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Drame de Mayerling : le transport éhonté du corps de Mary Vetsera

Publié le 05 août 2020 par Luc-Henri Roger @munichandco

Drame de Mayerling : le transport éhonté du corps de Mary Vetsera

Un journal américain, le Richmond times-dispatch du 19 septembre 1915, consacrait une page à la mort de Mary Vetsera, la femme " qui coûta à l'empereur d'Autriche son fils unique " ( who cost Austria's Emperor his only son). L'article présente quatre dessins représentant Mary Vestera, dont ce terrible dessin représentant le transport de son corps vers le couvent de Heiligenkreuz, avec l'obligation qui avait été faite de simuler une Mary encore en vie. Tragique destin, horreur sans nom !

Le terrible récit est bien connu, car il a été maintes fois répété. Voici la version qu'en donna Claude Anet en 1929 dans les dernières pages de son célèbre Mayerling :

" [...] La présence de Mme Vetsera aux obsèques [de sa fille] qui devaient avoir lieu de nuit et en secret était formellement interdite. Les instructions inflexibles de la Hofburg défendaient au comte [Stockau] d'apporter un cercueil et un suaire. Il ne pouvait se rendre de Mayerling à Heiligenkreuz que dans une voiture ordinaire qui l'amènerait de Vienne. Aucun prêtre ne l'accompagnerait. Il trouverait cercueil et linceul à la maison des morts au cimetière d'Heiligenkreuz. Un haut commissaire de police l'y attendrait.

La cruauté gratuite de tels ordres accabla Mme Vetsera. Aurait-elle supporté la fatigue et l'horreur d'un tel voyage ? Elle donna les pouvoirs demandés au comte Stockau qui partit en voiture avec son beau-frère, le baron Alexandre Bahazzi.

Il faisait nuit depuis longtemps quand ils arrivèrent au château. Ils sonnèrent à la porte, mais personne ne répondit. Après une attente de plus d'une demi-heure, une autre voiture arriva de Vienne. Le conseiller aulique Slatin représentant du grand-maréchal de la cour et un médecin de l'empereur, le professeur Auchenthaler en descendirent. Ils surent se faire ouvrir.

Ils brisèrent les scellés posés sur la porte de la chambre où était le cadavre de Marie.

Quel spectacle les attendait !

Marie presque nue gisait sur un lit. Dès la veille au matin on l'avait hâtivement transportée là et l'on avait jeté en désordre sur elle un amas de vêtements qui la cachaient. On n'avait pris aucun soin pieux de la morte elle avait encore les yeux ouverts on n'avait pas essuyé le flot de sang qui avait jailli de sa bouche. Elle était étendue, raidie par la mort, la tête tournée personne ne priait à son chevet.

Un constat de suicide fut dressé, bien qu'il fût évident à la trace de la balle entrée derrière l'oreille gauche qu'elle avait été tuée. Les oncles de Marie furent contraints de le signer, sinon l'enterrement ne pouvait avoir lieu, une enquête serait inévitable et un plus grand scandale s'en suivrait.

Le docteur Auchenthaler et un serviteur firent enfin la toilette mortuaire. Détail affreux, il fallut habiller ce cadavre rigide et lui mettre la toilette de ville dans laquelle Marie, joyeuse, était arrivée à Mayerling. Lorsqu'elle fut prête, et coiffée, et chapeautée, ses oncles la prirent chacun sous un bras et, entre eux, elle descendit l'escalier dans la nuit, comme si elle était vivante. La Hofburg, stupide et cruelle, ne voulait pas qu'il y eût à Mayerling un cadavre à côté de celui du prince impérial (1).

Les deux hommes installèrent Marie entre eux dans le landau qui partit par la route de la montagne pour Heiligenkreuz, distant de six kilomètres. À cause des ornières, le cadavre oscillait aux cahots, tombant tantôt à gauche, tantôt à droite, d'une seule pièce.

La voiture fut retardée par le temps qui était détestable. Il y avait du verglas, il fallut referrer les chevaux qui glissaient. Avant l'arrivée à Heiligenkreuz un haut commissaire de police, le baron Gorupp, arrêta l'équipage, monta à côté du cocher et lui donna l'ordre de se rendre directement au cimetière qui se trouve au bout d'une allée bordée d'arbres à quelque distance de la route (2).

A minuit seulement, le corps amené à la petite maison des morts fut enveloppé d'un linceul et mis dans un cercueil hâtivement fait par le menuisier du couvent. Une partie de la nuit fut occupée par la signature et l'enregistrement des pièces officielles. La pluie, le brouillard, le verglas, gênèrent le travail des fossoyeurs. Il fallut qu'au matin, les oncles de Marie et les deux commissaires de police aidassent eux-mêmes à la mise en terre. Le prieur du couvent y assistait, prononça une prière sur la tombe et donna sa bénédiction. Beaucoup plus tard, la baronne Vetsera eut l'autorisation de ramener le corps de sa fille à Vienne. Elle n'en profita pas. Marie fut laissée dans le calme cimetière de campagne où elle avait connu enfin le repos. Mme Vetsera fit ériger une chapelle en souvenir de son enfant. Elle aurait pu graver sur les murs les lignes pieuses de Shakespeare :

Ne troublons pas son fantôme. Laissons-le passer Ce serait lui vouloir du mal que de chercher à le retenir plus longtemps sur la roue de ce monde barbare.

(1) Six mois plus tard, la baronne Vetsera demanda par un placet à l'empereur la permission de publier pour quelques amis seulement les documents dont je me suis servi ici et qui mettent dans sa véritable lumière la figure de Marie et montrent quelle fut sa mort.

La réponse de l'empereur remise à Mme Vetsera le 19 juillet 1889, rédigée par l'adjudant général, comte Edouard Paar, laisse voir qu'il regrette tardivement les mesures dictées par lui :

" Si vivement que Sa Majesté déplore les froissements qu'ont pu causer au cœur d'une mère désolée les dispositions prises pour l'ensevelissement de sa malheureuse fille, il faut pourtant tenir compte de l'affolement sans nom qui régnait sur le lieu de la catastrophe, de la rapidité qui s'imposait dans les décisions et de l'urgence des mesures qu'il ait prendre. "

(2) Nous avons le procès-verbal du commissaire de police Habrda relatif à l'ensevelissement de Marie Vetsera. Ce procès-verbal qui figurait dans les papiers du comte Taaffe a été publié dans la Neue Freie Presse, le 11 octobre 1922. Tous les détails macabres du transport du corps de Mayerling à Heiligenkreuz et de l'inhumation y sont relatés. "


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