De quelques frontières, de Philippe Claudel (éd. Paulsen)

C’est une phrase d’une lectrice qui amène Philippe Claudel à s’interroger sur la notion et la réalité de frontières. Et que l’interpellation ait lieu au Chili, près d’une montagne, la cordillère des Andes, n’est pas sans effet sur la réflexion de l’auteur. Pourtant c’est de l’enfance qu’il partira, cette enfance à l’Est de la France, si près d’autres frontières mouvantes et qu’il pouvait franchir de part et d’autre, bien que la limite s’imposât, ne serait-ce qu’à la suite des accords de Yalta, figeant le monde pour toute une génération. Il rappelle que frontière est un mot lié à la guerre et au front : l’étymologie toujours propose du sens. Il n’est pas que des frontières géographiques, et une citation de Bachelard en ouvre les perspectives, qui écrit que la géographie est « l’art de rêver la terre ». Les frontières temporelles s’imposent aussi : nous avons quitté le pays de l’enfance, qu’une route départementale séparait du cimetière, et nous allons vers la mort, celle de nos proches, et la nôtre. Mais il n’y a pas de ciel où iraient les âmes. Il n’y a que la montagne et, dans la montagne, les refuges.

Publiant ce texte d’une centaine de pages en juin 2022, Philippe Claudel ne peut ignorer que la guerre est de nouveau en Europe, une guerre voulue et annoncée, et menée au prétexte de redéfinir les frontières.