Magazine Culture

FILDAK : Dernières notes

Par Gangoueus @lareus

Lobe Ndiaye, écrivaine sénégalaise rencontrée dans le cadre de la Fildak
J'aurais aimé publier cette chronique en 2019, mais j'ai pris un peu de retard.

Il y a le off. Il y a le In. Et c’est l’un des grands intérêts d’être présent dans ce genre d’évènement se déroulant en Afrique. Ici à Dakar. Et vous le savez, j’aime vous parler de ces rencontres toujours très enrichissantes avec ces acteurs du monde du livre en Afrique.

La Guinée à la FILDAK

Dans le deuxième volet de mes chroniques littéraires sénégalaises, je vous contais mes échanges avec Marie Thérèse Camara. La Guinée a été l’invitée d’honneur de la FILDAK avec une délégation menée par Sansy Kaba Diakité. Pilote des éditions L’Harmattan Guinée, Sansy a conduit le projet Conakry capitale mondiale du livre ces deux dernières années. Dans les salons littéraires, chaque fois que je tombe sur le personnage, l’homme est toujours affairé, peu accessible. Lors d’un petit déjeuner, j’ai évoqué la question de la visite de la délégation guinéenne au cimetière où repose Camara Laye, le grand écrivain inhumé au Sénégal. Une cinquantaine de personnes s'y sont rendus pour se recueillir. De son point de vue, à l’issue de ce moment très émouvant, en présence de certains de la famille de Laye Camara, la question du rapatriement de la dépouille de l’écrivain en Guinée devrait être abandonnée.
Dans l’après-midi, un temps important a été consacré à la délégation guinéenne à la Foire Internationale du Livre de Dakar. Et j’avoue que j’ai bien aimé une rencontre animée par Sansy Kaba avec le directeur de la SODAV (Société Sénégalaise des Droits d'auteur et des Droits Voisins) sur les questions juridiques autour du livre dans toutes ses formes. Il faut dire que l’intervenant connaissait le droit et ses applications [Une petite sur leur site web vous donnera un aperçu du sérieux de leur démarche] Il a éclairci l’assemblée sur de nombreuses questions touchant aux contrats d’édition, aux droits d’auteur ou encore à l’édition numérique. J’ai bien aimé la question sur les contrats très particuliers de L’Harmattan et qui faisait suite à une question d’une écrivaine qui se demandait comment être éditée à peu de frais. Je ne m’attarderai pas sur les réponses elliptiques de l'animateur. Je trouve important de signaler que la présence guinéenne à cette foire du livre a été significative par la présence d’auteurs guinéens, des interventions remarquées de slameurs lors des cérémonies de remise des prix Aminata Sow Fall et Alioune Diop ou encore par l’organisation d’une soirée spéciale dédiée à la littérature de ce pays.

