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Racines – Alex Haley

Publié le 08 février 2021 par The Cosmic Sam @thecosmicsam

« Racines » est un roman qui est paru en août 1976 et qui a obtenu le prestigieux prix Pulitzer en 1977.

J’avoue que je n’en avais jamais entendu parler avant cet été durant lequel un de mes amis m’a recommandé ce titre culte et ses adaptations télévisées datées de 1977 et de 2016 (la première est d’ailleurs l’un des plus gros succès US jamais enregistré avec plus de 100 millions de téléspectateurs américains, une grande première pour une histoire abordant l’infamie de l’esclavage et mettant à l’honneur des acteurs afro-américains).

C’est suite aux évènements de mai 2020 (mort de George Floyd et revendications du mouvement « Black lives matter » un peu partout dans le monde) qu’une nouvelle édition de « Racines » a été mise en avant. Il était grand temps que je découvre cette œuvre qui a eu une véritable influence sur la culture populaire afro-américaine.

Le livre : « Racines »

Racines – Alex Haley

Crédit photo : L&T

L’auteur : Alex Haley est un écrivain afro-américain. Il obtient l’équivalent du bac à l’âge de 15 ans. Il suit les cours à l’Université puis, en 1939, s’enrôle dans la garde côtière des États-Unis en tant que messboy. C’est pendant cette période qu’il commence à écrire des nouvelles. À la fin de la Seconde Guerre mondiale il est transféré à sa demande dans le service journalisme de la garde côtière. Il y reste jusqu’à sa retraite en 1959, à la suite de laquelle il entame sa carrière d’écrivain. Il collabore avec plusieurs magazines, dont Playboy, au sein duquel il a inauguré la rubrique « Playboy interview ». Ses entretiens perspicaces et détaillés sont remarqués. Une des plus célèbres interviews d’Alex Haley est celle de Malcom X. Plus tard, Haley rédigea anonymement l’ »Autobiographie de Malcom X », publiée en 1965, et fondée sur des interviews effectuées peu avant la mort de Malcom X. Parallèlement, dès 1964, les histoires familiales qu’Alex Haley avaient entendues dans sa jeunesse le poussent à étudier son ascendance maternelle, d’origine africaine. Douze ans après le début de ses recherches, Alex Haley publie « Racines » (« Roots: The Saga of an American Family« ). Pour ce livre, Alex Haley remporte le National Book Award 1976, le prix Pulitzer, ainsi que la médaille Spingarn de l’Association Nationale pour l’amélioration des conditions des gens de couleur. Le livre s’est vendu à plus de 1,6 million d’exemplaires dans les six premiers mois qui suivirent sa publication. Il a été traduit en 37 langues. Une mini-série télévisé « Racines » (1977) a été tiré de son livre ainsi qu’un remake diffusé sur la chaîne History en 2016.

Le résumé : « Sous la lune et les étoiles, seul avec son fils, Omoro procéda au dernier rite de l’imposition du nom. Il marcha jusqu’aux confins du village, et là, élevant le petit en lui tournant le visage vers le ciel, il murmura tout doucement :  » Regarde, cela seul est plus grand que toi « . Alors qu’il ramassait du bois pour en faire un tambour, le fier Kinté, fils d’Omoro, est capturé par des toubabs qui l’envoient récolter le coton de l’autre côté de l’Océan, en Virginie. Le destin de sa race est scellé : ses descendants seront esclaves de père en fils, humiliés, battus, vendus au plus offrant, séparés de ceux qu’ils aiment. En faisant revivre son aïeul et sa lignée sur sept générations, l’auteur retrace l’histoire terrible, déchirante et véridique de ses ancêtres africains. Une immense saga ».

Mon avis : J’ai débuté ce livre sans réellement savoir à quoi m’attendre, mis à part le fait qu’il s’agissait d’une histoire abordant le sujet difficile de l’esclavage. Ce n’est, ainsi, que tardivement au cours de ma lecture que j’ai réalisé qu’il s’agissait de l’histoire familiale de l’auteur, Alex Haley, lequel est remonté à ses racines, six générations plus tôt.

Ce livre-fleuve est donc divisé en plusieurs parties dont la première débute à Djouffouré en Gambie. Là, on y découvre l’enfance et l’adolescence de Kunta Kinté, l’ainé d’une famille de quatre enfants. La vie y est douce et simple pour Kunta, petit garçon intrépide qui rêve d’être un homme valeureux comme son père, Omoro, qu’il aime et respecte tant. Le village de Djouffouré est riche de ses traditions et de ses croyances. L’enfance de Kunta y est bercé par les histoires de grand-mère Yaïssa et de Nyo Boto (la doyenne du village), par le chant du tambour et par les pluies libératrices qui annoncent la saison des récoltes.

Au fil des descriptions de l’auteur on imagine sans mal les pirogues des femmes de Djouffouré se rendre chaque matin dans les rizières en naviguant langoureusement sur le Kambi Bolongo peuplé de sa faune exubérante. Le contraste en est d’autant plus rude lorsque, brusquement, Kunta est arraché aux siens pour être vendu aux « Toubabs« , les Blancs.

