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Tout quitter avec Antoine Bello

Par Samy20002000fr

Avez-vous déjà eu l’impression que vous manquiez de temps, et rêvé de tout recommencer à zéro ? C’est l’histoire de Walker, le héros de L’Homme qui s’envola, le dernier roman d’Antoine Bello paru chez Gallimard que l’auteur est venu présenter le 29 mai dernier à trente lecteurs.

Walker a tout pour être heureux. Il dirige une florissante entreprise au Nouveau-Mexique et sa femme, la riche et belle Sarah, lui a donné trois magnifiques enfants. Et pourtant, il ne supporte plus sa vie. Entre sa famille, son entreprise et les contraintes de toutes sortes, son temps lui échappe. Une seule solution : la fuite. Walker va mettre en scène sa mort de façon à ne pas peiner inutilement les siens.

Malheureusement pour lui, Nick Shepherd, redoutable détective spécialisé dans les disparitions, s’empare de son affaire et se forge la conviction que Walker est encore vivant. S’engage entre les deux hommes une fascinante course-poursuite sur le territoire des États-Unis. En jeu : la liberté, une certaine conception de l’honneur et l’amour de Sarah.

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Les raisons d’une disparition

D’abord interrogé sur le phénomène de disparition sur lequel est bâti son roman, Antoine Bello a précisé les raisons qui poussent Walker, son personnage principal, à faire croire à sa mort : “La plupart du temps, des hommes disparaissent parce qu’ils ne veulent pas payer de pension alimentaire ou parce qu’ils sont en liberté sous caution, mais ils ne disparaissent pas pour des raisons existentielles. C’est différent pour Walker : son entreprise lui prend beaucoup de temps, il ne sait pas déléguer, et il a l’impression qu’il n’a pas la possibilité de dire ce qu’il ressent car il n’a pas de dialogue avec sa femme Sarah. Il est convaincu que son existence est insoutenable, et sa sensibilité est heurtée par cette vie.”

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Le pouvoir cathartique de l’écriture

Antoine Bello s’est ensuite confié sur les origines autobiographiques de son dernier roman, admettant s’être nourri de son expérience personnelle pour construire son personnage principal, Walker : “Le point de départ est autobiographique, je ne peux pas le nier. Comme beaucoup de monde, j’ai joué avec l’idée de tout recommencer à zéro. C’est ce qu’on a tous rêvé de faire un jour, mais qu’on ne fait pas parce qu’on a des responsabilités. Quand j’étais chef d’entreprise, j’ai moi aussi senti que je ne pouvais plus continuer à vivre comme ça. Je suis un Walker qui a secoué ses chaînes au moment où c’était encore possible de le faire.”

L’auteur a tout de même pris soin de souligner une différence capitale entre son héros et lui, faisant ressortir ainsi un pouvoir de la littérature : “Mes enfants m’ont complètement reconnu dans le personnage de Walker, et c’est d’ailleurs à eux que je dédie ce livre : “À ceux que je ne quitterai jamais”. J’ai pris le temps de leur expliquer que je ne ferai pas comme Walker, que je ne les abandonnerai pas. Parce que j’ai écrit ce livre, je ne partirai pas, c’est un exorcisme. Je pense que c’est une des fonctions de la littérature.”

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La construction des personnages

Si Antoine Bello a trouvé le personnage de Walker rapidement, il a en revanche eu plus de difficultés à construire le personnage de Sarah, sa femme, et à écrire à son propos. “La première scène de Sarah, quand elle est chez son psychologue, je l’ai réécrite trois ou quatre fois, alors que d’habitude le premier jet est souvent quasiment définitif. Bâtir un personnage, c’est bien, mais tant qu’il n’a pas vécu, tant qu’on ne sait pas s’il a de l’humour, comment il réagit, on ne le connaît pas vraiment.” Plus généralement, il s’est exprimé à propos de la difficulté à mettre en scène des personnages féminins : “J’ai peu de personnages féminins dans mes livres, j’en suis conscient et c’est un reproche qu’on me fait souvent, mais c’est un reproche injuste : si j’avais ces personnages, je les livrerais au lecteur, mais je ne les ai pas.”

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À la frontière des genres

Après s’être exprimé sur la symbolique derrière les prénoms de Walker et de Shepherd, Antoine Bello s’est ensuite expliqué sur ce second personnage : “J’adore la figure du détective, parce que le détective cherche le coupable et se cherche aussi lui-même. Depuis Œdipe, l’enquêteur est également à la recherche de son identité, de son passé.”

C’était ainsi l’occasion pour l’auteur d’aborder la question du genre : à la limite entre le roman policier et le roman d’aventure, L’Homme qui s’envola surprend dans la bibliographie de l’auteur : “Dans presque tous les livres que j’écris, il y a la notion de genre. Je me délecte avec ça, j’aime changer de genre entre chaque roman. J’aime déstabiliser mes lecteurs, qui ont une certaine idée de ce que j’écris. Même si c’est une mauvaise stratégie marketing, c’est un luxe absolu de pouvoir changer de registre. Je comprends pourquoi on a besoin de créer des catégories, mais je pense que les amoureux de la littérature piochent indifféremment dans tous les genres.”

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De la documentation à l’intemporalité

Curieux des méthodes de l’auteur, les lecteurs l’ont longuement interrogé sur le processus d’écriture de L’Homme qui s’envola : “Je me suis beaucoup documenté. Il me paraissait inconcevable d’écrire un livre sur un détective et sa proie sans lire sur l’art de ces deux domaines. 98% de ce que je raconte dans L’Homme qui s’envola est authentique. La seule chose à laquelle j’ai voulu faire attention, c’est la date. Je fais attention à ne pas dater mes livres, je ne veux pas qu’ils vieillissent trop. Dans certains romans, les personnages sont surexposés à la technologie, ils ont les derniers gadgets à la mode. J’essaie au contraire de ne pas surcharger mes livres pour tendre à une certaine intemporalité.”

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Un roman américain

S’il est intemporel, L’Homme qui s’envola est toutefois un roman très américain aux yeux des lecteurs, et à juste titre : “Il me semblait que l’histoire devait se passer aux Etats-Unis : le métier de skip-tracer est typiquement américain, tout comme la société que Walker a montée. En Europe, j’avais un problème de frontières et de différences culturelles et judiciaires. Les Etats-Unis, au contraire, c’est un pays-continent, et j’aime la forme rectangle du pays, qui donne l’impression d’être face à un plateau de jeu.”

Les lecteurs ont ainsi rebondi en interrogeant Antoine Bello sur la notion de jeu, très présente dans son dernier roman : “La construction du roman prend la forme d’une partie d’échecs où chaque joueur anticipe ce que l’autre va faire. Cette notion d’anticipation des coups de son adversaire se retrouve dans beaucoup de mes livres. Chaque joueur, que ce soit Walker ou Shepherd, aurait pu gagner, mais ils ont préféré faire match nul. En un sens, ils ont tous les deux gagné.”

Retrouvez L’Homme qui s’envola d’Antoine Bello, publié chez Gallimard.


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