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Fight for Dignity, le sport socle de la résilience

Publié le 11 mars 2019 par Pascal Boutreau

Il y a parfois des rencontres qui vous donnent envie de relancer ce sacré blog, qui ne vit il est vrai depuis quelques années que par sursauts. La semaine dernière, j'ai eu le plaisir de rencontrer plusieurs personnes "inspirantes". L'occasion est donc belle de redonner un peu de vie à cet "esprit du sport" qui va bien au-delà de la simple compétition. 

Laurence Fischer
Premier volet de cette renaissance "blogistique" dédié à l'association "Fight for Dignity" créée par la triple championne du monde de karaté Laurence Fischer. Jeudi dernier, dans les locaux de L'Equipe, se déroulait un point presse, destiné à faire connaître cette association qui accompagne les femmes traumatisées suite à des violences. 

Détermination sans faille et engagement total ne sont pas incompatibles avec bienveillance, tendresse ou encore écoute de l’autre. Laurence Fischer en fait la démonstration. Dans le discours de la triple championne du monde, fondatrice en mars 2017 de cette association, toute l’énergie de celles et ceux qui mènent de justes combats.  

Forte de ses expériences de sportive de très haut niveau, et de ses expériences humanitaires menées à la suite de sa carrière, la championne a placé la pratique accessible et adaptée du sport, notamment du karaté, au centre de la reconstruction de ces femmes blessées. Engagée dans plusieurs projets en Haïti, au Burundi et bien sûr en France, Laurence Fischer a particulièrement été marquée par sa rencontre avec le docteur Denis Mukwege, gynécologue obstétricien en République Démocratique du Congo. De cette rencontre, avec le docteur Mukwege, récompensé en 2018 par le Prix Nobel de la Paix, pour ses actions auprès de ces femmes traumatisées dans des pays où le viol est utilisé comme arme de guerre, est née une action auprès des femmes touchées par ces violences. « J’ai eu la volonté de mettre mon expérience et mon expertise d’éducation par le sport à son service, explique Laurence Fischer. En 2014, nous avons mis en place un programme à la maison Dorcas, en République Démocratique du Congo. Ce programme est basé sur un accompagnement global des femmes post-opératoire et post traumatique. La non acceptation de leur corps est une des conséquences du stress post traumatique liées aux violences qu’elles ont subies. Elles détestent leur corps. La pratique du sport les aide à se réapproprier leur corps et à leur faire accepter que ce corps, même s’il leur a fait mal, leur est aussi utile. »

Une première expérience au Congo puis la même opération à la maison des femmes de Saint-Denis (Seine-et-Marne) où les femmes se retrouvent une fois par semaine pour endosser le kimono. « Quand une femme arrive, elle suit une sorte de parcours en fonction de son traumatisme. Il y a des médecins, des psychologues, des sages-femmes, des avocats mais aussi des ateliers. Avec le karaté, nous nous inscrivons dans ce circuit et travaillons en collaboration avec les autres domaines afin d’être plus efficaces. Chaque jeudi, pendant une heure et demie, on fait tout un travail de de respiration de décontraction, d’échauffements musculaires et articulaires. S’en suit la pratique du karaté pendant 20 minutes avant un retour au calme où on se reconcentre sur son corps avec des étirements. Reconnecter le corps au mental est essentiel. C’est une porte d’entrée pour se sentir mieux. Et on finit par une petite séance de méditation et un goûter qui permet aux femmes d’échanger entre elles. Cette séance aide aussi à identifier la colère et permet de changer la relation avec l’autre, avec moins d’agressivité. » 

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Dans son discours tout en douceur, pointe une détermination sans faille. A l’image des combats menés tout au long de sa carrière. Le sport comme source d’inspiration. « J’ai beaucoup reçu tout au long de ma vie de sportive, insiste-t-elle. J’ai transformé ce que j’ai reçu au service de la performance. Je me sens une extra privilégiée d’avoir pu pratiquer le sport comme je l’ai fait. Je veux maintenant le mettre au service des autres, notamment des personnes les plus vulnérables. Ok, je suis une championne de karaté. Mais pour avoir survécu à ce qu’elles ont vécu, les vraies championnes ce sont elles. Je ne peux pas m’arrêter dans cet engagement car ça fonctionne. Il faut apporter, avec amour, tendresse et bienveillance les choses dont elles ont manqué. Il est impossible de fermer les yeux. Et chacun, à son niveau, avec ses compétences, peut apporter son aide. Il y a urgence. »

Nouvelle étape du développement de Fight For Dignity, des recherches vont être menées sur ce domaine, en collaboration avec le département Activités physiques adaptées de l’Université de Strasbourg. « Plus nous saurons ce par quoi ces femmes sont passées, plus nous pourrons être efficaces, explique Laurence Fischer. Un protocole de recherches va être mis en place sur deux ans afin de mesurer l’impact de la pratique du sport sur le stress post-traumatique. Ces recherches doivent aussi nous aider sur notre méthodologie afin de vérifier que notre enseignement est adapté. Cela doit nous permettre, dans un second temps, de former des personnes susceptibles d’appliquer cette formation, des femmes fortes qui pourront jouer un rôle de modèles. »

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Particulièrement sensible à cette cause, Roxana Maracineanu, Ministre des sports et ancienne championne du monde de natation, a apporté tout son soutien à cette opération. « Je suis très touchée par cette démarche et cet engagement, explique-t-elle. Pendant notre carrière de haut niveau, nous avons énormément reçu. Une fois la carrière terminée, il y a cette envie de transmettre, de mettre tout ce que nous avons appris au service des autres et de nous réinvestir dans la société. Pendant notre vie sportive, nos progrès se traduisent à travers nos performances. Mais pour ces femmes, il est très important de leur dire, avec un regard bienveillant, qu’elles progressent un peu chaque jour. Contrairement au domaine du sport, il n’y a pas souvent quelqu’un dans la vie qui nous dit que ce qu’on fait est bien. C’est essentiel, surtout pour des personnes en situation de fragilité. Je crois aux valeurs du sport, et ces valeurs ce sont d’abord celles de ceux qui font le sport. »

Ouverture d’une campagne de financement

Afin de pouvoir financer le fonctionnement de l’Association et de préparer de futurs développements notamment autour de la recherche puis de la formation, une campagne de financement est lancée, ce vendredi 8 mars, sur la plateforme ulule.com. L’objectif des 45 jours de la campagne est de 15 000 euros. « Ce que nous mettons en place doit être accessible à davantage de personnes car ça fonctionne, insiste Laurence Fischer. Mais pour cela, nous avons besoin de moyens. » https://fr.ulule.com/fight-for-dignity/


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