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La non-dualité en France au XVIe siècle

Publié le 27 février 2021 par Anargala
La non-dualité en France au XVIe siècle

Extrait de l'Histoire du panthéisme, p. 134 :

Les Libertins Spirituels (picards, vers 1545) "tiennent qu'il n'y a qu'un seul esprit de Dieu qui soit et vive en toutes créatures. Par ce moyen ils anéantissent tant des âmes humaines que des autres angéliques : ils feignent que les anges ne sont qu'inspirations ou mouvements et non pas créatures ayant essence. Suivant eux il n'y a qu'un seul esprit qui est partout. Au lieu de nos âmes il disent que c'est Dieu qui vit en nous, qui donne vigueur à nos corps, qui nous soutient et fait en nous toutes les actions appartenantes à la vie. Les âmes des hommes ne sont que l'esprit universel de Dieu qui besogne en tous, lequel ils appellent 'l'Esprit de Dieu qui ne peut mal faire'." La personnalité humaine "n'est qu'une fumée qui passe et non pas chose permanente". Cet esprit unique est le principe de toute activité et de tout mouvement. "C'est un seul esprit qui fait tout. Tout ce qui se fait au monde doit être réputé directement son œuvre. Et ce faisant ils n'attribuent à l'homme nulle volonté non plus que s'il était une pierre, et ôtant toute distinction du bien et du mal, parce que rien ne peut être mal fait, à leur intention, en tant que Dieu en est auteur." Calvin raconte qu'ils ne craignaient pas de faire un indigne abus abus de ce principe dans les circonstances de la vie journalière : "Cette grosse touasse de Quintin [un maître libertin spirituel] se trouva une fois en une rue où on avait tué un homme. Il y avait là d'aventure un fidèle qui disait "Hélas, qui a fait ce méchant acte ?" Incontinent, Quintin répondit en picard : "Puisque tu le veux savoir, c'était moi". L'autre, comme tout étonné, lui dit : "Comment seriez-vous bien si lâche ?" A quoi il répliqua : "Je ne suis pas moi : c'est Dieu !" - Comment, dit l'autre : Faut-il imputer à Dieu les crimes qu'il commande être punis ? Adonc ce pouacre dégorge plus fort son venin, disant : "Oui, c'est toi, c'est moi, c'est Dieu. Car ce que moi ou toi faisons, c'est Dieu qui le fait. Et ce que Dieu fait, nous le faisons, parce qu'il est en nous." De la même façon ils se moquaient des malheurs d'autrui. Mais toute sagesse les abandonnait quand le malheur les frappait eux-mêmes : "Si quelqu'un a enduré ou mal en sa personne, ou dommage en ses biens, ils en rient et disent que tout cela n'est que bon, et que nous plaindre de celui qui l'a fait, ce serait contester contre Dieu. Mais si on leur attouche seulement le petit doigt, ils oublient toutes ces belles raisons et se débordent plus en colère que nuls autres". La conclusion en est : "Puisque Dieu est l'auteur de toutes choses, il ne faut plus discerner entre bien et mal, mais dire que tout est bien fait, moyennant que nous ne fassions scrupule de rien. En Dieu n'habite point de péché. Il fait toutes choses et ce qu'il fait est tout bon.". Croire au mal est donc la plus grande erreur de l'esprit humain. Sur ce point "la science de l'homme est folie devant Dieu".


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