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Les « invariances » de Jean-François Kahn face au "Changement", à la "Rupture", à la "Réforme"

Publié le 30 juillet 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

Par Monique CHARLES

Idées : Les « invariances » de Jean-François Kahn face au

NON !  Non au   CREDO QUIA ABSURDUM...

Car il y a de l'absurde ! Absurdes, en effet, les concepts au singulier et en majuscules. Concepts boursouflés, proférés comme des vérités massives et dynamiques. « Autant d'aberrations », (p. 7) soutenues par l'illusion simplificatrice d'une création possible ex nihilo, ou par le fantasme figé de changements radicaux sous l'impulsion de brutales et spectaculaires césures,  de ruptures oblitérant le passé. Tels sont justement les concepts brandis à voix forte et médiatique : le Changement, la Rupture, la Réforme...

Le changement ? « Comment on y va... », Jean-François Kahn[1] entend nous le faire entendre d'abord en nous conviant à changer notre manière de penser et d'examiner le monde par oppositions tranchées et binaires, voire par « exaspérations des antagonismes ». (p. 37),  seulement lancés en l'air, sans aucun enracinement possible dans le réel politique, social, économique.

Cela dit, J.F. Kahn nous livre plus qu'une théorie du changement. Il nous met véritablement en présence de l'histoire des changements qui se sont opérés et s'opèrent encore dans le monde sans qu'il y ait eu « ‘rupture' ni même ‘saut qualitatif' » (p. 37). Le changement se fait - il le titre - par « recomposition des invariances ».

Qu'est-ce à dire ?

C'est dire qu'au commencement de tout, il y a la structure. C'est dire qu'il s'agit de mettre fin  à nos manières de penser par dualismes ostentatoires - certes commodes pour l'expression oratoire -  mais ‘attentatoires' à la compréhension de la pluralité, de la diversité de ce qui arrive et nous arrive dans le monde. Citons en bref et avec lui : hasard et nécessité, déterminisme et liberté, culture et nature, inné et acquis, animalité et rationalité, raison et sensation...

Et J.F. Kahn ne fait pas que le dire ! Il démontre par une étude  fouillée - et, à vrai dire, colossale d'érudition historique, scientifique et philosophique - ainsi que par des événements pris sur le vif dans ces secteurs de connaissances et de réalités, combien sa théorie rend toute théorie de la rupture « impossible ». (pp. 47, 61)

 Pour J.F. Kahn,  « le ‘changement' n'est viable que si un ordre préexistant est susceptible de le réceptionner, de le porter et de l'organiser ». (p.49)

Cela ne revient pas à dire que cette structure, déjà là nécessairement, ne peut pas évoluer. Par exemple, la structure de propriété qui d'aristocratique s'est démocratisée et est devenue essentiellement bourgeoise « n'en est pas moins restée invariante en tant que structure de propriété ». (p. 51) 

Ni Dieu ni hasard. Pas de « direction vers », de finalité préétablie, de mouvement de l'Histoire, ». (p. 51) mais pas davantage de devenir ‘joué aux dés'. Plutôt une sorte de « tendance à », d'évolution s'opérant par la « recomposition » de structures invariantes qui non réadaptées resteraient en plan ou périraient. « L'homme est advenu mais les primates sont toujours là ! » (p.56) Et qui niera qu'aujourd'hui encore certaines formes de tribalisme, de féodalisme, d'esclavagisme ne font pas retour lors et après des révolutions éclatantes ?

Ainsi « tout change parce que rien ne change ».

Le changement « n'est possible que grâce au constant relookage de ce qui ne change pas ». Mais conséquemment toute structure invariante pour perdurer doit « continuellement s'adapter en se réaménageant ou en se recomposant». (p. 68)

Conclusion : « ‘Du passé faisons table rase !' Stupidité fondée sur une impossibilité absolue ». (p. 93) De même est frappé de non-sens absolu le discours réactionnaire et son rappel à un mythique âge d'or scellant dans le déclin ou la décadence tout ce qui n'est pas « ‘d'avant' ».

