Magazine

Les aventures du Prince Lexomil XXVII

Publié le 10 août 2008 par Porky

Episode 27

Ce qui arriva à Congédiement

Le pauvre Atarax ne savait vraiment plus que faire. Il était entré dans moult cafés, boutiques, squares, avait même visité les églises au cas où, improbable mais on ne savait jamais, le Prince aurait eu un regain de croyance. Tous ces endroits recélaient pléthores de gens, sauf celui qu’il cherchait. Lorsque son portable sonna, il crut que son cœur allait s’arrêter. Mais ce n’était que Valium, toujours aussi débonnaire, et qui se satisfit d’un vague « son altesse royale est à Congédiement, elle erre et j’erre derrière elle… Oui, nous avons passé une fort bonne nuit, Majesté. Oui, nous avons l’air en pleine forme… » et il allait raccrocher lorsqu’un barouf épouvantable faillit lui crever les tympans. La responsable de ce vacarme était Xanaxa qui, ayant voulu prendre le portable des mains de son mari, l’avait laissé échapper et il était allé atterrir sur le dallage, juste à l’endroit que le tapis ne recouvrait pas. « Vraiment, Valium, vous avez la main molle, entendit-il lorsque ses tympans vibrèrent à nouveau normalement. Vous auriez pu attendre que je le tienne avant de le lâcher. » « Mais c’est vous qui l’avez laissé tomber », répondit Valium. « Peu importe, dit Xanaxa. Allo ! cria-t-elle et Atarax sentit la sueur dégouliner dans son cou. Vous m’entendez ? Très bien : juste un conseil, ou plutôt un ordre : ne vous faites surtout pas reconnaître de lui. Suivez-le discrètement. Est-ce compris ? » Et on raccrocha avant même que le docile « oui majesté » eût franchi les lèvres de l’Enquêteur Royal.

Pendant ce temps Lexomil, ayant appris l’essentiel des caractéristiques du lieu où il se trouvait, avait décidé de ne pas trop s’attarder à Congédiement vu qu’il n’avait rien de spécial à y faire et surtout parce qu’il ne lui restait que quelques kilomètres pour atteindre sa destination finale, la résidence de Damoiselle Citalopram-Biogaran. Il se leva donc, prit poliment congé de la dame « en la compagnie de laquelle il avait passé un si charmant moment » et se dirigea vers la sortie du jardin. Mais distraction, fatigue ? Il ne vit pas la marche qu’il fallait monter pour atteindre le petit portail et s’étala de tout son long. Un murmure d’apitoiement parcouru les rangs de Congédiés. Lorsqu’il voulut se relever, le Prince, épouvanté, s’aperçut qu’il ne pouvait plus poser le pied gauche par terre, sa cheville ne le soutenait plus et commençait à enfler. « Oh non ! gémit-il. Je me suis cassé la cheville ! » Ses gémissements attirèrent à ses côtés son ex interlocutrice ainsi que deux ou trois glandus. On s’aperçut bien vite que le pauvre garçon avait d’énormes problèmes de déplacement. On parla donc de l’emmener à l’hôpital. « Il y a donc des hôpitaux, ici ? » dit Lexomil, vaguement rassuré. « Pas des, un, rectifia la jeune femme. Mais le problème, c’est qu’il n’y a pratiquement plus de personnel, tout le monde a été congédié. Ce qui explique, entre autre, l’état de délabrement des locaux. Mais avec un peu de chance, vous trouverez quelqu’un apte à vous faire une radiographie. » Ces paroles plongèrent à nouveau le pauvre Prince dans le désarroi. Mais il n’y avait rien d’autre à faire. » L’hôpital est à cent mètres, continua la dame. Aidez-le à marcher, vous autres, dit-elle en s’adressant à deux congédiés musclés qui s’étaient approchés. Je vous accompagne, de toutes façons, je n’ai rien d’autre à faire. »

Chemin faisant, Lexomil apprit que son infirmière improvisée s’appelait La, ce qui ne le surprit pas du tout. Lorsqu’ils poussèrent la porte du service des urgences, ils découvrirent une pièce totalement vide, des chaises poussiéreuses, un bureau derrière lequel trônait un néant absolu. « Ne le posez pas encore, dit La. Autant aller tout de suite dans la salle de radio, sans attendre. » Et le cortège suivit la direction indiqué par la jeune femme. On déposa Lexomil sur une chaise puis on s’occupa de voir si le matériel fonctionnait et surtout de comprendre comment il fonctionnait. Alors qu’une grande discussion s’élevait entre La et ses compagnons, une femme de ménage apparut sur le pas de la porte, tenant un seau dans une main et un balai dans l’autre. « Vous voyez bien qu’il n’y a personne ! gronda-t-elle. Laissez ce matériel tranquille, vous allez le détraquer complètement, déjà qu’il marche quand il en a le temps ! » « Sauriez-vous l’utiliser ? » s’enquit La avec un grand sourire. « Je peux toujours essayer, dit la femme de ménage. Seulement, c’est pas dans mon contrat et c’est en heures supplémentaires. Ca fera cinquante anti-dépresseurs. » « Je paierai, dit Lexomil qui souffrait de plus en plus. Mais je vous en prie, faites quelque chose. » Et avant qu’on voulût bien s’occuper de lui, il lui fallut déposer dans la main tendue le salaire demandé.

