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L’offensive de l’association « Les Citoyens Lobbyistes d’Intérêts Communs » pour la création d’un droit d’amendement dans la Constitution

Publié le 18 décembre 2018 par Infoguerre

L’offensive de l’association « Les Citoyens Lobbyistes d’Intérêts Communs » pour la création d’un droit d’amendement dans la Constitution

Le 10 juillet 2018, le projet de loi constitutionnelle pour « une démocratie plus représentative, responsable et efficace » est examiné en première lecture à l’Assemblée nationale. L’association « Les Citoyens Lobbyistes d’Intérêts Communs » (La CLIC) se saisit de cette réforme de modernisation des institutions pour lancer une offensive auprès des députés pour la création d’un « droit d’amendement citoyen ». Sur la base de l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, La CLIC rappelle que « La Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation”. Le droit du citoyen ne se résumant pas qu’à un simple statut de votant épisodique, l’objectif de La CLIC est de redonner du pouvoir à ce dernier, afin de contrebalancer le poids des lobbies, en faisant reconnaître son droit de contrôle et de participation à la décision politique.

Les Citoyens Lobbyistes d’Intérêts Communs militent pour un contre-pouvoir citoyen

Lorsqu’on se connecte au site www.lobby-citoyen.fr, site des “Citoyens Lobbyistes d’Intérêts Communs” (La CLIC), il y a peu d’information sur cette association. Trois photos : Jonathan, réalisateur, Elsa, diplômée de Sciences Po et Aurélien, juriste, ayant travaillé six ans comme collaborateur d’élus. Pas de noms, pas de biographies pour savoir qui ils sont. Concernant les modalités de financement de l’association rien ne transparaît, il n’y a même pas de lien pour être adhérent. La CLIC se présente comme “un ensemble de citoyens désireux d’œuvrer pour préserver l’Intérêt Commun à travers l’implication des citoyens dans les décisions politiques”. Après quelques recherches, on constate que La CLIC est une jeune association d’à peine plus de deux années. Son fondateur est Aurélien Vernet, un ancien attaché parlementaire d’Hélène Lipietz, sénatrice de Seine-et-Marne (EELV) de 2012 à 2014, puis de Joël Labbé, sénateur du Morbihan de 2014 à 2017 (EELV jusqu’en 2016, puis Rassemblement Démocratique et Social Européen). Aurélien Vernet a également été chargé de mission pour la « réforme des enquêtes publiques » au sein du projet de loi Grenelle II, au Ministère de l’écologie du développement et de l’aménagement durable en 2008. Sur le site www.parlement-et-citoyen, il se présente comme “un militant de l’éducation populaire, de la démocratie directe, du revenu de base, humaniste, libertaire, anarchiste, écologiste, démocrate… “. Elsa Kissel a rejoint La CLIC en mars 2018. Elle est membre co-fondatrice de www.lobby-citoyen.fr. Elle a précédemment occupé des fonctions auprès de l’association “Fermes d’Avenir”, de l’European Central Bank ou encore de la Banque de France. Elle a été à l’initiative d’une démarche citoyenne #Quelpesticidesjemange, une action de lobbying citoyen engagée à la suite d’une pétition pour la transparence des pesticides dans les produits alimentaires. Enfin, Jonathan Attias, est créateur de “Communidée”, blog vidéo sur les initiatives citoyennes et réalisateur de web-documentaires sur l’écologie politique. En 2016, il sera à l’initiative de #YesWeGraine, une pétition lancée lors du projet de loi sur la biodiversité, pour préserver les semences traditionnelles. Cette pétition en ligne récoltera plus de 80 000 signataires pour la liberté des semences. Elle sera adressée à Stéphane Le Foll, Ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt, et soutenue par Joël Labbé, sénateur du Morbihan, ainsi que par François Grosdidier, sénateur de la Moselle du groupe « les Républicains ». Le 9 août 2016, une loi sur la liberté de semer sera promulguée, une première victoire citoyenne !

Considérant que ce sont les lobbies privés qui font les lois, l’association La CLIC se positionne comme un contre-pouvoir citoyen dans le but de défendre l’intérêt général et reconquérir l’espace politique. Pour cela, elle lance régulièrement des actions pour infléchir la décision politique dans le cadre de projet de lois.

Le mode opératoire de La CLIC

Bien que les associations comme La CLIC soulignent leur différence entre le travail de plaidoyer qu’elles mènent pour défendre l’intérêt général et le bien commun, contrairement au lobbying des entreprises et des groupes d’intérêts privés qui exercent des pressions auprès des chambres parlementaires pour faire leurs propres lois selon elles, dans la dénomination de La CLIC, le choix des mots est clair : Les Citoyens Lobbyistes d’Intérêts Communs. Le terme est donc assumé, car La CLIC a bien compris que c’est en exerçant une pression auprès des parlementaires et en utilisant les outils du lobbying qu’elle pourrait remettre la parole du citoyen au cœur de l’appareil législatif. Et c’est bien ce qui va être mis en œuvre par l’association dans le cadre de la réforme constitutionnelle, en interpellant les députés pour leur proposer la création d’un “droit d’amendement citoyen” et d’autres amendements.

