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Cameroun : Un colloque pour les 70 ans de règne du Fô Sokoudjou

Publié le 17 janvier 2023 par Tonton @supprimez

Près d’une centaine d’universitaires et d’hommes de culture se sont exprimés sur la place de la chefferie traditionnelle dans les sociétés modernes.

Comment les chefferies traditionnelles peuvent-elles contribuer efficacement, à partir des solutions endogènes d’origine africaine, à la prévention des conflits, à la construction d’une paix durable et à la consolidation d’un Etat de droit au Cameroun ? Telle est la problématique d’un colloque de deux jours, qui a réuni au Mont Saint Jean de Bafoussam, plusieurs dizaines d’universitaires et d’intellectuels préoccupés par les questions de gestion des conflits, de paix et de sécurité en Afrique.

Cet espace d’échanges, de débat ouvert et des propositions concrètes, a été initié par le Centre d’études et de formation sur le développement, la démocratie et la paix en Afrique (Cefodep), à l’occasion de la célébration des 70 ans de règne de S.M. Sokoudjou Chendjou II Jean Rameau, chef supérieur du groupement Bamendjou, dans les Hauts Plateaux, pour rompre avec le cycle folklorique des célébrations traditionnelles. Adrey Epente Tazeu, le Secrétaire général des services du gouverneur de l’Ouest qui représentait son patron à l’ouverture, a d’ailleurs reconnu que c’est la première fois que dans son carrière d’administrateur, il assiste à une célébration touchant les chefferies, où on ne danse pas, ne boit et ne mange pas.

Placé sous le co-parrainage de l’Université de Dschang et de l’Université des Montagnes, la rencontre pluridisciplinaire a permis de déblayer le terrain, pour des lendemains plus paisibles. A l’ouverture, Fô Sokoudjou, ce monarque bamiléké bien introduit dans la culture béti comme on a pu le voir avec d’autres phases de la célébration, a regretté les changements intervenus dans l’institution qu’il incarne à merveille. « En regardant 70 ans en arrière, il n’y a pas eu que des moments difficiles que j’ai traversés. Mais j’ai des regrets. Il y a 70 ans, sur beaucoup d’aspects, il y avait la paix, il faisait bon vivre. Nous avons vécu dans cette ville de Bafoussam sans qu’on parle de crime ou de vol.

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Quelqu’un perdait sa chèvre, on la ramenait chez le propriétaire, longtemps après parfois qu’elle a mis bas. Aujourd’hui, les choses ont changé en mal : on ne sait plus où on va. Partout en Afrique, c’est le désordre, c’est la guerre, même au Cameroun ». En cause selon lui, « le non-respect de nos institutions traditionnelles. Nous avons été instrumentalisés contre nous-mêmes ». C’est pourquoi « pour vivre en paix, il faut revenir à ces institutions. Revenons aux enseignements de nos cultures. Les institutions traditionnelles sont démocratiques et porteuses de valeurs qui peuvent orienter les jeunes générations. N’embrassons plus aveuglement ce que les Blancs nous proposent. Les institutions traditionnelles peuvent enseigner la voie de la paix et de la vie en harmonie. Pour cela, il faut cesser d’instrumentaliser la chefferie », soutient le vieux chef.

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Acteurs de développement

La leçon de clôture, faite par le Pr. Tsafack Nanfosso, a porté sur la contribution des chefferies traditionnelles au développement. « Les chefs ont un pouvoir de production et de consommation. Ils sont des acteurs directs du développement, en même temps que des acteurs indirects, comme catalyseurs du développement des terroirs », a démontré le brillant économiste, recteur de l’Université de Dschang. Pour lui, les chefferies entretiennent un « exode urbain » à travers « le retour au village » ; par l’ennoblissement des élites, qui les pousse à venir investir dans « la maison du village », au nom d’une « contribution attendue ».

Né en 1940 à Bamendjou, Jean Rameau Sokoudjou succède à son père, à l’âge de 13 ans, alors que ce dernier l’avait exilé en pays béti. Chef atypique, il est autant adulé par son peuple que craint par ses pairs qui le jugent envahissant et l’administration, avec qui les rapports n’ont jamais été cordiaux. Déjà sous la colonisation française, il fait la prison du fait de son attitude nationaliste. Ses prises de position ne sont pas du goût des dirigeants, comme sur la question de la succession à la tête de certaines chefferies sœurs ou la liberté de recevoir en son palais des hommes politiques de tout bord. L’on se souvient encore du tollé créé par un rappel à l’ordre du préfet à son endroit, en 2020. Droit dans ses bottes, du haut de ses 83 ans, le longiligne chef passionné d’agriculture organise tous les deux ans, un festival culturel, le Chepan, dans le palais offert par l’Unesco. Celui du week-end dernier, qui intervient à l’occasion de sa 70ème année au trône, a drainé plus de 100.000 participants, selon les organisateurs.

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Franklin Kamtche / 237online.com


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