Révolutionnaire J. F. Kahn ? En un sens, oui. Révolutionnaire, mais pas destructeur. Révolutionnaire mû par le ferme vouloir de recomposer « la structure sociale autour d'un nouveau centre, en l'occurrence, l'homme, là où l'on a centralisé l'Etat ou l'argent ». (p. 31)

Dans ce livre, J.F. Kahn  nous offre une véritable analyse politique critique digne d'une philosophie ‘au marteau' nietzschéenne. Une philosophie propre à réveiller les citoyens morts. Il déterre impitoyablement les mensonges collectifs qui nourrissent la politique en général et ses accompagnements substitutifs culturels que sont les idéologies, les éthiques, les religions... et même les sciences physiques et humaines prises en otages comme « plumages ».

Et l'homme dans tout ça ? (p.77)

Il faut saluer J.F. Kahn pour sa constance, au sein d'un critique virulente, à maintenir, coûte que coûte, la valeur de l'homme au monde. Il faut le saluer pour sa pugnacité à vouloir, contre tous les airs du temps de l'intelligentzia, mettre au monde un nouveau monde où l'homme ne serait pas absent en sa qualité d'homme. L'homme : ‘loup pour l'homme' ? Et alors ? Cela le distingue quand même de l'animalité ! Instaurer la guerre, c'est aussi pouvoir décider de la paix. 

Où est l'homme ? Où va l'homme ? Voilà la question guerrière inlassable que J. F. Kahn lance contre qui consent à la destitution de l'homme comme sujet libre, quoique déterminé, contre qui nie ou atténue l'homme comme acteur-auteur responsable de l'avenir de l'humanité. Considérer le déterminisme que met en place toute structure, ce n'est pas en finir avec l'homme-sujet. Pour cet homme là, les jeux du monde, de son monde, ne sont pas déjà faits sans lui, mais à faire encore et toujours avec sa participation. Et ce, en connaissance des causes. Au sein d'une liberté qui ne se crie pas ‘Vive !' parce que dans l'ignorance des causes qui nous font agir. J. F. Kahn parie à tout crin pour une liberté déterminée, déterminante.

Pour « une détermination devenue liberté ». (p. 367)

Ce livre n'est pas sans nous rappeler un livre récent : L'EUROPE... cette emmerdeuse... d'un autre journaliste-essayiste de talent, Daniel Riot. Vers quelle Europe va-t-on ? Comment y va-t-on ? Un souffle d'action citoyenne éclairée - non pas illuminée ! - et qui ne désespère pas humainement et philosophiquement de l'homme en l'homme - s'y développe également et résolument.

Oui, Jean-François Kahn et Daniel Riot cherchent - et avec quelle vigueur ! - à porter l'homme vers le haut. Non pas vers une transcendance illimitée et mégalo. Simplement vers le plus haut de lui-même possible.

Merci à eux de vouloir nous laisser de l'avenir. D'homme à homme. Un avenir qui ne soit pas seulement une illusion !    

Monique CHARLES 

philosophe et essayiste  

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1) Où va-t-on ? Comment on y va... : Théorie du changement par recomposition des invariances, par Jean-François KAHN, Fayard"


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LES COMMENTAIRES (1)

Par natcget
posté le 28 octobre à 13:19
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bonjour Monsieur, Je suis une incoditionelle de vos écris et apparitions à la Tv. je travaille à la CGT depuis 4 ans et si vous le souhaitez j'aimerais vous expliquez 2 ou 3 choses concernant son focntionnement. je ne suis pas contre eux mais contre une certaine fédération dans laquelle je travaille et qui est connue pour être "spéciale" si le mot convient...! je tape tous les jours des demandes de SMIC à 1 600 € et moi même je n'y suis pas si mon témoignage vous intéresse contactez moi et se sera avec grand plaisir de vous communiquez certaines déviances de cette fédération importante s'il en est ! Déjà si vous lisez ce message se sera bien car je sais que cela doit etre certainement lu avant vous mais peu m'importe je souhaiterais juste vous donner quelques infos peut être que cela pourrait faire avancer les choses mais sans grande conviction toutefois il est possible de rêver et d'y croire encore. Je vous regarde souvent et je vous trouve formidable surtout continuez et je me retrouve dans vos opinions politiques. N.ROBERGE