L’association va donc mettre en œuvre plusieurs actions pour mobiliser les citoyens et en faire des lobbyistes : kit de mobilisation pour citoyens-législateur afin d’animer en France des ateliers de démocratie, recueillir les propositions de lois des citoyens et les former à la rédaction d’amendements. Un guide “Atelier de démocratie” est même en ligne sur www.lobby-citoyen.fr pour expliquer le fonctionnement et déterminer une proposition de lois. Des ateliers législatifs sont également adaptés aux lycéens en vue de les sensibiliser. La durée et le plan de déroulement des ateliers y sont détaillés et cadrés. Tout est rigoureusement pensé et écrit par La CLIC afin de permettre aux citoyens de s’approprier la méthode et la mettre en application. Des vidéos sont aussi réalisées par les membres de l’association pour sensibiliser les internautes à ces ateliers. On y retrouve d’ailleurs le sénateur Joël Labbé, fidèle soutien de l’association et de ses projets d’amendements. Dans une autre vidéo, Jonathan Attias conseille les citoyens d’appeler les députés de la commission des lois de l’Assemblée nationale qui examinent le projet de réforme constitutionnelle, de la part du lobby-citoyen pour soutenir leurs amendements. Une liste de l’ensemble des députés avec le numéro de téléphone de leurs bureaux parisiens est disponible sur le site. Des recommandations sont également mises en avant pour les guider dans leurs appels téléphoniques comme d’expliquer clairement la raison de l’appel, ou d’être courtois par exemple… Des éléments de langage sur chaque amendement sont rédigés et consultables sur le site … jusqu’au message pour expliciter l’objet de l’appel, tout y est précisé, encadré pour que les actions atteignent leur but. La remontée des informations vers La CLIC est aussi planifiée : retour des échanges sur la position du parlementaire, prise de rendez-vous. Les portables d’Aurélien Vernet et de Jonathan Attias sont même affichés sur le site pour ceux et celles qui auraient besoin de conseils. L’association lance également un “Manifeste pour un lobby citoyen” pour lequel les internautes sont invités à apporter leur signature en ligne. Les réseaux sociaux comme Facebook, Twitter sont également mis à contribution, ainsi que des médias comme « AGORA VOX, le média citoyen », ou encore www.MesOpinions.com afin de relayer cette campagne. Le mode opératoire de La CLIC est donc bien de recourir aux techniques d’influence traditionnelles et digitales, en vue de créer une dynamique citoyenne et un effet de démultiplication de masse sur le territoire. L’association a conscience qu’elle peut ainsi créer une viralité du sujet afin d’avoir l’attention des députés.

La réaction des parlementaires

Si La CLIC peut compter sur quelques soutien au Sénat comme celui de Joël Labbé, membre de la commission des affaires économiques, pour lequel Aurélien Vernet a travaillé durant quatre années, et d’une oreille attentive d’autres sénateurs ou sénatrices, tels que Guillaume Gontard (CRCE), Vice-président de la commission à l’aménagement du territoire et du développement durable, d’Angèle Préville (PS), membre de cette même commission, de Cécile Cukierman (CRCE), Vice-présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, du côté du palais Bourbon, le combat semble plus compliqué. Lors des débats sur la réforme constitutionnelle à l’Assemblée nationale, les propositions d’amendements de La CLIC ont été rejetées par les députés en général. L’idée qu’à chaque projet de loi, un parlementaire soit désigné pour faire office de “rapporteur citoyen” et sélectionner puis défendre les amendements qui seraient les plus pertinents, n’a pas été vu d’un bon œil par les députés. Cependant, trois amendements sur le principe de la participation des citoyens dans l’édiction des normes et la définition des politiques publiques (n°1420), sur le développement des technologies numériques dans l’exercice de la souveraineté (n°1421), et sur le rôle du parlementaire comme un animateur de la vie publique dans les territoires (n°1429), allant dans le sens d’une plus grande participation des citoyens, ont été défendus par le groupe Nouvelle Gauche et plus particulièrement par la députée Cécile Untermaier. Des députés “Les Républicains” ont proposé un amendement (n°68) pour la création de conseils citoyens dans chaque circonscription parlementaire. Enfin, des députés du groupe GRD et de LFI ont défendu des amendements (n°2319, 1180 et 1280) pour une prise en compte du vote blanc dans les différents scrutins.

L’amendement clé de La CLIC sur le « droit d’amendement citoyen » (n°1458) et d’autres amendements portant sur la création d’une commission spéciale chargée d’examiner les pétitions (n°490), restent à débattre. D’ores et déjà, les députés ont rectifié le projet sur le « droit d’amendement citoyen » en introduisant un seuil quantitatif de 10 000 personnes. A la suite de « l’affaire Benalla » en juillet 2018, les parlementaires ont décidé de ne pas poursuivre les travaux, considérant que le climat politique ne se prêtait pas à l’examen de la révision constitutionnelle.

Le calendrier parlementaire reprenant début d’année 2019, le débat n’est donc pas terminé, mais s’annonce difficile sur ce sujet. Cette proposition de loi pour un « droit d’amendement citoyen » a d’ailleurs été défendue au Sénat en décembre 2017 par Stéphane Artano qui avait dû essuyer le rejet sévère de la commission des lois. Philippe Bas, alors rapporteur de la commission des lois avait mis en avant : « Nos concitoyens n’ont pas le droit d’amendement, c’est le principe représentatif. Nous, parlementaires, nous représentons la nation et nous avons le monopole de l’initiative législative ».

Comme le souligne Benjamin Sourice dans son ouvrage : “ l’appel des citoyens pour ériger de nouveaux contre-pouvoirs afin de penser la démocratie de demain” est lancé. Reste à voir comment cette révision constitutionnelle intègrera in fine la question fondamentale “de la juste représentation des intérêts communs à travers la promotion d’espaces de dialogue entre décideurs, société civile et citoyens”.

Corinne Petitprez

Source :

Benjamin Sourice “Plaidoyer pour un contre-lobbying citoyen”

http://www.assemblee-nationale.fr – Projet de loi constitutionnelle n° 911

Synthèse des débats sur les propositions citoyennes pour la réforme constitutionnelle à l’Assemblée Nationale

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