Avant que
Eminem ou
Whitney Houston ne fasse des millions en faisant mouche avec des films épousant de très près leurs styles de vie et leurs états d'âmes, plusieurs artistes avaient essayé le combo, musique/film.
Certains avec succès, d'autres avec beaucoup moins. Mais toujours avec beaucoup de créativité.
J'ai observé dernièrement une période, entre 1980 et 1984, 6 fois où des artistes, en peu de temps, tous voulant ajouter une couleur à leur palette créatrice, se sont présentés sur films avec des résultats tous différents. Inégaux. À la naissance des clips vidéos. Des curiosités.
One Trick Pony (1980) Paul Simon.
Paul passe de l'étiquette CBS à Warner. C'est un grand changement pour celui qui lance de la musique avec eux depuis 1965, et qui voit son catalogue y rester. Il a donc envie d'y aller d'un premier album qui serait aussi accompagné d'un film, inspiré des expériences de Simon, avec CBS.
Lou Reed y joue un producteur, Paul s'y joue lui-même avec une trame narrative très près de ce qu'il est. Voilà 5 ans que son dernier album studio a été lancé, avec un certain succès (
dans la vraie vie-10 dans le film). Paul fait face à toute sorte d'obstacles, et nous donne un avant-goût de son quotidien. Ça a fait un album potable atteignant la 6ème position des ventes, en Amérique du Nord, mais un film plutôt banal. Voir morose pour certains. Le film fera moins d'un million d'entrées, alors qu'il en aura coûté 8 à tourner. Il met en vedette furtivement les B-52's au moins. Dans leurs propres rôles aussi.
Human Highway (1982) Neil Young.
Quel ovni! Qui commence d'ailleurs dans l'espace. Réalisé et scénarisé par Bernard Shakey (Neil Young) et Dean Stockwell. Russ Tamblyn a aussi écrit beaucoup de ses lignes. Chaque comédien devait développer son propre personnage. Quotidien loufoque autour d'une station d'essence. Histoire improvisée voulue comédie, mais qui multiplie les inconforts, fait mal vieillir la grossophobie et les effluves de parfums de préjugés racistes. Ce sont 3 millions de sa propre proche que Neil investira dans ce film qui, fortement mal joué et très décousu, tourné entre 1978 et 1981 fera patate. Forcément, il aura une sortie limitée. Puisque personne ne sait quoi faire de cette bizzarerie. Avec Dennis Hopper (très drogué) dans au moins 3 rôles si ce n'est pas 4 (
c'est lui "peinturé" en Arabe ?) et Sally Kirkland qui le poursuivra en cour parce que blessée par un de ses couteaux qu'il déployait partout sur le plateau de tournage pour impressionner. Neil s'en relèvera, mais les années 80 seront surtout misères pour lui. Le film est plutôt juvénile et les propos anti-nucléaires mal éclairés. Le dernier 20 minutes et plus musical et presque Tom-Waits-avant-gardiste par moments. Une nouvelle chanson ayant le titre du film est lancée dans celui-ci, mais sans la fin, il reste assez peu musical.
Facile à trouver sur le net. Le dernier 20 minutes est d'un amateurisme redoutable. Chorégraphie gênante.
The Wall (1982) Pink Floyd.
Excellent album double, excellent band, excellent réalisateur en Alan Parker. Bob Geldof, chanteur des Boomtown Rats, est choisi pour incarner le troublé protagoniste Pink. Époustouflant déploiement visuel accompagné des dessins de Gerald Scarfe, sur l'auto-destruction et la dégénératione mentale post traumatique, le film a aussi eu un lancement limité, mais ne durant qu'un mois en salle, il a été retiré alors qu'il était encore parmi les plus vus et les plus appréciés. Deux arts, musicaux & cinématographiques bien mariés. Bob Hoskins y tient un petite rôle, dans la peau d'un gérant d'artiste rock. Une nouvelle chanson est aussi introduite et sera incluse dans les morceaux rejetés de l'album original qui seront recyclés comme dernier album du band, comprenant Roger Waters, The Final Cut.
Purple Rain (1984) Prince.
Prince gagne public d'humains à la peau noire, le caucasiens, et tout le monde à la fois avec son album sera #1 en alternance pendant un an, avec celui de Bruce Springsteen,
Born In The USA. Le film racontant beaucoup Prince lui-même (à sa demande) et tourné par Albert Magnoli avec un budget de 7,2 millions en fera plus de 77. L'album est un bijou, le film se développe un côté culte même si il ne réinvente aucunement la roue. L'automne qui y est filmé y est assurément pour quelque chose selon moi. Saison magique.
Give My Regards To Broad Street (1984). Paul McCartney.
Peter Webb réalise l'idée de Paul McCartney, plutôt bon enfant, planté dans une intrigue de bandes maitresses volées et de menace de reprise de studio, avec de longs passages costumés dans des rêveries ou des séquences platement dévoilées comme rêve qui nous fait nous demander pourquoi l'avoir alors raconté ? prétexte à planter des chanson, ici et là. L'album sera très moyen avec un seul "hit", met aussi en vedette, Bryan Brown, Tracy Ullman, Ringo Starr et son épouse Barbara Bach ainsi que Linda McCartney. Le film a coûté 9 millions mais n'en rapporte qu'un et 400 000 dollars. Paul a le luxe de pouvoir se planter avec la richesse qui se loge chez lui. On ne peut pas lui en vouloir d'y avoir cru aussi, au sein des Beatles, avec
Help,
A Hard Day's Night ou
Yellow Submarine, (et Elvis) ils avaient un peu donné naissance au genre
Stop Making Sense (1984)
David Byrne est si cool. Vivant longtemps dans un quartier réputé dangereux de New York, en pleine nuit, un homme s'était introduit chez lui pour le voler. Byrne, le confrontant, lui avait dit de quitter son appartement. Mais quand l'homme a sorti un couteau, il n'a que poussé un soupir en disant "
Oh! Ok. Whatever. Do what you have to do, but do it fast, I won't move". Quand Brian Eno et lui se font agresser physiquement par une douzaine de gars les entrainant dans les bois, Eno dira qu'il a entendu Byrne dire assez simplement "oh! oh !" comme on s'inquièterait d'un trafic de voiture soudain. Byrne est dans le spectre de l'autisme. Ces gens sont formidables. Le film de Jonathan Demme est considéré comme un des meilleurs outils de promotion de musique jamais tourné, alors qu'on suit les Talking Heads nous faisant la promotion de leur nouvel album
Speaking In Tongues tout en jouant de vieux succès, laissant même une place au groupe de Tina & Chris, Tom Tom Club. Formidable, je cherche à l'acheter. Moins un film narratif qu'une promo. Byrne, après un spectacle des Talking Heads, y est vu terminant une chanson sur scène, faire le salut poli de la fin, quitter l'arrière scène, prendre son vélo (il se déplace presque 100% en vélo) roulant jusque chez lui. Comme le plus simple des hommes.
Lui que l'on sait si compliqué.
3 fausses balles, 3 chef d'oeuvres.
Tous issus de la tête de musiciens.
Pour égayer les nôtres.
Entre 1980 et 1984.
Quand MTV naissait.