Ce mois-ci je m’intéresse à la littérature américaine, aussi j’ai lu le dernier recueil de poèmes de Joyce Carol Oates, intitulé Mélancolie américaine. Il s’agit de son premier recueil traduit en français.
Note Pratique sur le livre
Editeur : Philippe Rey
Année de publication : 2021 aux Etats-Unis, 2023 pour la traduction française
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Seban
Nombre de pages : 115
Extrait de la Quatrième de couverture
Dans une langue brûlante, Joyce Carol Oates interroge et dénonce une Amérique amnésique car malade. Qu’elle apostrophe « Marlon Brando en enfer » ; qu’elle s’interroge sur les dérives passées de la science lors d’expériences sur des enfants ou des singes ; qu’elle martèle les raisons qui mènent les femmes à un avortement ; qu’elle décrive le destin d’un vieux hobo de retour chez lui dans un quasi-anonymat, Joyce Carol Oates est à la croisée de l’intime et du politique.
Mon avis en bref
La poésie engagée ou d’inspiration politique n’est pas ce que je préfère en général et, ici, elle s’accompagne d’un esprit assez hargneux de justicière vertueuse et de donneuse de leçons, qui est sûrement très intéressant, et parfois justifié, dans un discours militant, devant une assemblée politique, mais qui ne semble pas vraiment à sa place dans un recueil de poèmes. Surtout que ces « poèmes » sont en réalité le plus souvent des simples proses, tout à fait triviales et banales, avec retours à la ligne arbitraires, pour se donner un genre de vers libres.
Certains poèmes sont d’inspiration « cancel culture » ou « woke », par exemple dans le poème Fugue de haine, où la poète s’en prend à Paul Celan et à toute la littérature qui a évoqué l’Holocauste, sous le prétexte qu’on ferait mieux d’oublier les atrocités nazies – idée particulièrement choquante et odieuse.
Elle s’en prend aussi à Marlon Brando, comme exemple parfait de « mâle prédateur », mais bon, il est mort depuis presque vingt ans et ça ne sert à rien de lui intenter des procès.
A mon sens, il vaut mieux se souvenir des atrocités nazies, cause de plusieurs millions de morts et de souffrances indicibles sur plusieurs générations, que de faire des procès à Marlon Brando par poésie interposée, vingt ans après sa mort.
Le seul poème du recueil qui m’a vraiment beaucoup plu c’est celui sur son chat – au moins, là, on échappe aux procès politiques indigestes et de toute façon classés sans suite.
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Voici donc deux extraits du poème sur les chats.
Page 73
Jubilate :
Un hommage en vers chattesques
Car je veux considérer ma Chatte Cherie
car elle est l’apothéose de la beauté Chat
c’est-à-dire, rien d’extraordinaire
car chez le Chat, la beauté est ordinaire
comme la félicité
qui nous est
accordée
dans l’hypnose
du ronron-
nement.
On l’a vue
pétrir de ses griffes
une manche.
Et un genou.
Et une peau nue,
griffes pointues s’enfonçant –
juste un avertissement.
(…)
Suite page 76
« Vivre libre
ou mourir » – est l’essence même
du Chat, qui,
par contraste,
fait de nous des êtres
flagorneurs et obséquieux
(assez semblables aux
Ch**ns). Une telle beauté
nous instruit par sa perfection
même
car elle est au-delà
de la simple « utilité » – pas de chats de travail,
de chats de garde,
êtres plébéiens,
mais tous descendants
des dieux
qu’honora
l’Égypte ancienne ; et quoi
de plus divin que d’enfoncer
les dents dans un rat,
une créature qu’abhorre
l’humanité frileuse,
tout en conservant la plus pure
innocence-Chatte.
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