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La Tour d’Argent

Par Gourmets&co

Sucette d'asperges blanches © P.Faus

Le doux parfum du changement

Finalement, et comme souvent, l’histoire de Paris se confond avec celle de La Tour d’Argent. Plus de 400 ans de vie commune créent nécessairement des liens. Indéfectibles, presque. Le restaurant appartient autant à l’histoire de Paris que l’Arc de Triomphe ou la Pyramide du Louvre. Il en a connu les gloires et les vicissitudes, les hauts et les bas, les victoires et les défaites, mais tous deux sont toujours sortis grandis des épreuves. Contrairement aux autres « célébrités » de la ville, La Tour d’Argent est un monument du plaisir et de l’art de vivre à la française poussé à l’extrême de la qualité. On peut y aller cent fois, à chaque visite, à votre table, Paris est à vous.

Aujourd’hui, une nouvelle page se tourne, une nouvelle aventure commence et commence bien, très bien même. Hommage rapide à Laurent Delarbre, Meilleur Ouvrier de France, qui a donné un style et un certain renouveau à la carte de la maison et à l’interprétation des classiques durant six années.

Philippe Labbé, le chef

L’arrivée de Philippe Labbé en a surpris plus d’un. Il semblerait que chacun avait besoin de l’autre, pour des raisons différentes mais complémentaires. André Terrail souhaite maintenant retrouver le lustre d’antan qui passe par la reconquête des étoiles perdues au fil des décennies précédentes. Philippe Labbé vient de passer une année agitée avec sa venue en Moselle, quittant le Shangri-La à Paris et ses deux étoiles pour succéder à Jean-Georges Klein à l’Arnsbourg. Un an plus tard à peine, l’aventure se termine pitoyablement et le chef accepte de s’installer à La Tour d’Argent, gage de sérieux et de stabilité.

Selon André Terrail, le chef a eu carte blanche pour transformer la carte et les plats de la maison. Cela se voit au premier coup d’œil. Ce n’est plus un changement c’est presque une révolution. Deux exemples : la légendaire quenelle du grand-père André devient la Quenelle du XXIème siècle, quant au célébrissime et emblématique canard, il est toujours présent mais pour le moins déstructuré. Le suprême du caneton de Challans est rôti au miel de la maison, avec épices, jus au vinaigre de cerises et muesli. Il est également servi en cinq services pour un repas complet, en œuf, en rillettes, en foie blond, en langues et en coffre rôti. La recette ancestrale, toujours disponible, est à commander deux jours à l’avance.

Pour la première fois dans l’histoire de La Tour d’Argent, les asperges arrivent en sucettes ! Il faut le voir et le goûter pour le croire. Fun, subtil et délicat. Une entrée en matière qui donne le ton de ce qui va suivre.

Soupe glacée de petits pois © P.Faus

Petites entrées pour patienter dont une remarquable Soupe glacée de petits pois, menthe, granité de babeurre, jambon de Bayonne. Magnifique ! On veut bien attendre longtemps avec des plats aussi réussis.

Quenelle du XXIème siècle © P.Faus

La déjà fameuse Quenelle du XXIème siècle est légèrement parfumée à la vanille, servie avec des écrevisses pattes rouges, des morilles, et de l’oseille sauvage. La texture ressemble nettement plus à un flanc qu’à une quenelle ce qui incite à se poser la question si le mot est encore justifiée. Un plat cependant superbe, généreux, très construit mais en équilibre instable, la sauce « crustacés » prenant nettement l’ensemble du plat. Moderne certes, mais…

Les Morilles blondes et brunes sont sautées au Château-Chalon, ail des ours, et recouverte, au sens propre, de Comté Grande Garde un peu trop envahissant, là encore déséquilibrant quelque peu le plat.

Sole de l'île d'Yeu, écrevisses © P.Faus

Par contre, la Sole de l’île d’Yeu « petit bateau », écrevisses pattes rouges, aulx, mousseline de charlotte fumée, est un petit chef-d’œuvre de finesse, de saveurs délicates et harmonieuses, à la cuisson parfaite, dans une présentation très actuelle, avec une purée aérienne.

Ris de veau fermier croustillant © P.Faus

Le Ris de veau fermier croustillant est une pièce superbe, laqué et bien saisi, moelleux comme il se doit et plus encore, posé sur une fine purée de petits pois, le tout parfumé au thym citron, ail nouveau (donc discret), bébés concombre, et cerfeuil. Cela fait du monde certes, mais tout est en harmonie parfaite, le ris trônant en majesté dans un accord parfait avec son jus de cuisson en prime, pour un plat chaleureux et d’une rare beauté.
Le plateau de fromages est toujours là, avec son Comté hors normes et exceptionnel de 36 mois d’affinage mais qui garde une jeunesse et une finesse étonnante. A ne pas rater.

Le chef pâtissier est Anatole Trouch. Il est en forme ! Il envoie un petit chef-d’œuvre à base de Fraises des bois toutes fraîches, assorties d’une meringue, parfait au citron basilic, sorbet fraise des bois, et vacherin meringué. Une réussite parfaite pour un dessert construit au millimètre, joyeux, délicieux et de saison. Tout pour plaire !

Poire Vie Parisienne © P.Faus

Une deuxième merveille avec un grand dessert du passé remis au goût du jour : la Poire Vie Parisienne. A savoir, une poire Louise Bonne de Printemps, crème vanille, caramel, milk shake. Etonnamment actuel, moelleux et franchement délicieux.

La cave est toujours aussi exceptionnelle bien sûr, hors normes par le choix hallucinant des vins que gèrent toujours le grand David Ridgway. L’accueil parfait au rez-de-chaussée et la montée au septième ciel, le service sous la houlette de Stéphane Trapier qui semble profiter de ce doux zéphyr du changement et qui semble plus motivé et plus présent avec grâce que jamais.

Philippe Labbé est sans aucun doute le vent de fraîcheur devenu nécessaire sinon vital à La Tour d’Argent. Sa conception de la cuisine, d’un modernisme chic et d’une technique parfaite, la beauté de ses plats, ses alliances étonnantes mais jamais aventureuses, ce dépoussiérage d’une carte devenue très personnelle, et les saveurs de certaines assiettes, sonnent le renouveau du restaurant.
Il faut bien sûr trouver l’équilibre fragile entre être et devenir, ne pas dénier son histoire au profit d’un présent éphémère. Qui connait le passé maitrise l’avenir. Il faut que le chef et André Terrail gardent cela en mémoire. On leur fait toute confiance car les premières semaines augurent bien d’un futur flamboyant.

Intérieur nuit
15, quai de la Tournelle
75005 Paris
Tél : 0143 54 23 31
[email protected]
www.tourdargent.com
Voiturier
M° : Maubert Mutualité
Fermé dimanche et lundi
Fermé en août

Carte : 220 € environ
Menu « Imagination de Philippe en huit services » : 350 €
Menu déjeuner : 105 € (3 plats)
Menu « Caneton de Liliane Burgaud en cinq services » : 195 €
Menu « Caneton de Philippe Delair » : 220 € (pour deux personnes)
(plat emblématique à commander au moins deux jours à l’avance)

© P.Faus  - copie
Andre-Terrail-portrait-NB
Fraises des bois, meringue © P.Faus

Grenouilles, orties, couteaux © P.Faus


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