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L’avis de la Mort

Publié le 03 septembre 2020 par Morduedetheatre @_MDT_
L’avis de la Mort

Critique du Laboureur de Bohème, de Johannes von Tepl, vu le 2 septembre 2020 au Théâtre de Poche-Montparnasse
Avec Marcel Bozonnet et Logann Antuofermo, dans une mise en scène de Marcel Bozonnet et Pauline Devinat

Évidemment, ça fait quelque chose. Retourner au théâtre après 6 mois d’absence, ça ne se fait pas sans une certaine émotion. Et encore moins lorsqu’on sait que c’est pour une rencontre avec la mort. Il y a des gens qui sont très à l’aise avec la mort, d’autres qui n’y pensent jamais, certains qui croient que ça n’arrive qu’aux autres… Moi, j’y pense quasi-quotidiennement. Je vis avec ma finitude comme un fardeau. Alors je dois avouer que j’avais quand même bien envie d’entendre ce qu’avait à dire le Seigneur des Morts pour défendre ses actes. Et j’ai été plutôt conquise.

Ce texte est une dispute, au sens premier du terme, c’est-à-dire une discussion où l’un des personnages soutiendra un point de vue, par exemple la nécessité de la finitude de l’homme, et son interlocuteur le point de vue opposé. C’est tout particulièrement cette première partie autour de la question de la mort comme faisant partie intégrante de la vie qui m’a intéressée. Le Seigneur des Morts y est particulièrement brillant, démontrant aisément qu’il est vain de pleurer des mortels et que rien n’est plus juste que la manière dont il agit, ne jugeant ni l’origine ni la bonté ni la richesse de celui qui est choisi.

La joute oratoire est passionnante, prenant parfois des accents stoïciens, et faisant la part belle au Seigneur des Morts qui enchaîne de belles punchlines à base de « Dès qu’un homme naît, il est assez vieux pour mourir » ou encore « Stupide est celui qui pleure ainsi les mortels ». Impossible de ne pas faire le parallèle avec la situation actuelle qui nous ramène cruellement à notre situation de mortel alors même qu’aujourd’hui tout autour de nous est fait pour nous faire oublier notre finitude.

C’est plutôt chouette d’avoir le sourire aux lèvres – enfin surtout aux yeux puisque le reste du visage est masqué – devant des sujets qui nous terrifient. Mais, il n’y a pas à dire, le Seigneur des Morts tel que le compose Marcel Bozonnet a quand même quelque chose de génial. Il a le truc pour incarner ces êtres sublunaires, parfois clownesques, avec quelque chose d’un pantin, qui n’est ni un esprit ni un homme : indéfinissable. Malin et parfois sérieux, cynique, joueur, il explose de couleurs dans un monologue savoureux où durant lequel il nous régale. Il laisse alors libre court à cette diction déclamante qui lui va si bien sans tomber dans une grandiloquence inutile : il y est délicieux. A ses côtés, Logann Antuofermo met un peu plus de temps à rentrer dans son personnage, un peu mécanique dans sa plainte qui ouvre la pièce, mais il se reprend vite et finalement défend les mortels, et surtout les mortels amoureux, avec beaucoup d’ardeur. Leur duo fonctionne très bien, leur complémentarité étant confortée par certains détails scéniques, comme ce décor yin et yang simple et efficace.

Un chouette rendez-vous avec la Mort.

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