J’ai voulu venir ici parce que ce que j’avais vu de ce village au moment de préparer mon séjour en Mayenne m’avait un peu intriguée. Je m’intéresse depuis toujours à la confection. Je sais coudre et le monde des tissus me "parle", probablement parce que mes arrières grands-parents maternels étaient marchands de soieries dans le quartier des Folies Bergère. C’était du moins ce que je croyais.
Il se trouve que j’ai aussi des racines mayennaises, du côté paternel, mais je n’avais pas eu l’occasion de revenir dans le département depuis que je suis adulte. J’ai peu connu ma grand-mère paternelle dont je n’ai qu’un unique souvenir de partage, quand elle m’a enseigné comment tricoter. Mon père avait conservé son rouet qui était à mes yeux un objet décoratif un peu désuet. Je croyais (stupidement) qu’elle avait filé le chanvre pour se distraire sans imaginer un instant que l’activité textile était une caractéristique de la Mayenne où la terre est plutôt ingrate. L’industrie, ou comme on la nommait au début du XIX°, "la fabrique", fournissait un indispensable salaire ou complément de salaire, auquel pouvaient contribuer tous les membres d’une même famille. On était souvent en même temps, cultivateur, fabricant et négociant.
Je savais que les sœurs de cette grand-mère avaient été modistes à Saint-Aubin-Fosse-Louvain mais je n’ai jamais vu leur atelier. Comme j’aimerais aujourd’hui interroger mes ancêtres sur leur mode de vie, mais on ne peut pas remonter quasiment un siècle en arrière. C’est pourtant un peu ce que j’ai fait au cours de mon séjour, en m’arrêtant à Fontaine-Daniel.Autant je reprends l'histoire de l'entreprise dans l'article consacré au village, parce que tout y est lié, autant dans celui-ci je ne parlerai que de l'entreprise telle qu'on peut la voir en ce moment, depuis la reprise en 2018 par Jérôme CouasnonetClotilde Boutrolle, ce qu'ils ont fait dans la continuité de l'esprit de la marque en la positionnant dans les tendances colorées de notre époque tout en préservant son héritage authentique. Avec une volonté affirmée de résister face à la délocalisation et de revendiquer l'ancrage territorial, de penser le tissage, réfléchir aux manières de produire, aux matières sélectionnées, créer sans surproduction, avancer de manière raisonnée et avec bon sens. Ce credo trouve heureusement un écho positif auprès des clients.Ainsi Toiles de Mayenne peut revendiquer depuis 2022 une production locale 100% française. Tout ce que l'on peut voir dans cet espace a été fabriqué soit dans les ateliers de la marque qui se trouvent sur la commune, soit chez des fournisseurs partenaires qui eux aussi travaillent en France.
Sur le canapé, un coussin Pushkar s’appuie sur un autre en Corduroy tandis qu’à droite ce sont deux coussins Gally Élysée bleu et blanc galonné de rouge en authentique Toile de Jouy qui reposent contre un Gabriel frangé sanguine.
Un bleu de Prusse retrouvé intact sur un dosseret de famille a servi de point de départ pour l’impression de cette Toile de Jouy qui complète la gamme historique dans un camaïeu de bleu sur coton crème. Imprimée sur une percale de coton de grande qualité et recolorée dans la plus pure tradition XVIII° avec toute l’audace que les teintes pouvaient avoir à cette époque.
Le coussin Gabriel de couleur sanguine est en jute et lin. Il est cousu et frangé à la main à Fontaine Daniel. J’ai été saisie par son effet de matière lourde, authentique et naturelle qui provient de l’emploi de matériaux naturels de ce tissage très particulier, au toucher incomparable, proche d’un velours, qui attire la main. Les petites irrégularités du fil lui donnent toute sa personnalité et son aspect unique. On comprend qu’il soit devenu le best-seller de la marque. Le coloris est une teinte subtile et légèrement "voilée", profonde et élégante.
Ce dernier est en acrylique, d'une durabilité permettant de le garder toute une vie, et même de le transmettre, pourvu de ne pas l'immerger dans l'eau et de l'entretenir exclusivement avec une éponge non agressive, humide et du savon non abrasif.
Ces quelque photos illustrent le conseil de l'équipe qui incite à ne pas craindre de mélanger plusieurs imprimés fleuris dans une même pièce. J'ai également appris les facultés acoustiques du velours, capable de piéger les ondes sonores dans ses poils, ce qui en fait est un appréciable "absorbeur de sons". Toiles de Mayenne en présente un, nommé Vadim, au poil dense et pas trop ras, lisse et mat, résistant aux marques d’usage. Mais il est fabriqué en Italie … du moins encore pour le moment. Sinon, toutes les matières premières sont sourcées en France sauf si elles n’y existent pas. Par exemple le lin vient d’Europe de l’Est mais on espère que la culture reprendra dans notre pays parce que cette matière première reste la spécialité numéro 1 de la marque.
L'impression se fait à Laval. La confection a lieu dans les salles adjacentes au show-room. Il y a en effet une grosse activité de sur-mesure. Mais on peut aussi acheter en prêt-à-poser, et j'ai remarqué des prix très accessibles. La coupe et le tissage sont effectués dans le bâtiment qui est près de l'abbaye, en bas du village, à la sortie ou à l'entrée, c'est selon.
Sans pouvoir parler d' "espace muséographique" on peut voir une Machine à coudre Railway au point de surjet avec tête Singer 81 K 24 à couteau raseur type 310 A.
On est invité à parcourir librement l'exposition de photos commentées qui est installée en mezzanine et qui reprend, étape par étape, l'extraordinaire aventure de Toiles de Mayenne depuis l'acquisition de l'abbaye en 1806 par les deux parisiens Sophie Lewille et Jean-Pierre Horem, le développement de cette "usine à la campagne" mais aussi l'ouverture en 1835, donc 50 ans avant les lois de Jules Ferry, d'une école gratuite pour tous les élèves, garçons et filles, dont le maître était payé par la veuve Horem.