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Faut-il supprimer la mention "sexe" de l'état civil ? (CARNETS DE SCIENCES, la revue du CNRS)

Par Jmlire

" Le 4 mai 2017, la Cour de cassation s'est opposée au jugement du Tribunal de grande instance de Tours autorisant une personne intersexe à faire inscrire la mention "sexe neutre" dans son acte de naissance. Assignée homme au berceau, la personne requérante ne s'identifiait pourtant ni au sexe masculin, ni au sexe féminin. Seulement, " la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l'état civil, l'indication d'un sexe autre que masculin ou féminin", ont argué les juges, ajoutant que " cette binarité (...) est nécessaire à l'organisation sociale et juridique, dont elle constitue un élément fondateur"...

N'en déplaise à la Cour de cassation, les choses ont bien changé depuis Napoléon... et la "différence des sexes" n'est plus, en France, utilisée pour justifier la domination masculine. Les études de genre ont, à ce titre, joué un grand rôle en démontrant que le "sexe", ainsi entendu, est le support de la représentation du genre : " Elles ont montré que ce qu'on appelle "féminin" et "masculin" est socialement construit et ne dépend pas d'un critère biologique qui serait une nécessité, et qu'il ne peut donc pas justifier l'inégalité des droits... détaille le philosophe Thierry Hoquet, professeur à l'université de Nanterre et chercheur à l'Institut de recherches philosophiques. " Tout au long du XXe siècle, le droit français a évolué en faveur d'une neutralisation des énoncés juridiques", souligne ainsi DianeRoman, professeure de droit public et juriste à l'Institut des sciences juridiques et philosophique de la Sorbonne.au point qu'on ne trouve presque plus de règles sexo-spécifiques, hormis celles qui concernent le congé maternité et la protection des salariées enceinte et allaitante. À propos du mariage, par exemple, le Code civil parle désormais des "époux", et reconnaît les mêmes droits aux conjoints, a fortior i depuis qu'en 2013, la loi Taubira à ouvert le mariage aux personnes du même sexe...

Le dogme des X et Y.

[...] " La génétique est beaucoup plus complexe que l'état civil" rappelle Joëlle Wiels, biologiste et directrice de recherches au CNRS au laboratoire Signalisation, noyaux et innovations en cancérologie, dont les travaux contestent " le dogme trop bien établi du binarisme sexué" et l'usage politique qui en est fait. " Il ne s'agit pas de remettre en cause la réalité biologique de la sexuation, mais de contester sa dualité absolue." La détermination du sexe (chromosomes, gonades, hormones, anatomie) est en effet un phénomène éminemment complexe : " Si je vous demande ce qui détermine le sexe, vous répondrez les chromosomes : les femmes ont deux chromosomes X et les hommes un X et un Y. Mais ce n'est pas vrai pour tout le monde : certaines personnes ont un, trois ou quatre X, un X et deux Y, deux X et un Y... les personnes qui ont deux X ont aussi parfois des organes génitaux mâles, et celles qui ont un X et deux Y des organes génitaux femelles." On estime ainsi que l'intersexuation concerne 1 à 2% de la population. " La fréquence de certaines situations n'est pas si rare : si vous prenez le cas de deux X et un Y, en France 60 000 personnes sont concernées." Quant aux fonctions différenciées dans la reproduction souvent invoquée pour définir hommes et femmes, "ce n'est pas non plus un critère suffisant, car on sait qu'environ 10% des femmes sont stériles ( et presque autant des hommes, ndlr)...

Extraits d'un article de Stéphanie Arc, dans la revue du CNRS "Carnet de science" n°7, Automne-Hiver 2019.

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