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(Anthologie permanente), Jacques Darras, trois livres

Par Florence Trocmé


CV-choeur-maritime-Darras-RECTO-600x902Jacques Darras vient de publier trois livres : Le Chœur maritime de la Maye, au Castor Astral ; Je suis une rivière, aux éditions de La librairie du labyrinthe et Quatre à quatre vers le Nord, aux éditions Cours toujours.
Quelques extraits :
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Est l'infinitif de la mer
Est l'infinitif de la mer infiniment infinitive
Est l'infinitif de la mer revenant au repos d'elle-même
Est l'infinitif de la mer revenant verbe à elle-même redevenue nom
Est l'infinitif de la conjugaison ambiguë de la mer
D'elle-même avec elle-même
Dans la détente du temps
Dans la détente pulmonaire pneumatique du temps
Dans le froissement de plèvres marines du temps
Dans l'ample souffle de marathonien du temps Revenir
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Ce qui revient avec la mer c'est l'illusion du revenir
Ce qui revient avec la mer c'est l'illusion du mouvement de la vague
Ce qui revient avec la mer c'est l'illusion de l'avancée de la vague
Ce qui revient avec la mer c'est l'illusion de l'allongement de la vague
Vers le sable
Vers la dune
Vers les terres
Vers nous
Le revenir de la mer est le revenir de la cavale imagée du souffle
Le revenir de la mer est le revenir de la succession des images
Le revenir de la mer est le revenir de l'illusion de course des images
Le revenir de la mer est l'effacement de l'infinitif en lui-même
En sa dépense minimale d'infinitif
En sa dépense minimalement infinitive d'espace
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L'infinitif revenir de la mer est la plus haute image du temps
L'impensable image de l'impossibilité d'être du temps
Autrement que sous l'image du repos actif de la mer
Du long revenir de la mer sur elle-même
Dans la multiplicité plurielle des vagues
Revenant à plusieurs en même temps à l'infinitif du revenir
Revenant à l'impassible l'impossible unité infinitive du revenir
Revenant à l'illusion d'une fin frontalière définitive
Que l'expiration de l'eau sur la terre déterminerait
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(p. 12-13)
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Mais les chasseurs pêcheurs qui écumaient la terre
Mais les tailleurs de harpons qui ratissaient la mer long et large
Mais les cueilleurs de coques avec leurs pyramides de coquilles
Mais les dévoreurs de buccins qui joyeusement festoyaient
Ne purent pas ne pas avoir noté la montée des marées
Ne purent pas ne pas s'être parlé empiètement de vagues
Ne purent pas ne pas avoir pensé édification de digues
Ne purent pas ne pas avoir envisagé migrations futures
Avant que le paysage ne soit envahi par les eaux peu à peu
Avant que le rivage ancien ne s'indente ne s'édente peu à peu
Avant que les terrains de chasse lugubrement ne se désolent
Avant que les rennes n'émigrent troupeaux vers les glaces
À mesure que s'élevait en degré la température de l'air
À mesure qu'essaimaient les arbres foules proliférantes
À mesure que grandissaient en taille les plantes graminées
À mesure que se densifiaient en maquis les arbres noisetiers
(p. 15)
Jacques Darras, Le Chœur maritime de la Maye, Castor Astral, 2022, 150 p., 18€
*
Appuyé contre la haie, je m'imprime au fond des yeux l'image du lit totalement tapissé par l'herbe, à sec.
Avec la fonction photo de mon téléphone, prends plusieurs clichés.
Tel un grand cadavre la rivière, corps vidé de son sang. De son sens.
Pourquoi le souvenir me revient-il des tranchées mal cicatrisées à Beaumont Hamel ou Notre-Dame
de Lorette.
En Picardie la guerre n'est jamais finie.
Transfusion d'urgence, l'image.
Édouard III, roi anglo angevin d'Angleterre, massacre la chevalerie de Philippe VI de Valois à Crécy – Août 1346.
J'y suis six cents ans plus tard entre forêt d'où arrivent du Sud les troupes françaises et génoises et moulin observatoire au Nord, sur une butte d'où commande ses archers le fameux Prince Noir, "Prince d'Aquitaine à la tour abolie".
Je prends le parti de la rivière, j'ai choisi le camp de l'eau consolatrice.
(...)
Jacques Darras, Je suis une rivière, avec des gouaches de Jacques Darras, Editions de la Librairie du Labyrinthe, 2022, 14,5€
Sur le site de l’éditeur :
Dans ce nouveau livre « je suis une rivière » et pour la première fois, le poète Jacques Darras parcourt et peint le petit fleuve la Maye et dévoile 22 gouaches de la source à la baie de Somme.
« J’ai suivi mon petit fleuve natal la Maye sur plus de quatre-vingts années de vie et 8 volumes de poèmes, au point de m’identifier à elle, de me sentir protégé par elle. Cette fois je la fais traverser la terre liquide des pigments pour rendre plus visible sa géographie, dire plus spectaculairement la passion qu’elle m’inspire. Face à la “flamboyance” des couleurs, les mots se tiennent au plus près, au plus précis d’eux-mêmes, la gouache se chargeant du lyrisme de l’expression. »
*
René Descartes
Tu es allé chercher Descartes à Franeker,
Génie français, disent-ils, je veux bien mais la Frise,
Pouvait-il s’exiler aussi loin de la Loire !
Sans doute faut-il la mer pour qu’un sujet « démarre »
Sur la plage d’Egmont op Zee je le vois qui marche,
Bottes inaptes à la dune, l’infini de la mer
N’entre pas dans ses comptes, seule importe la mesure
De ses pas – vivant, lui, corps et tête dans les nombres.
(p. 24-25)
Jacques Darras, Quatre à quatre vers le Nord, éditions Cours toujours, 2022, 70 p., 12€


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