Les rencontres avec des auteurs

Par l’entremise de Khalil Diallo, de Mamadou Samb ou d’Andrée-Marie Diagne Bonané, j’ai pu faire de très belles rencontres que chaque fois, j’ai essayé de capter. Vous pourrez retrouver la plupart de ces contenus audio sur mon soundcloud. Prenons Khalil Diallo dont on a beaucoup parlé cette année. Avenant, il m’a accueilli dans cet espace où il nageait comme un poisson dans l’eau. J'ai trouvé intéressant que ce jeune et talentueux auteur puisse venir avec sa famille. Ce point ne cessera de revenir quand j’entendrai au fil des échanges les plaintes de certains interlocuteurs sur le peu d’affluence au C.I.C.E.S. On y reviendra. Tout le monde doit jouer sa partition, les écrivains les premiers. C'est un acte de foi en leur travail d'écriture. Avec Khalil Diallo, je suis revenu sur son premier roman, je l'ai questionné sur l’origine du projet, sa réception au Sénégal, les influences nombreuses qu’on peut retrouver dans ce texte. Un peu comme avec Mohamed Mbougar Sarr, on retrouve dans ses réponses l’éloquence de l’écrivain mais surtout la maturité du grand lecteur. Il m’a d’ailleurs montré une chose dont il ne sera pas gêné que je partage ici. Sur son smartphone, je pouvais découvrir une infime partie de sa bibliothèque numérique. E-lecteur, Khalil lit Pamuk sur son téléphone. Oui, on peut lire de très grands livres sur un téléphone intelligent. 
Prenons Sokhna Benga. C’est un privilège de rencontrer cette grande romancière sénégalaise qui sort très peu de son pays. Je découvre une femme passionnante, passionnée de littérature, haut fonctionnaire dans le domaine du transport maritime, auteure de 24 livres publiés à ce jour. C’est Aïsha Dème qui m’a fait découvrir cette écrivaine par le biais du roman La balade du Sabador (Ed. NEAS). A propos de son travail d’écriture et de son contexte de production, elle nous dit : «  chaque année, je prends deux périodes où je m’isole complètement pour écrire ». «  J’adore Ken Bugul. Je trouve que Ken Bugul nous a donnés la force de pouvoir écrire sur tout, de hurler ». Nous avons parler de deux de ses romans Bris d’ombre (Ed. L’Harmattan Sénégal) et L’or de NinkiNanka (Ed. Teham). Vous pouvez écouter les deux podcasts suivants :https://soundcloud.com/lareus-gangoueus/fildak-les-podcasts-de-7https://soundcloud.com/lareus-gangoueus/fildak-les-podcasts-de-6
Abordons Hamidou Anne. Ancien responsable des tribunes à L’Afrique des Idées et chroniqueur au Monde Afrique, ce jeune haut fonctionnaire sénégalais travaille sur une thèse doctorale du côté de Saint Louis à l’université Gaston Berger. Rencontré au stand de Présence Africaine, il nous parle de son essai Panser l’Afrique qui vient (chronique à venir). https://soundcloud.com/lareus-gangoueus/fildak-les-podcasts-de
La place aux poètes. Amadou Lamine Ba en est un. Il administre les éditions Feux de brousse. Editeur et poète, c’est possible. Je connais cette maison d’édition qui a publié l’écrivain Pape Samba Kane et la poésie d'Amadou Lamine Sall. On parle de sa poésie et de son regard sur la Foire Internationale du livre de Dakar et du matériel didactique. Amadou Lamine Ba est quelqu’un de très humble. Il déclame des poèmes de son recueil Murmure de la mémoirehttps://soundcloud.com/lareus-gangoueus/les-podcasts-de-gangoueus-au-1

Les acteurs du livre. 

Moustapha Ndene Ndiaye est romancier et éditeur. Il dirige les éditions Fama depuis la ville de Thiès. En « province ». Thiès est la troisième du Sénégal si on exclut Pikine et Guediawaye qui sont des communes limitrophes de Dakar. Il anime depuis quelques années la Foire du livre qui se tient une année sur deux à Thiès. Il se définit comme un éditeur de province. Moustapha Ndéné Ndiaye est un écrivain qui se spécialise dans le roman historique. Il nous parle de son texte paru l’an dernier Un indigène à Gorée. Il exprime aussi ses réserves sur l’édition numérique.  https://soundcloud.com/lareus-gangoueus/les-podcasts-de-gangoueus-au
Comme il se définit, Marc-André Ledoux est un sénégalais d’origine québécoise. Il a gardé son accent. Il a créé à Dakar voilà près de dix ans les Nouvelles éditions numériques africaines. La première plateforme de numérisation africaine du livre et la première édition exclusivement numérique du continent. Si vous suivez mon blog, vous savez que j’attache un intérêt particulier au travail de cette structure à laquelle Marc-André Ledoux et Lamine Sarr refusent qu’on accorde l’étiquette de start-up, préférant le concept d’entreprise sociale. Les Nouvelles Editions Numériques Africaines comptent une dizaine de salariés. Et cette structure propose aux auteurs et aux éditeurs la mise à disposition des oeuvres en format numérique tout en les connectant à des réseaux d’e-distribution et d’e-diffusion, explosant ainsi les limites de l’édition africaine classique, permettant à des livres édités en Afrique de voyager sur le continent, en Europe, en Amérique et ailleurs. Rendant accessible des oeuvres produites loin du continent à un lectorat des grandes villes africaines. Quelles résistances rencontrent NENA dans ses partenariats avec les éditeurs classiques ? Quelles sont les perspectives de cette plateforme qui disrupte la chaine du livre sur le continent ? Marc-André Ledoux répond à cette question dans mon soundcloud ->https://soundcloud.com/lareus-gangoueus/fildak-les-podcasts-de-5
J’aimerais évoquer également mes échanges Anne-Ly Ngaye, Ndeye Fatou Ndiaye, Seydi Sow, Lobé Ndiaye ou Brahim Madior Thioune. Toutes ces personnes s’expriment avec plus ou moins d’emphase à propos de leur travail d’écriture, sur les thèmes qu’ils abordent ou sur l’intérêt de cette foire du livre à Dakar.

