Je m'extrais doucement, à pas de loup, de mon environnement, je laisse le café tapisser mes neurones de ses augustes molécules, je reste sourd aux borborygmes de mon collègue qui chougne continuellement. J'ai chaussé le casque-micro qui me relie aux clients qui pourraient appeler à l'aide pendant que j'écris ce billet. Je songe à la tulipe qui ornait ce mur à l'angle des boulevards National et Longchamp. Tulipe de papier collé, streetart éphémère par nature, que j'avais photographiée courant août. Les occupants de l'immeuble que j'imagine, à tort peut-être, réfractaires à la poésie l'ont recouverte de peinture. Il reste le souvenir que la fleur a imprimé chez le passant, il reste les clichés qui illustrent la fin de ce billet.
Je passe du coq à l'âne et de la tulipe aux algues, à la photo que mon amie biarrote vient de publier sur le réseau de Mark. Elle se prélasse sur une plage d'Ibarritz et le fait savoir. Je commente :
– Ton rocher, tes pieds, la vie.
– Il ne manque que toi pour me faire rire.
– Avec des algues en guise de cheveux devant tous les badauds.
La belle plage basque est alors secouée par le fou rire soudain de mon amie. Elle se souvient du plus bel effet qu'avaient produit les longues algues humides, visqueuses, sur mon crâne chauve. Des regards médusés ou goguenards posés sur nous alors que nous rejoignions le parking, imperturbables (plus moi qu'elle qui pouffait de rire tous les trois mètres).
La légèreté qui fait parfois cruellement défaut tient à pas grand-chose, à une tulipe en papier collée sur un mur, à des faux cheveux pour rire.