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Bessora : Les orphelins

Par Gangoueus @lareus
Bessora : Les orphelins

Je fais rarement des recherches sur un auteur avant de produire une chronique. Cependant, je suis allé sur le site de Bessora pour en savoir plus. Un très beau site web comme peu d’écrivains en font. Grave erreur technique. J’ai eu, une clé du roman que j’ai terminé il y a quelques jours / Bessora a travaillé dans l’humanitaire en Afrique du Sud.


Elle a un sacré curriculum vitae. Cela me donne envie d’aller plus loin avec cette romancière qui a lu les contes de Grimm et en particulier l’histoire des orphelins Hansel et Gretel. La référence qui apparaitra dans le livre est importante même s’il est difficile de pousser un parallèle avec le parcours de Wolf et de sa soeur Barbara qu’il surnomme affectueusement Barbie. Ce sont deux jumeaux, élevés dans un orphelinat (dans l'esprit des lebensborn) qui vont être placés dans une famille sud africaine basée dans les environs de Cape Town. Nous sommes en 1948. Bessora raconte de manière très brève le voyage par paquebot avant l’adoption par les Schultz, dont l’épouse est la descendante d’huguenots français, les TerreBlanche. Dans le cadre de cette politique d’adoption massive pensée par le nouveau pouvoir Afrikaner qui instaure l’apartheid, 80 autres enfants subiront le même sort avec des degrés d’intégration différents dans ces familles sud africaines blanches.

Les Shultz / Terre Blanche 

Wolfgang et Barbie sont reçus par les Schultz. Dès le départ, ils incarnent ce sang neuf censé redynamiser la communauté afrikaner. Le grand père trouve en particulier en Wolf celui qui va prendre le relais. Petit Boche ! Il reste l’Allemand. Les parents, à savoir Lothar et Michèle, essaient de se montrer accueillant mais derrière la façade affichée, c’est un foyer complètement déstructurée que les enfants vont découvrir. Lothar est un homme fragile déconsidéré par son beau-père Jacob, propriétaire des terres, héritier d’une tradition huguenote, viticulteur, homme extrêmement influent. Lothar a jusque là échoué à lui assurer une descendance. Or cet enjeu est brûlant. L’adoption s’inscrit dans cette nécessité de maintenir un héritage des colons huguenots et de résister aux restes de la population noire. 

Une histoire de race 

Bessora est une auteure moqueuse. Elle est métisse. Ces deux aspects peuvent expliquer la manière avec laquelle elle traite la question de la race. Pour cela, elle va partir des personnages. Wolfgang, choisit pour ses caractéristiques aryennes s’emploie dès son arrivée en Afrique du Sud de s’extraire de cette assignation. D’ailleurs à une période avancée de sa vie, il ira jusqu’à épouser une femme indienne musulmane pour se défaire du carcan racial et de ses privilèges d'aryen. Dans la famille TerreBlanche, le grand père Jacob préside une commission qui statue sur la « blanchité » des hommes et femmes dans son périmètre. L’adhésion à la culture afrikaner ne suffit pas. Aucune trace d’ascendance noire ne doit être détectée sous peine d’exclusion du groupe, des écoles. L’idéologie raciste qui se répète quelques années après la faillite de l’Allemagne nazie. L’écrivaine joue sur cette notion de race, sur les facéties de la génétique, sur Wolfgang dans son désir de renouer avec ses origines allemandes. La vie nous joue parfois des tours… Comme le cas d’Anna  qui fut un élément important dans ce projet d’adoption collective et qui devient plus tard une des coépouses d'un guérisseur zoulou.

La saga des adoptés et écriture

Barbara et Wolf ont des approches différentes. Si Wolf résiste à sa nouvelle famille et va se construire en opposition à celle-ci, Barbie a besoin d’être accepté. Pourtant les choses sont extrêmement complexes, douloureuses. Si Wolf est conquérant, extraverti et libère sa violence contre sa mère adoptive, Barbara la retourne contre elle-même et elle ne croît pas en une quelconque expérience positive dans ce désir forcené à retourner en Allemagne pour retrouver sa famille biologique. Bessora explore de l’intérieur la question de l’adoption, de l’abandon et de la quête de l’origine. Elle le fait avec les individus, mais les pays servant de cadre à ces histoires portent à l’extrême la volonté de pureté et la question du métissage. 
J’aimerais dire quelques mots sur l’écriture. Je dirai qu’elle n’est pas forcément engageante. Bessora ne s’emploie pas à déployer, selon moi, un style. Même les transitions entre des épisodes dans le temps et dans l’espace sont faits, sans être amenés comme si ce n’est pas le plus important. Je pense à l’arrivée en Afrique du Sud chez les Schultz par exemple. Il y a des facilités auxquelles je me suis habitué pour mieux saisir, je pense son discours sur le racisme et l’abandon. Et cette construction avec deux sens de narration différents sont la première force de ce roman avec cette réflexion sur le racisme. Le final est douloureux mais dans le fond, attendu.

Bessora, Les Orphelins

Editions JC Lattès, première parution 2021

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