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Les cultivars du thé de Sayama

Par Florentw

Alors que j’ai évoqué en détails le cultivar Sayama-kaori il y a quelques semaines, je viens de mettre en vente deux sencha de Iruma (la ville de Iruma est la plus importante zone de production du thé de Sayama) faits tous deux à partir de cultivars de cette région, le très ancien Sayama-midori, et Musashi-kaori. Voilà l’occasion de revenir un peu sur les cultivars développés à Saitama, qui jouent pour beaucoup dans la richesse de caractères des thés de Sayama.

Je ne vais pas revenir en détails sur l’histoire de cette région, mais l’on trouve dès le 14ème siècle mention de thé produits dans cette région, appelé thé de Kawagoe, même si la légende le fait remonter bien plus loin. Néanmoins comme c’est finalement le cas de beaucoup de régions de production, le vrai essor correspond à la deuxième moitié du 19ème siècle alors que le sencha devient un important produit d’exportation. C’est à ce moment seulement qu’on parle de thé de Sayama.

Aujourd’hui, « thé de Sayama » correspond au thé fabriqué dans le département de Saitama, à Iruma, Sayama, Tokorozawa, et dans de moindres proportions une dizaine d’autres municipalités.

C’est à Iruma, sur le plateau de Kaneko, centre de la production de thé de cette région, qu’est installé le Centre de Recherche Départemental sur le Thé de Saitama, fondé en 1928. Si son activité concerne la production et la promotion du thé dans un large spectre technique, le développement de cultivars de thé adaptés à cette région difficile est l’une de ses missions. On pense bien sûr en premier lieu à des cultivars robustes, résistants au froid.

Quand je parle de cultivars j’évoque souvent l’année 1953 car c’est le moment où le Japon a pour la première fois enregistré 15 cultivars à thé, les 15 premiers cultivars japonais en somme. On trouve bien évidemment dans cette liste Yabukita, mais aussi Sayama-midori, qui est par conséquent le tout premier cultivar de Sayama.

Sayama-midori

Sayama-midori fut sélectionné en 1935 sous le nom de « Saitama-A1 » parmi des théiers obtenus à partir de graines de théiers zairai de Uji plantées au centre de recherche de Saitama en 1928. Après de nombreux tests, son excellence est reconnu et il sera enregistré en 1953 en tant de Cha-norin 5 « Sayama-midori ».

Il connut un certain succès avant d’être supplanté par Yabukita. Il a aujourd’hui quasiment disparu mais a néanmoins laissé son empreinte en servant dans de nombreux croisements pour de nouveaux cultivars.

Il possède la caractéristique d’être peu astringent, sans avoir beaucoup d’umami non, il est en revanche assez sucré. Il possède un parfum caractéristique d’herbe sèches, de foin un peu sucré si l’on veut. Il se prête bien au flétrissement, devant ainsi plus floral et sucré encore.

Avec ses feuilles très épaisses, il est difficile d’obtenir de belles aiguilles, donnant une forme des feuilles sèches plutôt pliées que finement roulées.

Les cultivars du thé de Sayama

Celui que je propose cette année a effectivement subi un léger flétrissement et derrière ses arômes très sucrés, on trouve de la vanille, un peu de floral, et aussi une impression de biscuits japonais au shôyu. C’est très riche, bien goûtu et parfumé, rustique, avec une super longueur. C’est mon favoris du moment.

Oku-musashi

Ce cultivar tardif, enregistré en 1962 est issu du croisement Sayama-midori x Yamato-midori (les croisements sont toujours présentés sous la forme ). Lui aussi est extrêmement rare. Il me semble pouvoir dire qu’il est assez proche de Sayama-midori, en probablement plus fin, notamment en termes de parfum. Avec la tendance récente pour le flétrissement, c’est une variété qui mériterait surement de refaire surface.

Le terme « musashi » provient de Musashino, la plaine de Musashi, ancien nom de la région de Tokyo et Saitama.

Sayama-kaori

Voilà le seul cultivar de Saitama à s’être bien répandu au niveau national. Il représente aujourd’hui encore 2% de la surface cultivée bien qu’en régression constante (dans la mesure où Yabukita représente plus de 70% et qu’il y a plus de 120 cultivars, en fait 2% c’est déjà beaucoup). Assez résistant, il est très productif.

Sélectionné à partir de graines de Yabukita, il fut enregistré en 1971.

Les lecteurs assidus et clients utilisateurs réguliers de Thés du Japon le savent, j’apprécie Sayama-kaori. Certes, avec son astringence marquée et sa couleur sombre, il n’est pas dans les standards actuels, pourtant, son parfum floral est unique et envoûtant. Il est vrai qu’il tend à donner le meilleur de lui-même en montagne (voir par exemple celui de Dôsenbô ou de Umegashima) plutôt que dans les plaines de Sayama, pourtant, bien fait, il reste un grand classique du thé de Sayama, se montrant aussi très intéressant avec flétrissement comme ici.

Toyoka

Encore un cultivar très rare. Je n’aurai pas d’informations particulière concernant ses caractéristiques aromatiques.

Issu du croisement Sayama-midori x Yabukita, il fut enregistré en 1976.

Fukumidori

Voilà un cultivar de Sayama bien plus « populaire » (les guillemets sont importants), on en trouve aujourd’hui relativement facilement, le plus souvent en sencha avec flétrissement. Il est vrai que c’est ainsi qu’il produit des arômes très caractéristiques, floraux, évoquant aussi le pamplemousse. Sans flétrissement, il me semble moins intéressant, avec des arômes d’herbes un peu âpre.

