Notre plus grand pouvoir est celui d'inventer.
Cette vérité n'est pas réservée à l'invention littéraire, elle est comme une loi de la nature humaine. C'est elle qui permet au genre humain d'échapper aux contraintes de son environnement.
Dans ce roman, Trois âmes soeurs ont fait cette découverte. Il se trouve que ce sont des femmes qui, au cours des deux derniers siècles, sont en quête d'une liberté qui leur a été ôtée.
Iris vit à notre époque. Dans un penthouse new-yorkais, lors de rendez-vous à six heures et demie, elle raconte des histoires, à deux dames, Godwin et Wollstone, qui lui sont tout ouïe.
Avant de revenir à celle d'Ada Augusta Lovelace, qu'elle évoque seulement et qui, à l'époque victorienne, eut une folle vision qu'elle décida de suivre, elle commence par celle de Ling.
Ling travaille dans une usine qui fabrique des poupées, mais des poupées dont les corps immaculés ont des formes féminines et qui sont envoyées aux clients après avoir été conditionnées.
La pose de leurs têtes est la dernière étape. À ces machines anthropomorphes, il ne manque plus que la parole. Ling participe, sous la supervision de Nian, au développement d'un prototype.
À cette poupée de nouvelle génération, que Nian a baptisée Harmony, il s'agit en fait d'inculquer des combinaisons langagières pour qu'elle apprenne, jusqu'à ce qu'elle devienne autonome.
Ada, fille de Lord Byron, a fait la connaissance d'un inventeur d'une machine grandeur nature: il en étudiait une autre, une machine à penser, et lui avait proposé d'y apporter contribution.
Ada avait travaillé pour la postérité, car elle ne devait pas bénéficier, à son époque, de reconnaissance. Ling prendra le relais et donnera son prénom à son humanoïde intime et personnel.
Pour Éric, le compagnon d'Iris, ces histoires sont terribles: il est possible de ne pas subir d'emprise en inventant, le meilleur chemin pour se réveiller dans un espace autre et totalement libre:
Les choses sont en mouvement. Toutes les choses.
Hommes et bêtes, plantes et champignons, planètes et étoiles.
Parce que tout vit.
Francis Richard
Trois âmes soeurs, Martina Clavadetscher, 272 pages, Zoé (traduit de l'allemand par Raphaëlle Lacord)