L'échiquier, de Jean-Philippe Toussaint

Publié le 12 septembre 2023 par Francisrichard @francisrichard

J'attendais la vieillesse, j'ai eu le confinement.

Telle est la première case de L'Échiquier. Car ce livre de Jean-Philippe Toussaint comprend soixante-quatre textes comme autant de cases d'un échiquier. Il n'aurait pas été écrit sans le confinement. Ce n'est pourtant pas un énième livre sur la pandémie de Covid-19, pendant laquelle l'auteur se sera tissé un cocon d'écriture:

Ce que la crise nous apporte, qu'on le veuille ou non, qu'on s'en réjouisse ou pas, c'est une occasion unique.

Comment qualifier un tel livre? Il y a l'embarras du choix et Jean-Philippe Toussaint lui-même ne choisit pas. C'est en même temps un journal intime, une autobiographie, une introspection, un livre de réflexions sur la vieillesse qui vient, avec pour fil d'Ariane le jeu d'échecs qui aura occupé une grande place dans sa vie:

Je voulais que ce livre traite autant des ouvertures que des fins de partie.

Comme dans le jeu d'échecs, les cases où ce livre se joue n'ont pas la même importance, ni en dimension ni en signification. Les angoisses du présent y font remonter à la mémoire celles du passé. Le confinement qui aurait dû lui faire entrevoir les grandes mutations à venir le ramène toujours à son enfance et son adolescence.

Installé dans le confinement, il avance dans son autre projet d'écriture, une traduction de Zweig, parce qu'il a du temps disponible. Qu'il met également à profit pour s'interroger sur sa vocation d'écrivain, accomplie avec la bénédiction de son père qui aurait sans doute moins accepté que son fils un jour le batte aux échecs...

Pour lui, les échecs, qui sont le sujet de son premier roman, et la littérature ont partie liée. La nouvelle de Zweig qu'il traduit parallèlement est aussi sur les échecs. Selon ce perfectionniste, la vocation de la littérature n'est pas de raconter des histoires; l'écrivain n'a pas non plus à délivrer de message; la littérature est un art:

Dans le meilleur des cas, il peut se dégager d'un livre une vision du monde, un rythme, une énergie, et un échange d'intelligence et de sensibilité peut s'opérer entre l'auteur et le lecteur.

Dans ce livre inclassable, l'auteur essaie de mettre au jour quelque chose d'enfoui, pour délier en [lui] quelque chose de noué. Il s'y emploie avec une autre méthode de connaissance de soi que l'écriture romanesque et joue une partie subtile où le lecteur touche du doigt pourquoi il n'est pas devenu joueur d'échecs, mais écrivain.

Francis Richard

L'échiquier, Jean-Philippe Toussaint, 256 pages, Les Éditions de Minuit

Livres précédemment chroniqués:

Nue  (2013) 

Football (2015)

La clé USB (2019)