Enregistré en 1986 il provient du croisement Yabukita x 23F1107 (Sayama-midori x Yabukita).

Les deux que j’ai proposé cette année sont faits avec flétrissement, un fukamushi et un futsumushi récolte manuelle.

Hokumei

Sans être introuvable, il n’a pas la popularité de Fukumidori ou de Yume-wakaba. Pourtant bien que aussi tendant vers l’astringence, il possède des arômes très intéressants du type herbes aromatiques, avec des notes épicées.

Enregistré en 1992 il provient du croisement Sayama-midori x 5507 (graine de Yabukita).

Les deux que j’ai proposé cette année proviennent du département voisin de Ibaraki, de Sashimaet de Okukuji. L’un et l’autre sans flétrissement.

Musashi-kaori

Voilà un autre cultivar très intéressant. Ses arômes m’évoquent des épices, le clou de girofle entre autres. C’est une variété plutôt douce, sucrée, avec de l’umami aussi. C’est un cultivar qui semble intéressant avec flétrissement.

Enregistré en 1992 il provient du croisement Yabukita x Sai-27F1-73 (Sayama-midori x graine de Yingzhi-hongxin). On note Yingzhi-hongxin, ancien cultivar taiwanais comme ancêtre. 

Les cultivars du thé de Sayama
 C'est un cultivar qui donne des sencha riches et élégants comme celui-ci.

Sainomidori

En voilà un qui, bien que relativement récent, ne s’est vraiment pas répandu. Je n’ai eu l’occasion, qu’une seule fois d’en déguster un, et c’était avant même de devenir Instructor, en 2008 me semble-t-il. Je ne connais aucun producteur, même indirectement, l’utilisant.

Pas d’infos donc, autre que son origine, sélection à partir d’une graine de Sayama-kaori, enregistrement en 2003.

Yume-wakaba

C’est l’une des stars parmi les cultivars de Saitama. Et pour cause, doux, élégant, peu astringent, riche en umami, avec des arômes vanillés. En fait c’est surtout avec un processus de flétrissement que cet excellent cultivar se fait remarquer, développant de superbes parfums fruités d’abricot et de fleurs sucrées type osmanthus odorant, des nuances lactées également.

Il est le fruit du croisement Yabukita x Saitama#9 et fut enregistré en 2006.

J’en propose un très beau futsumushirécolte manuelle.

Oku-haruka

Après le gros hit de Yume-wakaba. Oku-haruka a beaucoup fait parler en raison de son fort taux de coumarine, cette molécule à l’origine du parfum de feuille de cerisier saumurée (caractéristique de la pâtisserie sakura-mochi) qui fait le succès d’un célèbre cultivar de Shizuoka, Shizu-7132. Néanmoins, les arômes sont une science décidemment bien complexe, et le parfum de Oku-haruka n’est que difficilement comparable à celui de Shizu-7132. Pourtant, cela n’enlève rien à la qualité de Oku-haruka, il est en effet très doux en bouche, et très aromatique aussi. Ses arômes sont frais, floraux, et beurré. Encore un fois, le flétrissement semble être un allié de poids à ce cultivar.

Issu du croisement Saitama#20 (Sayama-midori x Yamato-midori) x Saitama#7, l’enregistrement date de 2013.

Celui que je propose est flétri, avec un étuvage fukamushi mais pas trop fort non plus. A l’instar de Shizu-7132 entre autres, voici une variété dont les arômes semblent s’affirmer avec un peu d’oxydation, c’est à dire d’une part quelque temps après l’ouverture du sachet, mais aussi dans de cas de l’infusion elle-même, après un contact important avec l’air (vous pouvez par exemple verser de haut pour augmenter ce contact).

Sayama-akari

Voici le petit dernier, enregistré en 2018.

Alors qu’avec des Fukumidori, Yume-wakaba ou encore Oku-haruka on avait des cultivars aromatiques, caractéristiques, il semble bien que Sayama-akari soit avant tout un cultivar orienté vers l’aspect pratique et productif du point de vue des producteurs. Il se veut comme un remplaçant de Sayama-kaori, peut être un nouveau standard à Saitama. En effet, il conserve et surpasse une des principales qualités de Sayama-kaori, une forte productivité, tout en gommant son défaut principal, sa couleur sombre. Ici point de parfum très typé non-plus.

Il n’y a encore aucun recul, et il est difficile de dire ce qu’il a vraiment dans le ventre.

Le croisement est Sai60F1-148 x Sayama-kaori.

Pour conclure, on peut dire que le département de Saitama et son thé de Sayama peut s’enorgueillir d’un potentiel en cultivars très riches grâce à leur grande diversité aromatique. Je pense que c’est quelque chose qui devra être mieux exploiter et mis en avant dans le futur, pour faire mieux connaître ce thé, parfois difficile à trouver à Tokyô même, mais aussi à changer son image de fukamushi astringent avec une forte torréfaction.

Aussi, si on a l’impression de cultivars orientés vers le flétrissement, cela n’est en rien quelque chose qui fut recherché par les développeurs, mais simplement une série d’heureux résultats.

(les dates d’enregistrement que je donne sont celles du nom de cultivar, l’enregistrement selon la loi des variétés végétales survient en générale 2-3 ans plus tard.


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