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Estelle-Sarah Bulle : Là où les chiens aboient par la queue

Par Gangoueus @lareus

Estelle-Sarah Bulle : Là où les chiens aboient par la queue

Ce récit polyphonique relate l’histoire d’Antoine, de  Lucinde et Petit Frère, les trois enfants d’Hilaire Ezechiel, originaire du petit village perdu de Morne-Galant, surnommé en créole   Là où les chiens aboient par la queue  et d’Eulalie Lebecq, béké


Aprèsle décès de son grand-père, la fille métisse de Petit Frère, née en France, devenue jeune maman, décide d’en savoir plus sur l’histoire familiale et celle de la Guadeloupe. Elle interroge donc ses tantes et son père et chacun va conter, à sa manière, cette histoire.
Antoine relate son enfance, son départ à 16 ans pour Pointe-à-Pitre, avec le désir d’y avoir sa boutique, puis le départ définitif vers Paris pour y trouver du travail. Son récit se déroule, sur fond d’histoire collective de la Guadeloupe. Cette belle femme, fière et indépendante, animée par son seul désir, a avancé dans la vie, sans se retourner malgré ses rêves brisés, et son récit navigue entre réalisme et fantastique, lucidité et nostalgie. Elle dresse un panorama assez complet de la situation politique et sociale de son île : destruction d’un habitat décidée depuis Paris, sans tenir compte de la réalité locale ; révoltes de 1967 et brutalité de la répression ; hiérarchisation sociale d’une société selon la couleur de peau, etc.
A son riche récit fait écho celui de Lucinde, ambitieuse qui réussit socialement grâce à la couture et celle de Petit Frère, un homme pondéré, qui analyse rationnellement le monde. Cette polyphonie de voix donne un éclairage différent sur certains événements et témoigne sur le passage d’une Guadeloupe rurale dans les années 40 à la modernisation forcée dans les années 50-60.
C’est ainsi que le lecteur va traverser le temps et l’espace jusqu’aux années 2000, avec le regard de la jeune génération, née en France, qui comprend le créole mais ne le parle pas, et s’interroge sur son identité et sur une histoire qu’elle ne connaît pas, parce qu’il n’y a pas eu de transmission.
L’auteur réussit par un langage inventif et imagé, nourri de créole, à donner corps à ses personnages, à nous restituer les contradictions d’une société  et à nous communiquer les senteurs, la beauté des paysages sans tomber dans le misérabilisme ni l’exotisme. Elle offre une vision pleine de justesse et de poésie sur une société. La question de l’Histoire, de la transmission, de l’identité est au cœur de ce premier roman.
Vincente Duchel-Clergeau
 Estelle-Sarah Bulle
Là où les chiens aboient par la queue
Collection « Littérature française », Liana Levi, Août 2018, 188pages

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