Son parcours professionnel est impressionnant. D’abord diplômée en histoire – une adepte de l’école des Annales – puis en sciences politiques et langues orientales, elle a été la première femme à recevoir la dignité d’Ambassadeur de France, et affectée dans des postes aussi sensibles et complexes que la Chine, le Royaume-Uni puis enfin la Russie.
Elle parle le chinois et le russe, ce qui lui confère une expertise que bien peu de nos diplomates maîtrisent.
A la fois chronique des relations internationales de la période post guerre froide, mémoires et essai politique, cette femme exceptionnelle nous explique, dans un langage très accessible, les ressorts de la politique extérieure de la France et les rituels des négociations multilatérales. On reste pantois devant la complexité et la prolifération des organismes internationaux – ONU, OSCE, UE, … - qui prétendent maintenir la paix dans le monde, avec le succès que l’on sait.
Petite-fille d’émigrés russes blancs avec un grand-père originaire de Kiev, elle comprend mieux que tout autre l’âme et la civilisation russes et regrette que l’invasion de l’Ukraine ne fasse désormais de ce pays un paria sur la scène internationale.
Son expérience lui dicte quelques principes : dans la négociation internationale, rien n’est agréé tant que tout n’est pas agréé. Elle ne se berce d’aucune illusion : son livre s’achève sur la prophétie qu’il convient de penser désormais l’impensable, anticiper et planifier, mais aussi de se préparer à voir arriver de nouveaux cygnes noirs, comme l’invasion soudaine de l’Ukraine par la Russie en février 2022.
Ses remarques nous éclairent sur le droit d’ingérence qui laisse les pays faillis en état plus désastreux qu'avant l'intervention onusienne, la bisbille permanente entre l’OTAN et les initiatives de l’union européenne en matière de défense, le sacrilège pour les américains de voir les européens se doter d’une défense commune, les mensonges manipulateurs des tenants du Brexit, l’affaiblissement de l’UE lors du choix de l’élargissement « en régate » c’est-à-dire tous les nouveaux entrants ensemble plutôt que « par vagues » alors que ces pays ne bénéficiaient pas du même niveau de développement et que tous aspiraient prioritairement à une adhésion à l’OTAN …
C’est un récit très instructif, pas toujours du meilleur style mais qui permet à ceux que la politique passionne de retrouver les principales étapes des relations internationales. Quarante années d’histoire diplomatique qui se parcourent très rapidement, laissant en bouche un goût amer sur l’avenir qui attend les jeunes générations.
Madame l’Ambassadeur, de Pékin à Moscou, une vie de diplomate par Sylvie Bermann, chez Tallandier, 348 p., 21,90€