De l’horrible traversée enchaîné à bord du bateau négrier à sa vie sur les plantations au sein desquelles il est successivement vendu, on suit son parcours avec révolte et émotion. De Kunta à Alex Haley, le chemin est long et les embuches nombreuses.

C’est incontestablement la partie consacrée à Kunta qui est la plus fournie. Logique quand on sait qu’il s’agit de l’Ancêtre par lequel tout a commencé. Le titre du livre est d’ailleurs très bien choisi, faisant – selon moi – référence à l’arbre généalogique d’Alex Haley, mais aussi à l’arbre sacré d’Afrique : le séculaire baobab dans le tronc duquel les griots (ces porteurs de la mémoire des clans africains) sont enterrés.

Tandis qu’avec Kunta, la fierté d’être un homme noir portant ses propres croyances et traditions est prégnante, cette glorieuse flamme se tarit avec le temps. De génération en génération, les membres de la famille – n’ayant jamais connu la liberté – sont réduits à leur condition d’esclave. On assiste également à une perte de mémoire sur cette Afrique et cet ancêtre commun, dont le nom finira même par être déformé. C’est Alex Haley qui se charge de combler les vides grâce à cet ouvrage.

On ne va pas se le cacher, certains passages sont extrêmement éprouvants (les conditions de survie dans la cale du bateau à destination des Etats-Unis m’ont tout particulièrement traumatisée).

S’il met nos nerfs à rude épreuve, « Racines » n’en est pas moins nécessaire. Nécessaire pour se souvenir de la cruauté de l’espèce humaine. Nécessaire pour s’interroger sur le racisme sous toutes ses formes (même les plus insidieuses). Et nécessaire pour comprendre la quête d’identité à laquelle sont soumises les populations noires et métissées des Antilles et d’Amérique.

Evidemment, on déteste tous ces maîtres et maîtresses, ces petits propriétaires, régisseurs, shérifs et ce système qui profite sans vergogne du commerce triangulaire tout en souhaitant s’en laver les mains. Cependant, tout n’est pas si clair, et on se pose parfois, également, quelques questions sur les personnages que l’on apprécie davantage.

Le style adopté par l’auteur sert assez bien le récit :

  • on alterne brusquement d’une personne à l’autre (à la façon dont les membres d’une même famille sont soudainement séparés au bon vouloir des maîtres) ;
  • une scène pastorale est suivie d’une autre d’une terrible violence physique et psychologique ;
  • les répétitions font échos aux inlassables tâches des esclaves dont les seuls plaisirs sont la messe dominicale et les bribes d’actualité chipées à travers les portes closes des grandes maisons.

Comme je vous le disais « Racines » est nécessaire mais pas parfait. Je peux ainsi déplorer de nombreuses longueurs au cours de ce livre de près de 800 pages tout de même. On est parfois confrontés à la vie quotidienne des personnages dans ses moindres détails et, soudainement, face à une ellipse temporelle de trois à cinq ans.

Autre point plus ou moins négatif : les bribes d’informations historiques qui sont disséminées dans le livre sans, pour autant, être approfondies. Ces dernières permettent à un lectorat non-américain d’appréhender grossièrement les évènements qui mènent à la Guerre de Sécession. J’aurais, toutefois, apprécié ne serait-ce qu’une frise chronologique ou quelques notes à la fin du livre.

Alex Haley présente un travail titanesque : il aurait passé de nombreuses années cloîtré dans des bibliothèques aux Etats-Unis, en Angleterre, puis en Afrique pour retrouver la trace de son ancêtre et être en mesure de retisser le lien. Travail qui, je me dois cependant de le rappeler, a été entaché par des passages plagiés sur l’oeuvre de l’auteur Harold Courlander. Je n’en ai appris l’ampleur qu’à la fin de ma lecture ce qui me laisse nécessairement un goût amer. Ceci étant dit, je dois reconnaître avoir été émue aux larmes par la fin du livre et je peux facilement comprendre l’impact de cette œuvre littéraire sur plusieurs générations. Elle m’a, moi-même, donné envie de reconstituer mon arbre généalogique et de découvrir le passé de mes ancêtres, possiblement esclaves dans les plantations de cannes à sucre en Martinique.

Je vous reparlerai probablement de ce livre et de son retentissement culturel car, si vous me suivez dans le cadre de ma Newsletter mensuelle, vous avez peut-être retenu que je me lance dans un projet de Podcast avec l’ami qui m’a justement fait découvrir ce livre. « Racines » sera donc abordé dans notre premier épisode. Je vous donne rendez-vous prochainement sur le sujet…

En bref : un livre puissant et bouleversant sur l’inhumanité de l’esclavage et l’identité noire américaine d’aujourd’hui. Je suis nécessairement très déçue d’apprendre que divers passages ont été plagiés sur « The African » d’Harold Courlander (titre que je rajoute, en conséquence, à ma PAL). Toutefois, « Racines » relate une histoire dans l’Histoire qui est nécessaire, surtout quand on suit l’actualité mondiale. 

Vous connaissiez cet ouvrage ? Vous êtes tentés par l’idée de le découvrir ?


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