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David Cormand : « Derrière des apparences placides, le hollandisme est un régime de dureté »

Publié le 11 juin 2016 par Blanchemanche
#EELV #DavidCormand
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR BENJAMIN KÖNIGJEUDI, 9 JUIN, 2016HUMANITÉ DIMANCHE

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David Cormand : « Derrière des apparences placides, le hollandisme est un régime de dureté »Photo : Guillaume Clément pour l'Humanité DimancheSon parti, Europe Écologie-les Verts, qui a traversé une crise profonde, se réunit en congrès le 11 juin. Le secrétaire national d’Europe Écologie-les Verts aborde pour l’« Humanité Dimanche» la situation politique et sociale du pays. Mais également la question, plus large, de la recomposition politique et de l’avenir d’EELV.Parlons, pour commencer, de l’actualité. Toute action de contestation est violemment réprimée, comme le 2 juin à Saint-Malo, où 11 enfants ont été blessés lors d’une évacuation policière. Que pensez-vous du glissement sécuritaire du gouvernement ?David Cormand. La situation actuelle s’inscrit dans une logique globale. Les différents glissements sont liés. Le gouvernement actuel a commencé par brader la question sociale en se convertissant à l’orthodoxie libérale : c’est la faute originelle du traité européen, qu’il n’a pas renégocié. Ont suivi le rapport Gallois, le CICE, l’ANI, Macron et sa loi, et maintenant la loi travail. Mais un renoncement en amène d’autres. Au nom d’un prétendu réalisme, qui n’est que la soumission aux thèses de nos adversaires, une partie de la gauche a cédé sur les valeurs. C’est ce que Cécile Duflot a appelé avec raison le « Waterloo moral ». Le discours de Munich, le 13 février dernier, où M. Valls a fait la leçon à l’Allemagne sur l’accueil des réfugiés, et plus généralement les questions de l’immigration, en constitue l’illustration la plus parfaite. C’est aujourd’hui l’esprit démocratique de la gauche, qui sort affaiblie du quinquennat. L’autoritarisme est devenu la méthode récurrente du hollandisme, qui, derrière des apparences placides, est un régime de dureté. Ce glissement est le plus inquiétant, car il réduit de fait l’espace de la délibération démocratique. Il y a eu la déchéance de nationalité, la restriction du droit de manifester, l’utilisation du 49-3. Choses que je ne mets pas sur le même plan mais qui ont un sens commun : ce sont des indicateurs du fait que le gouvernement prétend détenir seul le monopole de l’intérêt général.Selon vous, ces glissements sont les symptômes de quelles évolutions ?David Cormand. D’abord celui d’une décomposition de la politique, de la confusion généralisée. Mais c’est aussi l’expression d’une crise de société plus profonde : notre modèle économique s’effondre structurellement, dans tout l’Occident d’ailleurs et ce depuis 40 ans. Le contre-modèle d’inspiration marxiste, qui a posé avec justesse le diagnostic social du système, est affaibli par l’échec des pays de l’Est et par l’atomisation des rapports sociaux. Le chômage structurel fait que le rapport de forces n’est plus le même. Et il y a une résignation à la pensée Thatcher, au « TINA » (« There is no alternative », il n’y a pas d’alternative – NDLR). Mais ce n’est pas uniquement en France ! Le but de Valls ou de Macron est de mettre fin à la gauche traditionnelle pour aller vers une grande coalition avec la droite.Cela laisse ouvert ce qu’on peut appeler un « espace » à gauche. Plus largement, il s’agit de reconstruire la gauche. Avec qui et sur quelles bases ?David Cormand. À mon sens, il ne s’agit pas de « refaire la gauche », ce n’est pas le match retour de la vraie gauche contre la fausse – c’est d’ailleurs ce match que veulent imposer à la fois M. Hollande et M. Mélenchon. L’enjeu est de reconstruire une nouvelle grille d’analyse, avec trois camps distincts : le camp de la coalition, du système ; le camp de l’extrême droite ; et le camp de la transformation.Comment constituer ce camp ?David Cormand. Ce dernier doit porter un projet pour le XXIe siècle. Il faut répondre à de nouvelles questions, liées à la finitude du monde et à l’interdépendance écologique. Comment produit-on les richesses sans détruire la nature ? Comment s’émancipe-t-on du règne de la marchandise ? Comment respecter les droits des générations futures, tout en