Le bilan sur la FILDAK selon les écrivains et les éditeurs interrogés

C’est le lieu pour aborder l’événement en lui-même. Mes observations personnelles portent sur une affluence relativement faible à cette foire qui ne rêvait pas le caractère populaire d’un salon du livre de Paris ou d’Alger. Plusieurs auteurs se sont plaints du déficit de public. Naturellement, j’ai eu à renvoyer ces intervenants à leur responsabilité en leur demandant s’ils avaient eux-mêmes communiquer sur la FILDAK. L’état sénégalais a eu les moyens de le faire et l’argument portait sur l’absence de communication sur cet événement sur les différents médias main stream ou sur les réseau sociaux. Invité à cette foire, il est vrai que j’ai cherché des informations via les réseaux sociaux ou plus généralement sur le web autour de cette foire avant de venir à Dakar. Que dalle. Aucune page sur Facebook, peu d’articles référencés sur le Net, pas de site internet. Pour un événement qui a connu 17 éditions, c’est assez surprenant de ne pas avoir un embryon de communication classique ou digitale. Surtout que les jeunes sénégalais sont très connectés. Une autre explication donnée par les interlocuteurs est le lieu difficile d’accès depuis que des travaux sont engagés sur l’artère principale (VDN) qui conduit au CICES. Plusieurs pistes ont été proposées :
  • Installer la foire dans des lieux comme l’université ou dans des espaces fréquentés par de potentiels lecteurs 
  • Augmenter les partenariats avec les collèges et lycées. 
Il est important de souligner que plusieurs enseignants sont venus des élèves. La rencontre de lycéens avec la romancière Ken Bugul restera une des très belles images que je retiendrai de cette foire. Quelques exposants m’ont indiqués qu’ils avaient fait très peu de vente avec le public, mais que les connexions avec certaines librairies ont été parfois fructueuses. J'ai aussi regretté la faiblesse des tables rondes de la programmation, en termes d'animation. Le fait de réaliser des rencontres par maison d'édition est peut-être un handicap de mon point de vue.
Mais, je pense que vous avez compris, au travers de ces trois articles que j'ai beaucoup apprécié ce séjour au Sénégal. Le dynamisme de l'écosystème du livre au Sénégal est réel et il offre des possibilités réelles pour le reste du continent africain.  
Ndeye Fatou Ndiaye : La concession (Ed. L'Harmattan Sénégal)https://soundcloud.com/lareus-gangoueus/fildak-la-concession-de-ndeyeNdeye Fatou Ndiaye : Dans les chaines de silence (Ed. L'Harmattan Sénégal)https://soundcloud.com/lareus-gangoueus/fildak-les-podcasts-de-8

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Gangoueus 8178 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines