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L’ordre du jour d’Éric Vuillard

Par Etcetera
L’ordre du jour d’Éric VuillardCouverture chez Babel

Comme Éric Vuillard avait remporté en 2017 le Prix Goncourt pour ce récit historique, j’avais une certaine curiosité pour cet écrivain.
D’habitude, je ne suis pas très férue de sujets historiques – sans être non plus hostile à ce genre – mais une fois de temps en temps, ça peut me plaire.
Le cercle de lecture auquel je participe chaque mois nous avait indiqué ce livre, et ce fut l’occasion de découvrir cet auteur.
Éric Vuillard nous parle ici de l’arrivée au pouvoir d’Hitler dans les années trente, ainsi que de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne en 1938, c’est-à-dire les différentes étapes de l’expansion nazie, comme prémisses à la deuxième guerre mondiale et aux atrocités des camps de concentration.

Note Pratique sur le Livre

Editeur : Actes-Sud (Babel)
Date de Publication : 2017
Nombre de Pages : 150

Note sur l’auteur

Ecrivain et cinéaste, né à Lyon en 1968, Éric Vuillard est notamment l’auteur chez Actes Sud de Tristesse de la terre (2014), 14 juillet (2016) et La Guerre des pauvres (2019), pour lesquels il a reçu de nombreuses récompenses. L’Ordre du jour (2017) lui a valu le Prix Goncourt. (Source : éditeur)

Extrait de la Quatrième de Couverture

20 février 1933 : une fin d’après-midi à Berlin, dans les confortables salons du président du Reichstag. Une réunion secrète entre les plus grands industriels allemands et les hauts dignitaires nazis doit sceller le financement de la prochaine campagne électorale. Il y a là le « nirvana de l’industrie et de la finance » : Krupp, Opel, Siemens, Telefunken… De cette scène inaugurale procède un consentement irréversible qui aboutira au pire.
Au fil d’un récit intense et sidérant, l’écriture d’Éric Vuillard rend à l’engrenage des faits leur dérisoire et pathétique charge émotionnelle, la fragilité de l’instant. Et derrière les images triomphales de la Wehrmacht se découvrent, aux origines, de vulgaires marchandages, de tristes combinaisons d’intérêt.

Mon avis

Pendant une bonne partie de ce livre, je me suis demandé ce que l’auteur cherchait vraiment à nous démontrer et pourquoi il abordait ce sujet de la montée en puissance d’Hitler – dont un grand nombre de livres ont déjà abondamment parlé depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, me semble-t-il. Je ne suis pas une grande spécialiste de cette période historique mais j’ai l’impression qu’on peut trouver dans ce récit des faits et des avis largement connus et répandus, sur lesquels un consensus général est établi.
Ceci dit, Éric Vuillard sait admirablement raconter les événements et il parvient à donner aux faits historiques le pittoresque et le mouvement de la vie, il ressuscite les figures politiques des années 30 pour en faire des êtres de chair et de sang, qui ont des émotions, des hésitations, des frayeurs, des ratages, des grandes et des petites bassesses, alors que les livres d’Histoire ont tendance à tout figer ou à résumer en quelques dates décisives et à passer sous silence les cafouillages et les ratés.
Or, dans ce livre, on a l’impression que la montée en puissance des nazis, l’élection d’Hitler et l’annexion par l’Allemagne de l’Autriche, n’étaient pas du tout des fatalités inévitables et que ceux qui pouvaient l’empêcher ont été lâches ou n’ont rien compris ou se sont compromis de manière infâme, pour des questions d’intérêts financiers, économiques.
Mais ce regard accusateur d’Eric Vuillard sur les hommes des années 1930, n’est-il pas un peu facile ? Car, aujourd’hui, avec quatre-vingt-dix ans de recul, nous avons acquis une vision extrêmement claire de cette période de l’entre-deux-guerres, que nous n’avons pas vécue… que même nos parents n’ont pas vécue… que nous connaissons éventuellement par des livres, des films.
Peut-être que dans quatre-vingt-dix ans, en 2110, les livres d’histoire accableront les hommes de notre époque pour n’avoir pas vu, pas réagi, pas compris des choses qui sont hors de notre zone actuelle de vigilance ou de réflexion, et auxquelles nous ne sommes pas préparés ?
Bref, un livre très bien écrit, parfaitement documenté sur le plan historique, littérairement très beau… mais dont les intentions en amont peuvent soulever quelques questions, si on veut pousser la réflexion plus à fond (et quitte à chercher la petite bête, peut-être !).

Un Extrait page 140

Dans une lettre à Margarete Steffin, avec une ironie fiévreuse à laquelle le temps et les révélations d’après-guerre donnent quelque chose d’insoutenable, Walter Benjamin raconte que l’on coupa soudain le gaz aux Juifs de Vienne ; leur consommation entraînait des pertes pour la compagnie. C’est que les plus gros consommateurs étaient précisément ceux qui ne payaient pas leurs factures, ajoute-t-il. À cet instant, la lettre que Benjamin adresse à Margarete prend un tour étrange. On n’est pas sûr de bien comprendre. On hésite. Sa signification flotte entre les branches, sur le ciel pâle, et lorsqu’elle s’éclaire, formant soudain une petite flaque de sens au milieu de nulle part, elle devient l’une des plus folles et des plus tristes de tous les temps. Car si la compagnie autrichienne refusait à présent de fournir les Juifs, c’est qu’ils se suicidaient de préférence au gaz et laissaient impayées leurs factures. Je me suis demandé si cela était vrai – tant l’époque inventa d’horreurs, par un pragmatisme insensé – ou si c’était seulement une plaisanterie, une plaisanterie terrible, inventée à la lueur de funestes chandelles. Mais que cela soit une plaisanterie des plus amères ou une réalité, qu’importe ; lorsque l’humour incline à tant de noirceur, il dit la vérité.(…)


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