répondant aux besoins du présent ? Au fond, c’est une question de modèle de développement dans une planète aux ressources limitées. Pour cela, la matrice écologique est fondamentale : elle repose sur l’émancipation par « l’être », plutôt que par « l’avoir ». Dans cette affaire, je pense, malgré ma position, que les appareils des partis sont des obstacles. Nous avons des difficultés, nous comme les autres, à inventer la forme parti du XXIe siècle : des outils d’éducation populaire qui soient plus ouverts.Il y a également le besoin d’union – pour dire simple, qui aille de Mélenchon jusqu’aux frondeurs socialistes – afin de contrer les autres camps ?David Cormand. Nous avons des valeurs communes, mais également des divergences sur Notre-Dame-des-Landes, le nucléaire – même si le PCF a entrepris un travail sur le sujet… Nous-mêmes, écologistes, devons nous remettre en question. Pour bâtir une nouvelle alliance, tout le monde doit s’interroger en profondeur.Ce travail n’est-il pas en train d’être effectué ?David Cormand.Oui, mais par exemple, je ne suis pas opposé à l’économie de marché. Cela dit, questionner la finalité de la production dans notre société revient à remettre en cause ce capitalisme mondialisé.Donc, par exemple, à lutter contre la loi travail…David Cormand. On a été présents dès le début sur ce débat. Nos députés ont signé la motion de censure de gauche, nous avons participé à toutes les manifestations, et nous soutenons sans réserve le mouvement social. Nous voulons également une vraie loi travail, qui prenne en compte les deux questions essentielles : la baisse du temps de travail et le revenu universel. Ce mouvement social comporte deux éléments nouveaux : la pétition a été l’élément déclencheur, et Nuit debout – dont on peut penser ce qu’on veut – est une forme inédite de mobilisation sociale. Cela ne se substitue pas aux formes traditionnelles comme la CGT. Au contraire, cela a renforcé son combat. C’est aussi ce qui explique que l’opinion publique ne décroche pas.Le gouvernement est pourtant passé en force, et n’hésite pas à attaquer durementle mouvement social…David Cormand.Le gouvernement n’est pas déterminé, il est entêté. Manuel Valls n’est fort qu’avec les faibles et se soumet à ceux qu’il identifie comme forts : M. Gattaz, la finance, les lobbies. Les Français voient bien qu’il y a un problème pour un homme qui se dit de gauche.Il y a également la question de la violence, utilisée pour discréditer le mouvement social ?David Cormand. M. Cambadélis a envoyé une lettre pour demander de condamner ceux qui s’en prennent aux permanences du PS. Nous n’avons aucune sympathie pour la violence et nous la condamnons fermement. Mais nous sommes dans une situation insurrectionnelle nourrie par l’entêtement et la brutalité du gouvernement.Revenons à EELV. Avec tous les départs qu’a connus votre parti, avez-vous surmonté cette crise ?David Cormand.Non, nous en sommes au début. Il nous faut panser nos plaies, mais aussi nous réinventer, nous adresser à la société. Pour cela, nous aurons besoin de tout le monde. Maintenant, il ne s’agit plus de se compter, mais de se rassembler. Nous devons devenir un parti à vocation majoritaire, c’est-à-dire capable de s’ancrer en profondeur dans les consciences du pays, et d’être un outil de transformation politique. Notre mue ne fait que commencer, mais elle est inéluctable.Quelle va être votre position pour 2017 ? Ne craignez-vous pas qu’une candidature écolo ne soit qu’une candidature de témoignage ?David Cormand. Nous ne témoignons pas seulement de l’état du monde. Nous agissons pour le changer. Non, la question est de faire de cette élection l’occasion de faire émerger une offre politique nouvelle, et c’est la responsabilité d’EELV. Vient ensuite la question de l’incarnation : il y a plusieurs candidatures solides : Nicolas Hulot, Cécile Duflot, peut-être d’autres. C’est intéressant. Il nous faut chercher à construire une candidature de large rassemblement.Mais l’enjeu n’est-il pas d’échapper à un duel Juppé-Le Pen ?David Cormand. Rien n’est écrit. Ce qui est sûr, c’est que je me battrai pour que l’écologie soit forte dans cette élection et dans les années qui viennent.http://www.humanite.fr/david-cormand-derriere-des-apparences-placides-le-hollandisme-est-un-regime-de-durete-609048

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