En deux temps trois mouvements, la femme de ménage rendit le matériel opérationnel, disposa la cheville de Lexomil au bon endroit dans la bonne position, appuya sur les bons boutons et la radiographie fut prise. « Ca va sortir dans deux minutes, dit-elle en s’approchant d’un appareil à l’allure machiavélique. Vous savez interpréter le cliché ? » Chacun se regarda et on fit une moue d’ignorance. « Bon. Vingt anti-dépresseurs et je vous donne le diagnostic. » « Vous n’êtes pas médecin », se défendit Lexomil. « Plus maintenant, mais je l’ai été pendant des années, rétorqua la femme de ménage. Quand j’ai été congédiée, on m’a proposé cette place. Forcément, j’ai accepté. Je sers un peu à tout et je suis mal payée mais avec les extras dans votre genre, j’arrive à m’en tirer. Alors ? » Vingt antidépresseurs passèrent de la bourse de Lexomil à la poche de l’ex médecin. Cette dernière s’empara du cliché, le regarda attentivement. « Et bien, il n’y a rien de cassé, c’est juste une entorse. Encore une chance pour vous, vous échappez au plâtre. Il faut simplement bander la cheville et éviter de marcher pendant quelques jours. » « Je suppose que je dois aussi payer la bande ? » dit Lexomil qui commençait à être de mauvaise humeur. « Non. Coup de chance, la bande, c’est gratuit, il y en a des kilomètres, dit la femme de ménage. Prenez donc mon seau, vous, continua-t-elle en tendant l’instrument à La. Et mon balai. Je vais chercher ce dont j’ai besoin »

Dix minutes plus tard, la cheville était soigneusement et dextrement bandée et on donna au blessé une boite d’antalgiques avec ordre d’avaler un cachet si la douleur était trop forte. Puis, on manifesta l’intention de reprendre son travail là où on l’avait laissé. « Que vais-je faire ? se lamenta Lexomil. Je ne peux plus marcher et je n’ai pas d’endroit où loger. Et je devais rejoindre ma fiancée à Déprime sur Boulot. » « Téléphonez-lui, dit La. Elle comprendra le problème et viendra vous chercher. Déprime, c’est juste à côté. » « A vrai dire, elle ne sait pas encore qu’elle est ma fiancée, expliqua Lexomil. Mais ça ne résout pas le problème du logement. »

La femme de ménage médecin abandonna un instant son balai. « Il y a des tas de chambres non occupées, ici, dit-elle. Pour trente anti-dépresseurs par jour, je fais le ménage, je vous nourris matin, midi et soir, je change la bande et je branche la télé. Ca vous va ? Vous pourrez même choisir la chambre, son numéro, son orientation, sa grandeur, sa disposition et tout le bataclan. » « Je vais me ruiner, mais je n’ai pas le choix », grommela Lexomil. La lui adressa un sourire qui se voulait réconfortant. « Vous verrez, dit-elle, vous serez très bien. J’ai une amie qui a passé quinze jours ici, elle en garde en très bon souvenir. Il n’y a pas meilleur endroit pour perdre les kilos superflus. »

On laissa donc Lexomil aux bons soins de la femme de ménage et on partit sur la promesse de venir bientôt lui rendre visite. Ayant été jeté sur un fauteuil roulant, le Prince parcourut les couloirs, visita les chambres, arrêta son choix sur une grande pièce qui donnait sur un jardin et, ayant remis ses anti-dépresseurs à sa garde-malade, il s’installa sur son lit et commença à regarder la télévision qu’on venait de brancher.

C’est ainsi que le voyage de notre Prince s’interrompit quelques jours, le temps de laisser sa cheville désenfler et l’entorse disparaître. Nous le retrouverons donc en septembre, prêt à affronter une improbable entrevue avec Damoiselle Citalopram-Biogaran, sa bien-aimée.

 (A suivre)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Porky 76 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog