que l’élève résistera. Si il ou elle ne dépasse pas cette résistance, il y aura départ ou éloignement. Sinon, il y aura rapprochement et approfondissement.

Reste que la gestion des projections négatives ne va pas toujours de soi…

(Suite au prochain épisode)

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