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État de siège à La Réunion et solitude forcée

Publié le 21 novembre 2018 par Do22
État de siège à La Réunion et solitude forcée

Je suis à La Réunion, cette petite île à l'est de Madagascar, à l'est de l'Afrique dans l'océan indien. Une île qui fait partie de la France - département d'outre-mer, DOM - et qui souffre aussi de la politique de ce pays qui permet aux riches de s'enrichir sur la tête des pauvres qui s'appauvrissent.

État de siège à La Réunion et solitude forcée
Pire : des taxes supplémentaires sont ajoutées aux Réunionnais pour certaines choses, notamment quand ils commandent des produits hors France. Une taxe de 30% leur est alors ajoutée à la livraison du paquet à la Poste. Imaginez aussi une voiture que vous payez 30% de plus qu'en " métropole ", la France dans l'Europe. Des paquets de 4 yoghourts à 6 € (10 $CA environ), etc...

Inversement, les visites médicales/dentistes/kiné, etc. coûtent environ 30 € et un plombage 80 € alors qu'au Québec, cela coûte trois fois plus cher. Les soignants français sont moins bien payés que certains fonctionnaires...

Les belles promesses électorales de Macron, l'actuel président de la République, sont bel et bien oubliées au profit de, parfois, carrément l'inverse de ce qu'il avait annoncé et qui avait incité les électeurs à l'élire.

Le pays se soulève. La Réunion est en colère. Suite aux événements des gilets jaunes de samedi passé, les barrages routiers se multiplient, les écoles sont toutes fermées ainsi que la plupart des magasins et services publics. On reste chez soi, impuissants, en espérant avoir assez de vivres pour passer les prochains jours si cette crise ne s'arrête pas. Certaines grandes surfaces ouvrent quelques heures par jour sous l'oeil des garde de sécurité mais les vivres seront bientôt à sec même si les entrepôts en contiennent encore. Les barrages routiers empêchent les gens de passer et cela prend des heures pour faire 1 km.

Depuis hier, mardi, un couvre-feu a été annoncé jusqu'à vendredi matin, entre 21h et 6h du matin, qui n'a pas été respecté, les casseurs mettant le feu à des magasins et voitures et pillant des supermarchés dans la nuit. Des blessés.

État de siège

État de siège à La Réunion et solitude forcée
En tant que touriste à La Réunion, j'ai l'impression d'entrer dans un état de guerre fort désagréable dont je ne fais pas partie. Même si je comprends - et partage et soutiens - les raisons qui font que le peuple français se soulève devant ces accumulations de taxes qui les appauvrissent de plus en plus au profit des plus riches, je ne peux accepter cette violence.

Dans bien d'autres pays aussi, le pouvoir d'achat à beaucoup baissé depuis quelques années. Je m'en fais la réflexion à chaque printemps quand je rentre au Québec. Les prix et les taxes augmentent mais les revenus stagnent. Les loyers sont hors de prix. La nourriture a augmenté de 40% ces trois dernières années.

Les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent. On se croirait revenir au Moyen Âge où les seigneurs étranglaient leurs paysans de leurs taxes et dîmes.

Je ne sais que penser de tout ce qui se passe ici. Je me sens totalement impuissante et je ne cautionne pas du tout la violence qu'on voit se passer depuis samedi. Ce mouvement avait été annoncé et demandé dans la paix...

Confinée à résidence

J'ai la chance de vivre chez une amie dans une banlieue assez loin des barrages et de la casse mais on ne sort pas. Elle ne veut pas prendre son auto au cas où on rencontrerait un barrage au village, des casseurs...

État de siège à La Réunion et solitude forcée
Je suis allée hier à pieds chez le primeur en haut. Les étagères étaient presque vides et il n'attendait pas de ravitaillement puisque toutes les routes sont bloquées. L'énergie était étrange. D'habitude bon-enfant à se raconter toutes sortes de choses en rigolant, les gens étaient silencieux. Certains tentaient, dans la longue queue vers la caisse, de détendre l'atmosphère mais le coeur n'y était pas.

Je suis ensuite allée à la boulangerie. Il était 10h30 et il n'y avait déjà plus de pain. La prochaine fournée arriverait dans 30 minutes.

Je vis donc en " réclusion " forcée depuis samedi passé alors que j'avais une belle semaine organisée. De belles rencontres, des visites de lieux pour faire des stages, des activités spirituelles et culturelles.

Je suis malgré moi confinée à résidence, si je peux dire. Je me sens à la fois otage impuissante d'une société dans laquelle je ne suis que touriste, et lion qui tourne dans sa cage en commençant à en avoir assez. Deux ou trois jours, ça va, mais on a l'impression qu'on va en avoir au moins pour la semaine.

Message de la situation

Je regarde les nouvelles à la TV de mon canapé. Je discute plusieurs fois par jour avec mon amie, une Réunionnaise qui en a aussi plus qu'assez et qui est très en colère de ce qui se passe, qui soutient mordicus et avec raison ces mouvements - sauf la violence, bien sûr.

Je pense surtout à comprendre ce que me fait vivre cette situation de réclusion, de solitude aussi, quelque part, puisque je ne vois mon amie qu'un peu dans la journée, qui vit sa vie de son côté de la maison. Nous nous entendons bien ainsi. Je discute aussi avec des amis via les différents outils Internet et par vidéo. Je ne suis pas tout à fait seule.

J'aurais le temps de me mettre à écrire mon livre, ce que je dis depuis des années. Je n'ai quasiment rien d'autre à faire. Je n'en ai pas l'inspiration, pas dans ces conditions.

J'ai un peu l'impression, à certains moments de la journée, de me retrouver quand j'étais toute jeune, encore enfant, recluse dans ma chambre pour éviter la violence verbale et physique qu'imposait mon beau-père à ma mère. Je lisais et je bricolais pour me changer les idées. Je n'en sortais que pour aller manger et revenais rapidement dans ma chambre.

Cette violence potentielle à l'extérieur d'où je vis m'effraie un peu même si je me sens sereine et protégée où je suis. Je ne sais pas encore bien gérer la violence, les agressions. Je ne sais pas comment me défendre et je m'arrange donc pour ne pas me retrouver dans une telle situation. Je préfère rester dans mon espace et envoyer de l'amour et de la belle énergie aux manifestants. C'est ma façon de les soutenir et de les remercier pour ce qu'ils font pour le reste de la société. Je me sens totalement impuissante autrement.

Je souhaite de tout coeur que ces manifestations se fassent dans le calme et que, surtout, les autorités entendent et ouvrent rapidement la discussion afin que chaque citoyen se sente enfin respecté et non pas asservi.

De tout coeur

©Dominique Jeanneret
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